ICPE : précisions sur la prise en compte des engagements volontaires de l’exploitant et sur le pouvoir du préfet d’établir des prescriptions techniques supplémentaires

Catégorie

Environnement

Date

June 2021

Temps de lecture

4 minutes

CE 31 mai 2021 Société Castorama, req. n° 434542 : mentionné aux tables du Rec. CE.

Par un arrêt du 31 mai 2021, le Conseil d’Etat a jugé qu’au regard des dangers effectifs causés par l’installation, le préfet peut tenir compte, des engagements volontaires pris par l’exploitant dans son dossier de demande et imposer des prescriptions techniques additionnelles.

Des associations avaient demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler l’arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 27 mars 2013 autorisant la SAS Castorama à exploiter un entrepôt logistique, pour un bâtiment à usage de stockage, expédition, activité et de bureaux, d’une surface de 110 522 mètres carrés, sur le territoire de la commune de Saint-Martin-de-Crau au motif que le préfet n’avait imposé aucune prescription technique à l’exploitant.

L’arrêté d’autorisation d’exploiter a été annulé par le tribunal administratif, par un jugement du 12 janvier 2017. Et, par un arrêt du 12 juillet 2019, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté les appels formés contre ce jugement.

Par un arrêt du 31 mai 2021, le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la Cour et renvoie l’affaire devant la cour administrative d’appel de Marseille.

1.    La prise en compte de l’engagement volontaire de l’exploitant

La cour administrative d’appel de Marseille avait jugé que le préfet qui n’avait imposé aucune prescription à l’exploitant ne pouvait utilement soutenir qu’il convenait de tenir compte des dispositions prises par la société pour réduire l’impact de son exploitation sur l’environnement dès lors qu’elles sont par elles-mêmes sans incidence sur l’appréciation de la protection de l’environnement.

Sur ce point, la cour administrative d’appel semble s’être inspirée d’une précédente décision du Conseil d’Etat du 30 juin 2003 1)CE 30 juin 2003 SARL Protime, req. n° 228538 : mentionné aux tables du Rec. CE.. Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat avait jugé que lorsque l’autorité administrative est saisie d’une demande d’autorisation d’exploitation d’une ICPE, elle doit tenir compte des prescriptions que le préfet a pu imposer à l’exploitation au titre d’une autorisation d’urbanisme mais qu’en revanche, les dispositions prises par une société pour réduire les conséquences éventuelles de son exploitation sur l’environnement sont, par elle-même, sans incidence sur cette appréciation.

Or, à l’inverse, dans l’arrêt commenté du 31 mai 2021, le Conseil d’Etat juge que :

« 4. En premier lieu, dans l’exercice de ses pouvoirs de police administrative en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement, il appartient à l’autorité administrative d’assortir l’autorisation d’exploiter délivrée en application de l’article L. 512-1 du code de l’environnement des prescriptions de nature à assurer la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du même code, en tenant compte des conditions d’installation et d’exploitation précisées par le pétitionnaire dans le dossier de demande, celles-ci comprenant notamment les engagements qu’il prend afin d’éviter, réduire et compenser les dangers ou inconvénients de son exploitation pour ces intérêts » 2)CE 31 mai 2021 Société Castorama, req. n° 434542 : mentionné aux tables du Rec. CE..

Le Conseil d’Etat analyse donc les engagements volontaires pris par l’exploitant dans son dossier de demande d’autorisation comme liant l’exploitant dès lors que l’autorisation sollicitée a été délivrée. Ces engagements prennent donc visiblement la même valeur que les prescriptions prévues dans l’arrêté d’autorisation.

Dans ses conclusions prononcées dans l’affaire jugée le 31 mai 2021, le rapporteur public explique cette différence d’interprétation en indiquant qu’une distinction doit être opérée entre des mesures mises en œuvre spontanément par l’exploitant et des engagements qui figurent dans la demande d’autorisation ICPE. Et, le rapporteur public ajoute également que lorsque le dossier prévoit des mesures d’installation ou d’exploitation suffisamment précises, celles-ci doivent s’imposer par elles-mêmes au pétitionnaire lorsqu’il bénéficie de son autorisation.

En matière d’engagement volontaire de l’exploitant, le juge administratif opère donc une distinction entre le cas dans lequel l’engagement de l’exploitant figurait dans son dossier de demande d’autorisation d’exploiter, à la condition qu’elles soient suffisamment précises, et le cas dans lequel cet engagement est plus tardif, spontané, et ne figurait pas dans le dossier.

2.    Les pouvoirs de police du préfet lors de l’octroi de l’autorisation d’exploiter

Dans un second temps, le Conseil d’Etat rappelle les conditions d’octroi ou de refus d’une autorisation d’exploiter.

Il indique que lorsqu’elles lui apparaissent nécessaires, le préfet doit assortir l’autorisation d’exploiter qu’il délivre de prescriptions additionnelles. Et, ce n’est que dans le cas où les prescriptions additionnelles qu’il pourrait délivrer s’avéraient insuffisantes à garantir la protection de l’environnement, que le préfet peut refuser de délivrer une autorisation d’exploiter.

Le Conseil d’Etat précise que, comme c’est le cas en l’espèce, lorsque la construction et le fonctionnement d’une ICPE nécessitent la délivrance d’une dérogation au titre de la législation sur les espèces protégées, les conditions d’octroi de cette dérogation contribuent à l’objectif de protection de la nature. En effet, sur ce point, le rapporteur public explique dans ses conclusions que lorsqu’une dérogation espèces protégées existe, la teneur des prescriptions édictées dans le cadre de la police des espèces protégées doit pouvoir être prise en compte par le préfet. Ce dernier dispose toujours de la faculté d’ajouter des prescriptions dans le cadre de la police ICPE.

Le préfet doit donc faire une appréciation globale de l’installation, de ses impacts et des mesures mises en œuvre pour éviter, réduire ou compenser les impacts. A l’issue de cette analyse, il peut imposer des prescriptions techniques supplémentaires.

Précisons qu’en l’espèce, l’installation n’était pas encore soumise au régime de l’autorisation environnementale et que l’exploitant avait donc mené distinctement sa demande d’autorisation d’exploiter et sa demande de dérogation au titre des espèces protégées.

La solution proposée par le Conseil d’Etat s’inscrit donc parfaitement dans la logique de l’autorisation environnementale qui a pour but d’apprécier un projet dans sa globalité, et non plus procédure par procédure.

 

 

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References   [ + ]

1. CE 30 juin 2003 SARL Protime, req. n° 228538 : mentionné aux tables du Rec. CE.
2. CE 31 mai 2021 Société Castorama, req. n° 434542 : mentionné aux tables du Rec. CE.

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