Impossibilité de stationnement régulier et indemnité due par l’occupant sans titre

Catégorie

Domanialité publique, Droit administratif général

Date

March 2015

Temps de lecture

5 minutes

CE 13 février 2015 Etablissement public Voies navigables de France (VNF), req. n° 366036

Par cet arrêt, le Conseil d’Etat juge que l’absence de possibilité de stationnement régulier sur une dépendance du domaine public fluvial n’interdit pas au gestionnaire du domaine d’assujettir l’occupant irrégulier au paiement d’une indemnité pour stationnement irrégulier et d’en fixer le montant par référence au montant de la redevance due pour un emplacement similaire.

1 Le principe et le calcul de l’indemnité due en cas d’occupation irrégulière du domaine public

Applicable jusqu’au 1er juillet 2006, l’ancien article L. 28 du code du domaine de l’Etat prévoyait la nécessité d’une autorisation pour occuper le domaine public et le versement d’une indemnité compensatoire par les occupants sans titre qui, par définition, ne se sont pas acquittés de la redevance d’occupation normalement due 1)« Nul ne peut, sans autorisation délivrée par l’autorité compétente, occuper une dépendance du domaine public national ou l’utiliser dans des limites excédant le droit d’usage qui appartient à tous. / Le service des domaines constate les infractions aux dispositions de l’alinéa précédent en vue de poursuivre, contre les occupants sans titre, le recouvrement des indemnités correspondant aux redevances dont le Trésor a été frustré, le tout sans préjudice de la répression des contraventions de grande voirie »..

A compter de cette date est devenu applicable le code général de la propriété des personnes publiques (CG3P), dont l’article L. 2122-1 a repris en substance l’exigence d’une autorisation d’occupation posé par l’alinéa 1er de l’article L. 28 CDE, l’article L. 2125-1 disposant par ailleurs que « Toute occupation ou utilisation du domaine public d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1 donne lieu au paiement d’une redevance […] ». Quelques mois plus tard s’y est ajouté l’article L. 2125-8, créé par l’article 70 de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques et applicable à compter du 1er janvier 2007, prévoyant une majoration de 100% de l’indemnité due en cas d’occupation sans titre du domaine public fluvial 2)« Sans préjudice de la répression au titre des contraventions de grande voirie, le stationnement sans autorisation d’un bateau, navire, engin flottant ou établissement flottant sur le domaine public fluvial donne lieu au paiement d’une indemnité d’occupation égale à la redevance, majorée de 100 %, qui aurait été due pour un stationnement régulier à l’emplacement considéré ou à un emplacement similaire, sans application d’éventuels abattements »., dont le Conseil constitutionnel a par ailleurs confirmé la conformité à la Constitution 3)CC 27 septembre 2013 M. Smaïn Q. et autre, déc. n° 2013-341 QPC .

Ainsi, en cas d’occupation du domaine public, une redevance d’occupation est due ; et en cas d’occupation sans titre, une indemnité, dont le montant sera calculé de la même façon que pour un occupant régulier, ainsi qu’en a jugé le Conseil d’Etat dans un arrêt Commune de Moulins :

    « Considérant qu’une commune est fondée à réclamer à l’occupant sans titre de son domaine public, au titre de la période d’occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu’elle aurait pu percevoir d’un occupant régulier pendant cette période ; qu’à cette fin, elle doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l’occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l’occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu’aurait pu produire l’occupation régulière de la partie concernée du domaine public communal » 4)CE 16 mai 2011 Commune de Moulins, req. n° 317675 : RJEP n° 56, concl. Legras ; JCP A, n° 2224, note Yolka ; DA n° 68, note Melleray..

Il est à noter que, contrairement à l’ancien article L. 28 du code du domaine de l’Etat, qui distinguait la redevance versée par l’occupant régulier de l’indemnité recouvrée sur l’occupant sans titre, l’article L. 2125-1 du CG3P ne mentionne plus qu’une redevance, sans mention du caractère régulier ou non de l’occupation 5)Sur l’approche unificatrice opérée par cette disposition, voir les conclusions de Claire Legras et les notes de Philippe Yolka et Fabrice Melleray sur l’arrêt Commune de Moulins.. Seul, en matière d’occupation irrégulière du domaine public fluvial, l’article L. 2125-8 du CG3P évoque expressément une « indemnité d’occupation égale à la redevance ».

Toutefois, le Conseil d’Etat a eu depuis l’occasion de confirmer, pour des faits postérieurs à l’entrée en vigueur du CG3P et pour une dépendance du domaine public non fluvial, le fait que, en cas d’occupation irrégulière, c’était bien d’une indemnité qu’il était question 6)CE 31 mars 2014 Commune d’Avignon, req. n° 362140 : « la personne publique est fondée à demander à celui qui occupe ou utilise irrégulièrement le domaine public le versement d’une indemnité calculée par référence à la redevance qu’il aurait versée s’il avait été titulaire d’un titre régulier à cet effet »..

2 L’absence d’incidence de toute éventuelle interdiction de stationner

L’occupation irrégulière du domaine public constituant une faute 7)CE 15 avril 2011 SNCF, req. n° 308014 : JCP A, n° 2310, note Braud : jugeant « que l’occupation sans droit ni titre d’une dépendance du domaine public constitue une faute commise par l’occupant et qui l’oblige à réparer le dommage causé au gestionnaire de ce domaine par cette occupation irrégulière »., le Conseil d’Etat en a déduit le fait que l’indemnité est due et que l’on ne saurait subordonner son versement « à l’existence de tarifs régulièrement fixés et rendus opposables aux bénéficiaires d’autorisations d’occupation du domaine » 8)CE 11 février 2013 Voies navigables de France, req. n° 347475..

Dans son arrêt du 13 février 2015, il vient juger, dans le même ordre d’idées, « que la circonstance que l’emplacement en cause fît l’objet d’une interdiction de tout stationnement pour des raisons de sécurité n’empêchait pas le gestionnaire du domaine de fixer le montant de l’indemnité due par l’occupante irrégulière par référence au montant de la redevance due pour un emplacement similaire ».

Il rattache à cet égard le paiement d’une redevance ou, à défaut, d’une indemnité, aux principes applicables au domaine public, qu’il fonde désormais sur les articles L. 2122-1 et L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques :

    « 2. Considérant que, conformément aux principes applicables au domaine public, qui résultent tant des dispositions de l’article L. 28 du code du domaine de l’Etat, applicables jusqu’au 30 juin 2006, que de celles de l’article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques et de son article L. 2122-8, entré en vigueur le 1er janvier 2007, toute occupation du domaine public donne lieu au paiement d’une redevance ; que, sans préjudice de la répression éventuelle des contraventions de grande voirie, le gestionnaire de ce domaine est fondé à réclamer à un occupant sans titre une indemnité compensant les revenus qu’il aurait pu percevoir d’un occupant régulier pendant cette période ; que ce principe s’applique, que l’emplacement irrégulièrement occupé soit interdit ou non ; que, par ailleurs, l’article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques prévoit que l’indemnité due au titre d’une occupation irrégulière du domaine public fluvial est majorée de 100 % ».

Il est à noter que si l’arrêt mentionne l’article L. 2122-8, il s’agit a priori d’une erreur de plume et il faut comprendre qu’il s’agit de l’article L. 2125-8, à la fois parce que l’article L. 2122-8 traite d’un tout autre sujet et parce que c’est l’article L. 2125-8 qui est entré en vigueur le 1er janvier 2007.

Partager cet article

References   [ + ]

1. « Nul ne peut, sans autorisation délivrée par l’autorité compétente, occuper une dépendance du domaine public national ou l’utiliser dans des limites excédant le droit d’usage qui appartient à tous. / Le service des domaines constate les infractions aux dispositions de l’alinéa précédent en vue de poursuivre, contre les occupants sans titre, le recouvrement des indemnités correspondant aux redevances dont le Trésor a été frustré, le tout sans préjudice de la répression des contraventions de grande voirie ».
2. « Sans préjudice de la répression au titre des contraventions de grande voirie, le stationnement sans autorisation d’un bateau, navire, engin flottant ou établissement flottant sur le domaine public fluvial donne lieu au paiement d’une indemnité d’occupation égale à la redevance, majorée de 100 %, qui aurait été due pour un stationnement régulier à l’emplacement considéré ou à un emplacement similaire, sans application d’éventuels abattements ».
3. CC 27 septembre 2013 M. Smaïn Q. et autre, déc. n° 2013-341 QPC
4. CE 16 mai 2011 Commune de Moulins, req. n° 317675 : RJEP n° 56, concl. Legras ; JCP A, n° 2224, note Yolka ; DA n° 68, note Melleray.
5. Sur l’approche unificatrice opérée par cette disposition, voir les conclusions de Claire Legras et les notes de Philippe Yolka et Fabrice Melleray sur l’arrêt Commune de Moulins.
6. CE 31 mars 2014 Commune d’Avignon, req. n° 362140 : « la personne publique est fondée à demander à celui qui occupe ou utilise irrégulièrement le domaine public le versement d’une indemnité calculée par référence à la redevance qu’il aurait versée s’il avait été titulaire d’un titre régulier à cet effet ».
7. CE 15 avril 2011 SNCF, req. n° 308014 : JCP A, n° 2310, note Braud : jugeant « que l’occupation sans droit ni titre d’une dépendance du domaine public constitue une faute commise par l’occupant et qui l’oblige à réparer le dommage causé au gestionnaire de ce domaine par cette occupation irrégulière ».
8. CE 11 février 2013 Voies navigables de France, req. n° 347475.

3 articles susceptibles de vous intéresser