Indépendance des législations : inopposabilité d’un règlement départemental de voirie à une autorisation unique

Catégorie

Environnement

Date

March 2022

Temps de lecture

3 minutes

CE 7 mars 2022 X c/ société d’exploitation du parc éolien du Moulin Neuf, req. n° 440245

Résumé

Par cette décision à mentionner aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat affirme le principe d’indépendance des législations entre un règlement départemental de voirie et une autorisation unique, y compris en tant qu’elle tient lieu d’autorisation d’urbanisme.

Contexte de la décision

Cette décision s’inscrit dans le cadre particulier du régime de l’autorisation unique, instaurée à titre expérimental par l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement, avant d’être abrogée par l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale.

Pour rappel, l’autorisation unique tenait lieu, entre autres, de permis de construire lorsqu’il était requis, à la différence de l’autorisation environnementale, qui ne vaut pas autorisation d’urbanisme.

Dans cette affaire, les requérants contestaient l’autorisation unique délivrée par le préfet du Morbihan pour la réalisation d’un parc éolien sur la commune de Malansac.

Ils invoquaient, en particulier, les prescriptions du règlement départemental de voirie, qui, mâtinées de droit de l’urbanisme, prévoient que « les éoliennes devront être implantées à une distance au moins égale à leur hauteur (mât + pale) prise à partir de l’emprise de la voie sans pouvoir être inférieure aux marges de recul édictées par le document d’urbanisme applicable sur le territoire de la commune d’implantation des ouvrages ».

Il est jugé de longue date que le moyen tiré de la violation d’un règlement de voirie par un permis de construire est inopérant, en application du principe d’indépendance des législations, dès lors que « ni les dispositions du code de la voirie routière et notamment celles relative à la voirie des collectivités territoriales ni les règles d’affectation des dépendances du domaine public communal ne sont au nombre de celles dont l’autorité qui délivre le permis de construire doit assurer le respect » 1)CE 18 octobre 1993 X c/ commune de Sarras, req. n° 129444, mentionné aux Tables.

Bien conscients de cet état du droit, les requérants tentaient d’exploiter une potentielle faille des dispositions de l’ordonnance précitée relative à l’autorisation unique, qui prévoyaient, au 4ème alinéa de son article 2 :

« Lorsque les projets mentionnés à l’article 1er sont soumis, en raison de leur emplacement, de leur utilisation ou de leur nature, à un régime d’autorisation ou à des prescriptions prévus par d’autres législations ou réglementations, l’autorisation unique tient lieu d’autorisation au titre de ces législations ou réglementations dès lors que la décision a fait l’objet d’un accord de l’autorité administrative compétente. »

Les requérants soutenaient ainsi que le projet de parc éolien était soumis à des prescriptions issues du règlement de voirie, que l’autorisation unique aurait donc dû tenir lieu d’autorisation au titre de cette règlementation, mais que, faute d’avoir fait l’objet d’un accord du président du conseil départemental, l’autorisation unique était illégale.

Dans l’arrêt commenté, le Conseil d’Etat écarte toute faille du dispositif en considérant que « ces dispositions [du règlement départemental de voirie], qui n’appellent l’intervention d’aucune décision administrative dont l’autorisation unique aurait été susceptible de tenir lieu, au sens du quatrième alinéa de l’article 2 de l’ordonnance du 20 mars 2014 (…), ne sont pas opposables à une autorisation unique, y compris en tant qu’elle tient lieu d’autorisation d’urbanisme ».

Pour le dire autrement, dès lors que les prescriptions en cause contenues dans le règlement départemental de voirie ne s’inscrivent pas dans un régime d’autorisation administrative, l’autorisation unique ne saurait tenir lieu d’une telle autorisation et le moyen tiré de la violation du règlement départemental de voirie est inopérant à son encontre.

Le principe de l’indépendance des législations de l’urbanisme et de la voirie est donc réaffirmé, y compris à l’égard des autorisations unique tenant lieu d’autorisation d’urbanisme.

 

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References   [ + ]

1. CE 18 octobre 1993 X c/ commune de Sarras, req. n° 129444, mentionné aux Tables

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