La constitutionnalité de l’article L. 562-2 du code de l’environnement enfin jugée par le Conseil constitutionnel : l’application immédiate de certaines dispositions du projet de PPRNP demeure possible.

Catégorie

Droit administratif général, Environnement

Date

September 2014

Temps de lecture

4 minutes

CConst. QPC 9 septembre 2014 Commune de Tarascon, req. n° 2014-411

Dans le cadre de cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel a conclu à la conformité des dispositions de l’article L. 562-2 du code de l’environnement, permettant de rendre immédiatement et provisoirement opposables certaines dispositions d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRNP),  à l’article 17 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (droit de propriété), à l’article 72 de la constitution (libre administration des collectivités territoriales) et à l’article 7 de la Charte de l’environnement (principe de participation du public aux décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement).

Beaucoup de bruit pour rien !

Il convient en effet de rappeler que cet article prévoit :

« Lorsqu’un projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles contient certaines des dispositions mentionnées au 1° et au 2° du II de l’article L. 562-1 et que l’urgence le justifie, le préfet peut, après consultation des maires concernés, les rendre immédiatement opposables à toute personne publique ou privée par une décision rendue publique.

Ces dispositions cessent d’être opposables si elles ne sont pas reprises dans le plan approuvé ou si le plan n’est pas approuvé dans un délai de trois ans ».

Or, le Conseil d’Etat avait déjà jugé en avril 2013 que la question de la violation de l’article 17 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen par cette disposition n’était pas une question sérieuse nécessitant sa transmission au Conseil constitutionnel[1].

Dans une autre affaire, le tribunal administratif de Marseille avait également considéré que celle de la violation de l’article 72 de la Constitution relatif à la libre administration des collectivités territoriales et de l’article 7 de la Charte de l’environnement n’était pas une question sérieuse nécessitant sa transmission au Conseil constitutionnel[2].

Ainsi, ce n’est qu’au stade de l’appel de cette dernière affaire que la question de la constitutionnalité de l’article L. 562-2 a franchi les filtres des différentes juridictions pour arriver enfin sur le bureau du Conseil constitutionnel, qui a néanmoins confirmé la constitutionnalité de l’article L. 562-2 du code de l’environnement.

Concernant la méconnaissance de l’article 7 de la Charte de l’environnement, il convient tout d’abord de rappeler que, selon cet article, doit faire l’objet d’une participation préalable du public toute décision publique « ayant une incidence sur l’environnement ».

C’est précisément cette question qui avait motivée la décision de renvoi du Conseil d’Etat dans cette affaire[3].

En l’espèce, le juge constitutionnel a considéré que la décision du préfet de rendre opposables par anticipation certaines dispositions du PPRNP n’était pas une décision publique ayant une incidence sur l’environnement.

En effet, motivée par l’urgence, cette décision a pour objet la protection des personnes et non des milieux naturels. En outre, elle a un effet « interdictif », en gelant les constructions ou exploitations dans certaines zones. Ce gel de la situation existante est difficilement susceptible de produire des effets sur l’environnement ; d’autant plus, lorsque la décision en cause est provisoire, ce qui est le cas de la décision prise sur le fondement de l’article L. 562-2 du code de l’environnement

Les conditions rendant opposables l’article 7 de la charte n’étaient donc pas réunies. Ainsi, aucune participation préalable du public ne pouvait être imposée en application de l’article 7 de la charte de l’environnement.

Si était ici en cause la décision de rendre immédiatement applicables certaines dispositions du PPRNP et non le PPRNP lui-même (qui, pour sa part, est regardé comme ayant une incidence sur l’environnement mais est de toute façon adopté dans le cadre d’une procédure législative prévoyant la participation du public), il n’est pas inintéressant de faire un parallèle avec ce que prévoit la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement. Celle-ci, qui impose également la participation du public à l’adoption de certains plans ou programmes ayant des incidences sur l’environnement, exclut néanmoins de son champ d’application « les plans et programmes destinés uniquement à des fins de […] protection civile » (article 3 § 8). La logique paraît en être que la protection des personnes doit primer sur celle de l’environnement ou ne pas être ralentie ou contrariée par celle-ci.

Concernant la méconnaissance du principe de libre administration des collectivités territoriales, le moyen était selon nous plus sérieux.

Il était en effet possible de considérer que l’application de l’article L. 562-2 peut effectivement priver les communes de la possibilité d’exercer pleinement leurs compétences en matière d’urbanisme, certaines dispositions de leur document d’urbanisme pouvant être écartées en raison de l’application des dispositions provisoires du PPRNP d’application immédiates.

Néanmoins, il convient de rappeler, comme le fait le conseil constitutionnel, que l’article 72 de la Constitution précise que : « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences ».

Or, l’élaboration des PPRNP et leur application par anticipation (articles L 562-1 et L 562-2 du code de l’environnement) relèvent de la compétence de l’Etat et ne priveraient donc pas les collectivités territoriales de l’exercice de leurs compétences. Selon l’interprétation donnée par le Conseil constitutionnel, l’article L 562-2 leur imposerait seulement de respecter des règles supra-communales par anticipation, sans restreindre leurs compétences propres.

Enfin, concernant la violation du droit de propriété, le Conseil constitutionnel a également écarté ce moyen.

Il a vérifié de manière classique que l’atteinte portée au droit de propriété était, s’agissant d’une simple limitation et non d’une privation de ce droit, proportionnée eu égard au but d’intérêt général poursuivi.

Or, en l’espèce, il convient de rappeler que l’application de l’article L.562-2 du code de l’environnement est conditionnée par l’urgence (la protection des personnes) et qu’elle n’a qu’un caractère provisoire (jusqu’à l’approbation du PPRNP définitif ou pendant un délai maximal de 3 ans).

Ainsi, pour le juge constitutionnel, l’atteinte au droit de propriété apparaît proportionnée eu égard à l’objectif de sécurité publique poursuivi.

Par ailleurs, ce dernier s’attache à préciser que « dans le cas exceptionnel où le propriétaire d’un bien supporterait une charge spéciale », il pourrait prétendre à une indemnisation sur le fondement de la rupture d’égalité devant les charges publiques.

Force est de constater, concernant ce moyen, que le juge constitutionnel reprend le même raisonnement que celui adopté par le Conseil d’Etat en 2013.

En conséquence, comme l’avait indirectement admis le tribunal administratif dans la même affaire et le Conseil d’Etat en 2013, le Conseil constitutionnel a confirmé la constitutionnalité de l’article L. 562-2 du code de l’environnement.


[1]              CE 26 avril 2013 M.B, req. n° 365646

[2]              TA Marseille 12 septembre 2013 Commune de Tarascon, req. n° 1205883

[3]              CE 6 juin 2014 Commune de Tarascon, req. n° 376807

 

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