La mesure de régularisation prise sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme peut prendre la forme d’une dérogation aux règles d’urbanisme applicables   

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

January 2021

Temps de lecture

5 minutes

CE 17 décembre 2020 SCCV Lapeyre, req. n° 432561 : Rec. T CE.

Dans cet arrêt du 17 décembre 2020, le Conseil d’Etat précise qu’il est possible, dans le cadre d’une régularisation faite au titre des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, de déroger à certaines règles du plan local d’urbanisme, notamment pour les projets de construction respectant l’objectif de mixité sociale.

  • Prévu à l’article 600-5-1 du code de l’urbanisme, la régularisation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou d’une décision de non-opposition à déclaration préalable permet au juge administratif, lorsqu’il est saisi de conclusions dirigées contre un des actes précités et qu’il estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entrainant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, de surseoir à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration d’un délai qu’il fixe pour cette régularisation.

Aux termes de sa décision, le Conseil d’Etat, après avoir repris les dispositions de l’article précité, précise que la mesure de régularisation peut ainsi prendre la forme d’une dérogation aux règles d’urbanisme applicables :

« La mesure de la régularisation prise au titre de ces dispositions peut, le cas échéant, prendre la forme d’une dérogation aux règles d’urbanisme applicables, sur le fondement notamment des dispositions de l’article L. 152-6 du code de l’urbanisme, à la condition que le pétitionnaire ait formé une demande en ce sens conformément aux dispositions de l’article R. 431-31-2 du code de l’urbanisme. »

Le Conseil d’Etat estime ici que la mesure de la régularisation peut donc prendre la forme d’une dérogation aux dispositions du plan local d’urbanisme relatives aux règles de retrait de la construction projetée, conformément aux dispositions du 5° de l’article L. 152-6 du code de l’urbanisme qui prévoit cette possibilité de déroger aux règles de retrait, à la condition toutefois que le pétitionnaire ait formé une demande en ce sens conformément aux dispositions de l’article R. 431-32-2 du code de l’urbanisme.

Dans cette espèce, un permis de construire avait été délivré au pétitionnaire, la Société BC Promotion, par arrêté du 18 juillet 2016, pour la construction d’une résidence pour étudiants, comportant 67 logements, et un permis de construire modificatif avait également été délivré, par arrêté du 3 janvier 2017, pour l’apposition d’une œuvre d’art urbain sur l’un des murs pignon de la construction.

Par un jugement avant-dire droit du 5 juillet 2018, le Tribunal administratif de Poitiers a sursis à statuer sur les demandes d’annulation dirigées contre les arrêtés précités afin de permettre au pétitionnaire, dans un délai de deux mois, d’obtenir un permis de construire propre à assurer la conformité de l’implantation de la construction projetée aux dispositions de l’article UC+7 du règlement du plan local d’urbanisme de la commune de La Rochelle.

Afin de régulariser le vice d’illégalité relevé par le premier jugement, le pétitionnaire a donc présenté une demande valant à la fois permis modificatif et mesure de régularisation, en sollicitant le bénéfice d’une dérogation aux règles de retrait fixées à l’article UC+7 du règlement du plan local d’urbanisme, sur le fondement du 5° de l’article L. 152-6 du code de l’urbanisme.

A la suite de cette demande, le maire de La Rochelle a ainsi délivré le permis modificatif par arrêté du 16 novembre 2018 en vue de régulariser le vice tiré de la méconnaissance des règles de retrait fixées à l’article UC+7 du règlement du plan local d’urbanisme.

En estimant que le tribunal administratif n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que le permis de construire modificatif délivré le 16 novembre 2018 avait régularisé le vice d’illégalité précité, le Conseil d’Etat consacre donc la possibilité de déroger, dans le cadre d’une régularisation, à certaines règles d’urbanisme, notamment sur le fondement de l’article L. 152-6 du code de l’urbanisme.

  • L’habitation au sens de l’article L. 152-6 du code de l’urbanisme s’apprécie au regard des dispositions des articles R. 151-27 et R. 151-28 du même code

Afin de retenir que la résidence en cause est effectivement à usage d’habitation, les juges du fond se sont référés à l’article 2 de l’arrêté du 10 novembre 2016 pris pour l’application des dispositions des articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l’urbanisme, qui mentionne explicitement les résidences universitaires comme faisant partie de la sous-destination « hébergement », qui fait elle-même partie, en vertu de l’article R. 151-28 du code de l’urbanisme, de la destination « habitation ».

Or, comme l’a relevé le rapporteur public dans ses conclusions sur cet arrêt, l’applicabilité au litige de l’article R. 151-28 du code de l’urbanisme pour la classification de la résidence en cause n’allait pas de soi, dès lors que ces dispositions ne sont par principe applicables aux plans locaux d’urbanisme que s’ils ont été élaborés ou modifiés après le 1er janvier 2016, ce qui n’est pas le cas du PLU en litige.

Toutefois, le rapporteur public a proposé de se référer aux typologies des R. 151-27 et R. 151-28 du code de l’urbanisme pour l’application du 5° de l’article L. 152-6 du code de l’urbanisme, en considérant que les dispositions transitoires ne visant que les PLU, elles doivent y être limitées et, ainsi, ne pas être regardées comme visant également l’application de l’article L. 152-6 du code de l’urbanisme, auquel cas, selon lui, une telle solution conduirait « à ce que les dispositions de l’article L. 152-6 du code de l’urbanisme, qui ont pourtant une portée nationale, aient temporairement un champ d’application différent, dépendant de la date d’entrée en vigueur ou de la dernière modification du PLU de la commune concernée » (Olivier Fuchs, conclusions sur la décision SCCV Lapeyre du 17 décembre 2020, req. n° 432561).

En retenant la proposition du rapporteur public sur ce point, le Conseil d’Etat a donc écarté le moyen tiré de l’erreur de droit, pour le tribunal, à s’être référée à la classification opérée par l’article R. 151-28 du code de l’urbanisme.

  • La question de savoir si une construction projetée peut bénéficier de la dérogation prévue à l’article L. 152-6 du code de l’urbanisme relève de l’appréciation des juges du fond

Dans cette espèce, la question se posait de savoir si le pétitionnaire pouvait bénéficier de la dérogation aux règles de retrait sur le fondement du 5° de l’article L. 152-6 du code de l’urbanisme, qui subordonne le bénéfice de ladite dérogation aux constructions destinées principalement à l’habitation et au respect de l’objectif de mixité sociale.

Concernant la question de savoir si la construction projetée est principalement destinée à l’habitation, comme évoqué précédemment, le Conseil d’Etat estime que le Tribunal administratif n’a pas commis d’erreur de droit en se référant notamment à la classification opérée par l’article R. 151-28 du code de l’urbanisme, cette question relevant, pour la Haute juridiction, de l’appréciation souveraine des juges du fond :

« En jugeant que la construction projetée, consistant en une résidence pour étudiants comportant 67 logements, constituait une construction destinée principalement à l’habitation au sens du 5° de l’article L. 152-6 du code de l’urbanisme, le tribunal administratif, qui n’a pas commis d’erreur de droit en se référant à la classification opérée par l’article R. 151-28 du code de l’urbanisme et a suffisamment motivé son jugement, s’est livré à une appréciation souveraine des faits de l’espèce, exempte de dénaturation. »

Ensuite, aux termes de sa décision, le Conseil d’Etat estime que la question de savoir si la construction projetée respecte les objectifs de mixité sociale relève également de l’appréciation souveraine des juges du fond :

« […] il résulte des dispositions de l’article L. 152-6 du code de l’urbanisme que le respect de l’objectif de mixité sociale auquel est subordonnée la dérogation qu’elles permettent doit être apprécié tant au regard de la nature du projet que de sa zone d’implantation. En jugeant que le projet de construction de la société BC Promotion répondait à un objectif de mixité sociale pour l’application des dispositions de l’article L. 152-6, le tribunal administratif a suffisamment motivé son jugement, eu égard à la teneur de l’argumentation dont il était saisi, et s’est livré, sans erreur de droit, à une appréciation souveraine des faits de l’espèce, exempte de dénaturation. »

Sous réserve de dénaturation, la question de savoir si un projet de construction respecte l’objectif de mixité sociale auquel est subordonnée la dérogation prévue à l’article L. 152-6 du code de l’urbanisme relève donc de l’appréciation souveraine des juges du fond.

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