Un permis de construire soumis à étude d’impact doit prévoir les « mesures ERC » destinées à assurer le respect du principe de prévention

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

January 2021

Temps de lecture

4 minutes

CE 30 décembre 2020 Association Koenigshoffen Demain, n° 432539 : mentionné aux tables du recueil Lebon

Cette décision, bien que rendue sous l’empire d’un ancien état du droit, est intéressante à double titre : le Conseil d’Etat y confirme qu’un permis de construire soumis à étude d’impact doit prévoir les mesures destinées à éviter, réduire, compenser les atteintes du projet sur l’environnement et la santé humaine (dites « mesures ERC ») et les modalités de leur suivi, puisqu’il constitue une autorisation au sens du code de l’environnement (1) et y précise que les mesures ERC doivent permettre d’assurer le respect du principe de prévention et qu’à ce titre, le permis de construire doit, le cas échéant, être assorti de prescriptions spéciales permettant d’y parvenir (2).

1           Un permis de construire soumis à étude d’impact doit bien prévoir des mesures ERC et les modalités de leur suivi

Dans l’affaire portée devant le Conseil d’Etat, les requérants soutenaient que le permis de construire en litige, délivré le 3 novembre 2015, autorisant un projet de construction d’un ensemble immobilier de logements sur le territoire de la commune de Strasbourg, soumis à étude d’impact, ne comportait pas les prescriptions requises au titre de l’article R. 122-14 du code de l’environnement.

Cet article, dans sa version applicable à la date de la délivrance du permis de construire en litige, prévoyait que :

« La décision d’autorisation, d’approbation ou d’exécution du projet mentionne : / 1° Les mesures à la charge du pétitionnaire ou du maître d’ouvrage, destinées à éviter les effets négatifs notables du projet sur l’environnement ou la santé humaine, réduire les effets n’ayant pu être évités et, lorsque cela est possible, compenser les effets négatifs notables du projet sur l’environnement ou la santé humaine qui n’ont pu être ni évités ni suffisamment réduits ; / 2° Les modalités du suivi des effets du projet sur l’environnement ou la santé humaine ; / 3° Les modalités du suivi de la réalisation des mesures prévues au 1° ainsi que du suivi de leurs effets sur l’environnement (…) ».

Les juges du fond ont rejeté ce moyen en considérant que la méconnaissance de l’article R. 122-14 ne pouvait être utilement invoquée à l’encontre du contenu d’un permis de construire délivré pour des travaux soumis à étude d’impact. Sans doute – peut-on penser – parce que ce texte figure dans le code de l’environnement et non dans le code de l’urbanisme.

La Haute juridiction administrative censure cette solution en considérant que les prescriptions de l’article R. 122-14 du code de l’environnement sont bien applicables au permis de construire litigieux dès lors qu’il autorise un projet de construction soumis à étude d’impact.

2          Les mesures ERC assorties au permis de construire soumis à étude d’impact doivent permettre d’assurer le respect du principe de prévention

2.1        Aux termes de sa décision du 30 décembre 2020, le Conseil d’Etat précise pour la première fois qu’un permis de construire qui porte sur des travaux soumis à étude d’impact doit prévoir des mesures ERC destinées à assurer le respect du principe de prévention :

«Lorsque le projet autorisé par le permis de construire est soumis à une étude d’impact en application des dispositions du tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement, notamment celles des lignes 36° et 37°, le permis de construire doit, à peine d’illégalité, être assorti, le cas échéant, des prescriptions spéciales imposant au demandeur, en plus de celles déjà prévues par la demande, les mesures appropriées et suffisantes pour assurer le respect du principe de prévention, destinées à éviter, réduire et, lorsque c’est possible, compenser les effets négatifs notables du projet de construction ou d’aménagement sur l’environnement ou la santé humaine et, d’autre part, les mesures de suivi, tant des effets du projet sur l’environnement que des mesures destinées à éviter, réduire et, lorsque c’est possible, compenser ces effets »

Au visa de l’article L. 424-4 du code de l’urbanisme et des articles L. 122-1 et R. 122-14 du code de l’environnement, dans leur rédaction alors applicable, le Conseil d’Etat juge donc que dès lors qu’un projet est soumis à étude d’impact, le permis de construire doit être assorti, le cas échéant, de prescriptions spéciales imposant au demandeur, en plus de celles déjà prévues par la demande, les mesures appropriées et suffisantes pour assurer le respect du principe de prévention.

2.2       En l’espèce, le Conseil d’Etat a examiné si les mesures prévues par le permis de construire étaient suffisantes et appropriées et a ainsi considéré que :

« Il ressort des pièces du dossier, d’une part, que le pétitionnaire a intégré dans sa demande de permis de construire les mesures prévues par l’étude d’impact récapitulées dans ses pages 142 et 143 et visant tant à éviter, réduire et compenser les impacts du projet sur l’environnement et sur la santé humaine qu’à assurer le suivi de ces mesures. D’autre part, l’autorisation d’urbanisme prévoit, à son article 5, que les prescriptions du 10 septembre 2015 mentionnées dans l’avis de la DDT-Service de l’environnement et gestion des espaces sont à respecter et les a annexées au permis de construire délivré et, dans son article 6, organise des interdictions d’usages sur l’emprise et des restrictions quant au passage des canalisations d’eau potable. Par suite, le moyen tiré de ce que le permis ne comporterait pas de prescriptions prises au titre de l’article R. 122-14 du code de l’environnement doit être écarté. »

2.3       Cette décision fait écho à la jurisprudence du Conseil d’Etat Commune de Villiers-le-Bâcle du 9 juillet 2018 1)CE Commune de Villiers-le-Bâcle, req. n°410917 : mentionné aux table du Rec. CE qui a fait l’objet d’un article sur notre blog., rendue à propos du décret déclarant d’utilité publique le projet de la ligne de métro 18 du Grand Paris, à l’encontre duquel les requérants avaient, cette fois, explicitement invoqué la méconnaissance du principe de prévention. Le Conseil d’Etat avait alors considéré que :

  • des mesures ERC et les modalités de leur suivi ont pu être légalement éditées dans le cadre de l’acte déclarant d’utilité publique le projet sur le fondement de l’article R. 122-14 du code de l’environnement qui prévoit notamment que « la décision d’autorisation, d’approbation ou d’exécution du projet mentionne (…) les mesures à la charge du pétitionnaire ou du maître d’ouvrage » ;
  • les mesures ERC présentées dans l’étude d’impact et dans l’annexe au décret déclarant d’utilité publique le projet ne sont pas inappropriées ou insuffisantes pour permettre d’assurer le respect du principe de prévention.

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References   [ + ]

1. CE Commune de Villiers-le-Bâcle, req. n°410917 : mentionné aux table du Rec. CE qui a fait l’objet d’un article sur notre blog.

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