La mise en conformité des statuts d’une association syndicale libre avec les dispositions de l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 lui permettant d’agir en justice peut se faire en cours d’instance

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

March 2021

Temps de lecture

4 minutes

CE 24 février 2021 La Joallière, req. n° 432417 : Rec. T CE

Dans cet arrêt du 24 février 2021, le Conseil d’Etat a précisé les règles de procédure contentieuse spéciales applicables aux associations syndicales libres (ASL) dans le cadre de l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004.

1.     Le régime des ASL

Rappelons que cette ordonnance et son décret d’application n° 2006-504 du 3 mai 2006, posent le nouveau cadre juridique des associations syndicales de propriétaires qui, avant l’édiction de l’ordonnance, étaient légalement constituées dès l’établissement de leurs statuts, la publication au Journal officiel d’un extrait desdits statuts les dotant ensuite de la capacité à agir.

En effet, auparavant, les ASL étaient régies par les dispositions de la loi du 21 juin 1865 relative aux associations syndicales.

Avec l’ordonnance du 1er juillet 2004, le choix a  été fait d’aligner l’ensemble des associations syndicales existantes au régime général, impliquant ainsi une mise en conformité des statuts de ces associations avec l’ordonnance précitée.

En vertu de l’article 5 de l’ordonnance précitée – dans sa version initiale –, une association syndicale peut agir en justice, acquérir, vendre, échanger, transiger, emprunter ou hypothéquer, dès lors qu’elle a mis ses statuts en conformité avec l’ordonnance dans les deux ans de la publication du décret d’application du 3 mai 2006, soit avant le 5 mai 2008.

A cet égard, la jurisprudence judiciaire considérait qu’en l’absence de respect de cette réglementation avant cette date, l’ASL perdait le droit d’agir en justice, et son action était irrecevable 1)Voir Cass. 3e civ., 5 juill. 2011, n° 10-15.374 ; Cass. 3e civ., 5 nov. 2014, n° 13-21.014, 13-21.329, 13-22.192, 13-22.383, 13-23.624 et 13-25.099.

Une position similaire avait été adoptée par la juridiction administrative 2)Voir CAA Marseille, 18 avr. 2013, SAS Maurice Giraud Batisseur, n° 11MA00133, n° 12MA03808..

Par la suite, l’article 59 de la loi ALUR du 24 mars 2014 a modifié l’ordonnance du 1er juillet 2004 afin de permettre aux ASL de recouvrir leur pleine capacité pour agir dès la publication de cette loi, à condition toutefois de mettre leurs statuts en conformité avec les dispositions de l’ordonnance précitée, et sans que puissent être remises en cause les décisions passées en force de chose jugée.

Au cas d’espèce, la question se posait donc de savoir si le défaut de conformité des statuts d’une ASL avec les dispositions de l’ordonnance du 1er juillet 2004, au moment de l’introduction de la requête, impliquait l’interdiction pour celle-ci d’agir en justice.

Par cet arrêt, le Conseil d’Etat se prononce donc à son tour sur cette question.

2.     Les ASL peuvent recouvrer leurs droits mentionnés à l’article 5 de l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004, dont celui d’agir en justice, au-delà du délai initialement prévu par l’ordonnance expirant le 5 mai 2008

En l’espèce, l’ASL des propriétaires du lotissement de La Joallière avait demandé l’annulation d’une part, de la décision du maire de Sautron par laquelle ce dernier ne s’était pas opposé à la division d’un terrain situé sur une parcelle du lotissement de La Joallière et, d’autre part, de la décision de ce maire accordant un permis d’aménager à la société anonyme à responsabilité limitée IFI Développement Ouest pour la création de deux lots sur ce même terrain.

L’ASL requérant avait, en cours d’instance, mis en conformité ses statuts avec l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 afin que soit reconnue sa capacité à agir contre les arrêtés contestés.

En première instance, les juges du fond avaient rejeté la requête de l’ASL requérante pour absence de capacité à agir.

Saisi en cassation, le Conseil d’Etat censure le raisonnement du Tribunal administratif de Nantes en considérant qu’une ASL peut agir en justice dès lors qu’elle a régularisé sa requête en cours d’instance, en procédant à une mise en conformité de ses statuts avec les dispositions de de l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004.

En effet, rappelons que, pour conserver leur capacité d’agir en justice, les ASL constituées antérieurement à l’ordonnance du 1er juillet 2004 devaient mettre en conformité leurs statuts avec les termes de cette ordonnance avant la date butoir du 5 mai 2008, la loi ALUR ayant ensuite permis le rétablissement de la pleine capacité des ASL à compter du 27 mars 2014 pour celles qui ont conformé tardivement leurs statuts.

Selon le Conseil d’Etat, par ces dispositions, « le législateur a entendu que les associations syndicales libres puissent recouvrer les droits mentionnés à l’article 5 de l’ordonnance du 1er juillet 2004, au-delà du délai prévu au deuxième alinéa du I de l’article 60 de cette ordonnance, dès la mise de leurs statuts en conformité avec les dispositions de celle-ci, sous la seule réserve de l’absence de remise en cause des décisions passées en force de chose jugée ».

3.      La mise en conformité des statuts des ASL peut également se faire en cours d’instance afin de régulariser une requête

Le Conseil d’Etat estime que la mise en conformité des statuts des ASL peut se faire en cours d’instance, ce qui permet ainsi à l’ASL concernée qui ne dispose pas de la capacité d’agir en justice, de régulariser sa requête en cours d’instance :

« Il en est ainsi même si l’association syndicale libre recouvre ces droits en cours d’instance, de sorte que sa requête se trouve, le cas échéant, régularisée. Par suite, l’association syndicale libre requérante est fondée à soutenir que le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la mise en conformité de ses statuts, en cours d’instance, demeurait sans incidence sur son absence de capacité à agir et en rejetant pour ce motif sa demande comme irrecevable ».

Dans cette espèce, l’ASL des propriétaires du lotissement de La Joallière était donc fondée à demander l’annulation du jugement du Tribunal administratif de Nantes ayant rejeté sa demande pour absence de capacité à agir, dès lors qu’en cours d’instance, elle avait procédé à la mise en conformité de ses statuts avec les dispositions de l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 lui permettant notamment de recouvrer le droit d’agir en justice et, ainsi, de régulariser sa requête.

La Haute juridiction administrative retient donc une solution plus souple que la Cour de cassation dont la jurisprudence avait été perçue comme étant sévère, le déni de la capacité pour ester en justice aux ASL n’ayant pas accompli les formalités prévues dans l’ordonnance du 1er juillet 2004 ne ressortant pas expressément des termes de ladite ordonnance.

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References   [ + ]

1. Voir Cass. 3e civ., 5 juill. 2011, n° 10-15.374 ; Cass. 3e civ., 5 nov. 2014, n° 13-21.014, 13-21.329, 13-22.192, 13-22.383, 13-23.624 et 13-25.099
2. Voir CAA Marseille, 18 avr. 2013, SAS Maurice Giraud Batisseur, n° 11MA00133, n° 12MA03808.

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