La note de synthèse adressée aux membres de l’organe délibérant avant un vote doit contenir tous les éléments nécessaires pour apprécier l’absence de cession à vil prix

Catégorie

Droit administratif général

Date

October 2021

Temps de lecture

3 minutes

CE 13 septembre 2021 commune de Dourdan, req. n° 439653, mentionné aux Tables du Rec. CE

Le Conseil d’Etat définit les conditions de cession du bien d’une commune à son emphytéote et revient sur le contenu de la note explicative de synthèse préalablement adressée aux conseillers municipaux délibérant sur la cession.

Dans cette affaire, la commune de Dourdan a conclu un bail emphytéotique sur une dépendance de son domaine privé pour une durée initiale de soixante ans avec la société Dourdan Vacances, filiale de la Caisse des dépôts, en vue de la construction et de l’exploitation d’un village de vacances. Une cession des terrains à l’emphytéote a été votée entre temps, avant la fin de la durée du bail.

C’est de cette délibération litigieuse, maintenue en appel sur renvoi après cassation, que le Conseil d’Etat a une nouvelle fois à connaitre en réglant cette fois-ci l’affaire au fond en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative 1)Article L. 821-2 du code de justice administrative : « S’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d’Etat peut soit renvoyer l’affaire devant la même juridiction statuant, sauf impossibilité tenant à la nature de la juridiction, dans une autre formation, soit renvoyer l’affaire devant une autre juridiction de même nature, soit régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie. Lorsque l’affaire fait l’objet d’un second pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat statue définitivement sur cette affaire. ».

Elle soulève la question de la détermination du juste prix, eu égard au principe d’interdiction de cession à vil prix à une personne poursuivant des fins d’intérêt privé à défaut de motifs d’intérêt général et de contreparties suffisantes.

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat constate que le contrat de bail prévoyait que la commune acquerrait la propriété des constructions édifiées par l’emphytéote sans avoir à lui verser d’indemnité ou que le conseil municipal s’assurerait de l’absence de cession à vil prix si elle renonçait à son droit. Pour ce faire, les membres de l’organe délibérant devaient connaitre la valeur d’une telle renonciation.

Or, l’estimation réalisée par le service des domaines se bornait à évaluer les terrains d’assiette sans s’intéresser aux coûts de rénovation et de remise aux normes inhérents à la poursuite de l’exploitation des constructions. En ne prenant pas en compte ces éléments, elle ne permettait pas de chiffrer pas la renonciation de la commune à son droit contractuel d’accès au bâti. Par conséquent, le conseil municipal ne pouvait pas vérifier l’absence de cession à vil prix.

Autrement dit, la stricte évaluation des terrains d’assiette par le service des domaines était insuffisante pour chiffrer la renonciation de la commune à son droit d’accession au bâti stipulé dans le contrat initial.

Le juge revient dans un second temps sur le contenu de la note de synthèse explicative préalable au vote adressée aux conseillers membres de l’organe délibérant, dans les collectivités de 3 500 habitants et plus 2)Article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : « Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. Si la délibération concerne un contrat de service public, le projet de contrat ou de marché accompagné de l’ensemble des pièces peut, à sa demande, être consulté à la mairie par tout conseiller municipal dans les conditions fixées par le règlement intérieur. Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. En cas d’urgence, le délai peut être abrégé par le maire sans pouvoir être toutefois inférieur à un jour franc. Le maire en rend compte dès l’ouverture de la séance au conseil municipal qui se prononce sur l’urgence et peut décider le renvoi de la discussion, pour tout ou partie, à l’ordre du jour d’une séance ultérieure. Le présent article est également applicable aux communes de moins de 3 500 habitants lorsqu’une délibération porte sur une installation mentionnée à l’ article L. 511-1 du code de l’environnement. Il rappelle que son défaut ou son insuffisance entache d’illégalité la délibération qui s’ensuit, à moins que l’exécutif n’ait mis à disposition des membres de l’assemblée délibérante les documents leur permettant de disposer d’une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Celle-ci doit être adaptée à la nature et à l’importance des affaires afin de permettre aux élus d’appréhender le contexte, de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions.

Au cas d’espèce, les conseillers municipaux ont bien été destinataires de la note de synthèse explicative qui contenait l’information de la renonciation à la reprise gratuite du bâti comme conséquence de la cession. Toutefois, en raison de l’absence d’élément relatif à sa valeur, ils n’ont pas pu apprécier l’absence de cession à vil prix.

La délibération litigieuse est donc annulée.

Tous les éléments de valorisation à prendre en compte pour s’assurer du respect de l’interdiction de cession à vil prix doivent donc être portés à connaissance des élus avant le vote.

 

 

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1. Article L. 821-2 du code de justice administrative : « S’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d’Etat peut soit renvoyer l’affaire devant la même juridiction statuant, sauf impossibilité tenant à la nature de la juridiction, dans une autre formation, soit renvoyer l’affaire devant une autre juridiction de même nature, soit régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie. Lorsque l’affaire fait l’objet d’un second pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat statue définitivement sur cette affaire. »
2. Article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : « Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. Si la délibération concerne un contrat de service public, le projet de contrat ou de marché accompagné de l’ensemble des pièces peut, à sa demande, être consulté à la mairie par tout conseiller municipal dans les conditions fixées par le règlement intérieur. Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. En cas d’urgence, le délai peut être abrégé par le maire sans pouvoir être toutefois inférieur à un jour franc. Le maire en rend compte dès l’ouverture de la séance au conseil municipal qui se prononce sur l’urgence et peut décider le renvoi de la discussion, pour tout ou partie, à l’ordre du jour d’une séance ultérieure. Le présent article est également applicable aux communes de moins de 3 500 habitants lorsqu’une délibération porte sur une installation mentionnée à l’ article L. 511-1 du code de l’environnement

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