Composition des commissions d’aménagement commercial : illégalité de la désignation de personnalités qualifiées par les chambres de commerce et d’industrie et par les chambres de métiers de l’artisanat

Catégorie

Aménagement commercial, Droit administratif général

Date

November 2021

Temps de lecture

3 minutes

CE 22 novembre 2021 Conseil National des Centres Commerciaux, req. n° 431724

1.        L’inconventionnalité de la présence de personnalités désignées par les chambres consulaires au sein des CDAC sous réserve de leur désignation par des concurrents du demandeur de l’AEC

1.1       Dans sa rédaction issue de l’article 163 de la loi du 23 novembre 2018 dite loi « ELAN », l’article L. 752-1 du code de commerce relatif à la composition des commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC), a prévu la présence de trois personnalités qualifiées (seulement deux à Paris) représentant le tissu économique, désignées par les chambres du commerce et d’industrie (CCI), les chambres du métier et de l’artisanat (CMA) et les chambres d’agricultures, sans que ces personnes ne prennent toutefois part au vote sur la délivrance de l’autorisation d’exploitation commerciale (AEC).

1.2       Saisi d’un recours tendant à l’annulation des dispositions du décret n° 2019-331 du 17 avril 2019 relatif à la composition et au fonctionnement des CDAC et aux demandes d’AEC qui modifie la partie réglementaire du code de commerce notamment pour tenir compte de la présence de ces membres, le Conseil d’Etat avait sursis à statuer sur la requête jusqu’à ce que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) se prononce sur le point de savoir si droit de l’Union, en particulier la directive 2006/123 dite « directive Services », s’opposait à la présence, au sein d’une instance collégiale compétente pour émettre un avis sur une AEC, d’une personnalité qualifiée représentant le tissu économique, dont le rôle se borne à présenter la situation du tissu économique dans la zone de chalandise pertinente et l’impact du projet sur le tissu économique, sans prendre part au vote sur la demande d’autorisation.

1.3       Par un arrêt du 15 juillet 2021 (C-325/20), la CJUE a dit pour droit que la présence de tels membres, même s’ils ne prennent pas part au vote, était incompatible avec la directive précitée pour autant que les concurrents actuels ou potentiels du demandeur participent à la désignation des personnalités présentes 1)CJUE 15 juillet 2021, BEMH, Conseil national des centres commerciaux c/ Premier ministre, ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance, Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, affaire C-325/20 – Voir notre commentaire.

2.         La désignation des personnalités qualifiées par les CCI et les CMA : une intervention indirecte de concurrents dans le processus de délivrance de l’AEC

Il appartenait ainsi au Conseil d’Etat de vérifier si la présence au sein des CDAC de ces personnalités représentant le tissu économique, désignées par les CCI, les CMA et par les chambres d’agricultures était de nature à traduire à une intervention indirecte de concurrents des demandeurs d’AEC dans le processus de décision.

Après un rappel des dispositions régissant les missions et la composition de ces chambres 2)C. com., L. 710-1, L. 713-4 et L. 713-1 s’agissant des CCI ; C. artisanat., art. 5 et D. n° 99-433 du 27 mai 1999 s’agissant des CMA ; C. rural et pêche maritime, art. L. 510-1 et L. 511-1 s’agissant des chambres d’agriculture., le Conseil d’Etat constate que les CCI sont notamment composées de commerçants, chefs d’entreprises, représentants de sociétés commerciales ou de sociétés à caractère commercial et que les CMA comportent notamment des professionnels exerçant une activité commerciale. Autrement dit, de concurrents actuels ou potentiels du demandeur d’une AEC.

En ce sens, la présence de personnalités qualifiées désignées par les CCI et les CMA est bien de nature à permettre l’intervention indirecte, dans l’accès à une activité de services au sens des dispositions européennes, de personnes désignées par des opérateurs concurrents des demandes d’AEC.

En revanche, les missions et la composition des chambres d’agricultures ne permettent pas de les regarder comme constituées d’opérateurs concurrents des demandeurs d’AEC et de conclure à cette même incompatibilité.

Il s’ensuit que les dispositions modifiées de l’article L. 751-2 précitées en tant qu’elles comprennent des personnalités qualifiées désignées par les CCI et les CMA, sont incompatibles avec les objectifs de la directive Services et que les dispositions du décret du 17 avril 2019 prises pour leur application, sont illégales dans la même mesure.

Sont ainsi annulés les articles 1er du décret du 17 avril 2019, en tant qu’il modifie l’article R. 751-1 du code de commerce afin de fixer la durée du mandat des personnalités qualifiées représentant le tissu économique et l’article 2 du décret, lequel a apporté à l’article R. 751-3 du code de commerce, qui aménage la composition de la CDAC dans le cas particulier où la zone de chalandise d’un projet d’équipement commercial dépasse les limites d’un seul département, les adaptations rendues nécessaires par l’adjonction à la commission des personnalités qualifiées représentant le tissu économique.

 

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References   [ + ]

1. CJUE 15 juillet 2021, BEMH, Conseil national des centres commerciaux c/ Premier ministre, ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance, Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, affaire C-325/20 – Voir notre commentaire
2. C. com., L. 710-1, L. 713-4 et L. 713-1 s’agissant des CCI ; C. artisanat., art. 5 et D. n° 99-433 du 27 mai 1999 s’agissant des CMA ; C. rural et pêche maritime, art. L. 510-1 et L. 511-1 s’agissant des chambres d’agriculture.

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