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CE 16 octobre 2014 Société Immobilière Abraham Bloch, req. n° 475093 : mentionné aux tables du recueil Lebon
La qualité de locataire d’un immeuble destiné à être démoli pour les besoins de la réalisation d’un nouvel ensemble immobilier n’est pas suffisante pour démontrer un intérêt à agir à l’encontre du permis de construire portant sur cet ensemble immobilier.
En l’espèce, la société Immobilière Abraham Bloch a sollicité un permis de construire pour l’édification d’un ensemble immobilier, dont le dossier de demande a été affiché en mairie le 3 octobre 2018. Postérieurement, un permis de démolir portant sur un immeuble situé sur le terrain d’assiette du projet concerné par la demande de permis de construire a été délivré le 4 décembre 2018 par le maire de Lyon. La légalité de ce permis de démolir n’a pas été contestée.
Par la suite, le maire de Lyon a délivré le permis de construire portant sur l’ensemble immobilier le 10 mai 2019. Ce projet s’inscrit donc dans un projet d’ensemble qui nécessite une démolition de l’immeuble existant, objet de l’arrêté distinct du 4 décembre 2018.
La société Genedis, locataire de l’immeuble devant être démoli, a exercé un recours en annulation à l’encontre du seul permis de construire.
Le tribunal administratif de Lyon a annulé le permis de construire litigieux par un jugement confirmé en appel, la Cour administrative d’appel de Lyon considérant que la société locataire avait un intérêt à agir dès lors que la mise en œuvre du permis de construire en litige s’inscrivait dans un projet d’ensemble nécessitant la démolition de l’immeuble qu’elle occupe. Ce projet étant ainsi de nature à léser directement les conditions d’occupation, d’utilisation et de jouissance du bien qu’elle occupe au sens de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme 1)CAA Lyon 18 avril 2023 Société immobilière Abraham Bloch, req. n° 21LY02999.
En effet, cet article dispose qu’une personne privée n’ayant pas la qualité d’association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire que si la construction, l’aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire.
Le Conseil d’Etat sanctionne, sur ce fondement et celui de l’article L. 600-1-3 du même code selon lequel, sauf pour le requérant à justifier de circonstances particulières, l’intérêt pour agir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager s’apprécie à la date d’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire, l’arrêt de la Cour en jugeant que la qualité de locataire d’un immeuble existant destiné à être démoli n’est pas de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance par la société du bien occupé.
En l’espèce, le permis de démolir autorisant la démolition de l’immeuble occupé par le requérant a été délivré postérieurement à la date de l’affichage du permis de construire en litige.
Dès lors, la seule qualité de locataire d’un immeuble destiné à être démoli en vertu d’une autorisation distincte n’a pas à ce seul titre qualité pour agir à l’encontre d’un permis de construire.
Le Conseil d’Etat exige en effet que le requérant fasse état de tous les éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que l’atteinte qu’il invoque est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien. L’arrêt rappelle à ce titre son interprétation constante de l’article L. 600-1-2 2)CE 10 juin 2015 Brodelle et Gino, req. n° 386121, publié au recueil Lebon – Lire le commentaire sur adden-leblog.com.
Le requérant avait donc par sa seule qualité de locataire de l’immeuble uniquement un intérêt à agir par nature contre l’arrêté portant permis de démolir et aurait dû apporter des éléments démontrant son intérêt à agir au-delà de cette seule qualité pour le permis de construire l’ensemble immobilier.
Le Conseil d’Etat continue ainsi son œuvre d’encadrement de l’intérêt à agir contre les autorisations d’urbanisme par le développement d’une jurisprudence restrictive 3)Discours d’introduction, D.-R. Tabuteau, les Entretiens du contentieux : Politique de l’urbanisme, droit à construire et juge administratif, 2022.
References
1. | ↑ | CAA Lyon 18 avril 2023 Société immobilière Abraham Bloch, req. n° 21LY02999 |
2. | ↑ | CE 10 juin 2015 Brodelle et Gino, req. n° 386121, publié au recueil Lebon – Lire le commentaire sur adden-leblog.com |
3. | ↑ | Discours d’introduction, D.-R. Tabuteau, les Entretiens du contentieux : Politique de l’urbanisme, droit à construire et juge administratif, 2022 |