La question prioritaire de constitutionnalité en quelques lignes

Catégorie

Droit administratif général

Date

April 2010

Temps de lecture

4 minutes

Principaux textes applicables :

Articles 61-1 et 62 de la Constitution – Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 ;

Loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution et modifiant l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

CC 3 décembre 2009, DC n° 2009- 595 ;

Décret n° 2010-148 du 16 février 2010 portant application de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution ;

Articles R. 771-3 et suivants du code de justice administrative ;

Règlement intérieur du Conseil constitutionnel[1].

Résumé du mécanisme reposant sur un principe de « double filtre »[2] :

Depuis le 1er mars 2010, une partie à une instance[3] devant une juridiction relevant du CE (ou de la C. cass.) peut soutenir qu’une disposition législative applicable porte atteinte à un droit ou une liberté que la Constitution garantit (1). Le juge peut, sans y répondre lui-même, la transmettre au CE (ou à la C. cass.) qui pourra alors transmettre (2) cette question au CC qui rendra alors une décision valant erga omnes (3). Le CE ou la C. cass. peuvent être aussi directement saisis[4]. Il s’agit donc d’une question préjudicielle (« prioritaire » sur l’examen de la conventionnalité), non d’une exception d’inconstitutionnalité.

1        Champ d’application de la procédure

1.1 Devant les juridictions relevant du CE ou de la C. cass. (exclusion : T. conf, CC statuant comme juge des élections et des votations, AAI …) – Cours d’assises : exclues.

1.2 Peut être invoquée par les parties à l’instance (parties, ministère public), mais pas par le juge dès lors qu’il ne s’agit pas d’un moyen d’ordre public (MOP).

1.3 Peuvent être concernés « les dispositions législatives » des régimes antérieurs à la Ve république, les actes à valeur « législative » (ordonnance de l’article 38 ratifiée, décret-loi de la IIIe république …), lois du pays de Nouvelle-Calédonie…

1.4 Sont invocables les droits et libertés garantis par la Constitution de 1958 et les textes auxquels son préambule renvoie (DDHC de 1789, préambule de la Constitution de 1946, PFRLR …). Des interrogations demeurent cependant : les normes de procédure et de compétence seront-elles exclues ?

2 La question devant les juridictions relevant du CE (ou de la C. cass) et devant le CE (ou la C. cass.)

2.1 Formalisation stricte du moyen : tant devant les juridictions relevant du CE que devant le CE et à peine d’irrecevabilité, le moyen doit être présenté dans un écrit ou un mémoire distinct et motivé avec la mention « Question prioritaire de constitutionalité ». Le  moyen peut être soulevé pour la première fois en appel ou en cassation.

2.2 La question devant les juridictions relevant du CE (ou de la C. cass.)

2.2.1 Les conditions / le mémoire devra établir :

que la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

dans le cas où la disposition aurait déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du CC, que les circonstances de fait ou de droit (inconstitutionnalité insoupçonnée …) ont changé ;

que la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux ;

de manière accessoire, que rien ne s’oppose au sursis à statuer.

2.2.2 La décision du juge et ses effets :

Priorité de l’examen de la question de constitutionnalité sur celui de la question de conventionalité.

La juridiction doit statuer « sans délai » sur la transmission de la question.

La juridiction peut ou non transmettre au CE et sa décision est motivée ».

La décision de transmission n’est susceptible d’aucun recours / Le refus de transmission ne peut être contesté qu’à l’occasion d’un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige, en appel ou en cassation (par mémoire distinct).

Les effets sur l’instance en cours : le sursis à statuer :

  • de trois mois, si le CE décide de ne pas transmettre la question au CC ;
  • de six mois, si le CC est amené à se prononcer.
  • Exceptions : interdiction du sursis à statuer[5] ou simplement une faculté[6].

2.3 La question devant le CE saisi par une juridiction ou saisi directement

2.3.1 Les conditions : le mémoire devra démontrer, outre les deux premières conditions indiquées supra au § 2.2.1, que la question est soit nouvelle, soit présente un caractère sérieux.

2.3.2 La décision du juge et ses effets :

Le CE a trois mois pour rendre sa décision. En cas de non-respect de ce délai, la question est automatiquement transmise au CC.

Le refus de saisir le CC n’est susceptible d’aucun recours.

La décision de saisir le CC lui est transmise avec les mémoires ou les conclusions des parties et celle de ne pas le saisir (aucun recours possible sur celle-ci) est adressée en copie au CC. La juridiction et les parties sont informées dans les huit jours.

Les effets sur l’instance en cours : le sursis à statuer : cf. règles exposées § 2.2.2.


2.4 La question devant le CC

2.4.1 Caractéristiques de la procédure :

Lorsqu’il est saisi, le CC avise immédiatement le Président de la République, le Premier ministre et les présidents des assemblées qui peuvent formuler leurs observations.

Le CC, une fois saisi de la question, doit se prononcer dans les trois mois à compter de sa saisine.

Les parties sont mises à même de présenter contradictoirement leurs observations et l’audience est, en principe, publique.

La décision du CC, quant à elle, est soumise à des obligations de motivation, de notification (aux parties), de communication (aux autorités politiques) et de publication.

2.4.2 Effets de la décision : prise en compte de la sécurité juridique :

Abrogation à compter de la publication de la décision (abrogation immédiate) ou à une date ultérieure fixée par cette décision (abrogation différée).

Le CC déterminera « les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause » (art. 62 al. 2 C°).


[1] M. Guillaume, Le règlement intérieur de procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité, LPA, n° 38 et “La gazette du palais”, n° 54 du 23 février 2010.

[2] Références bibliographiques : cf. le site du Conseil constitutionnel.

[3] Même en cours.

[4] Voir le site du CE pour les questions déjà posées – article R.* 771-6 CJA : « La juridiction n’est pas tenue de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause, par les mêmes motifs, une disposition législative dont le Conseil d’Etat ou le Conseil constitutionnel est déjà saisi ».

[5] Lorsqu’une personne est privée de liberté à raison de l’instance ou lorsque l’instance a pour objet de mettre fin à une mesure privative de liberté.

[6] (i) Lorsque la loi impose de statuer dans un délai déterminé : article L. 521-2 du CJA (référé-liberté), article L. 512-1 du CESEDA (recours contre les décisions relatives au séjour assorties d’une obligation de quitter le territoire français) … (ii) lorsque le sursis risque « d’entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie ».

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