Nouvelles mesures pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire

Catégorie

Aménagement commercial, Droit administratif général, Urbanisme et aménagement

Date

October 2020

Temps de lecture

6 minutes

Décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire

L’état d’urgence sanitaire a été déclaré pour un mois par décret à compter du 17 octobre 2020 à 0 heures sur l’ensemble du territoire de la République française 1)Décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire. L’Assemblée nationale devrait siéger les samedi 24 et dimanche 25 octobre afin d’examiner un projet de loi permettant de prolonger l’état d’urgence sanitaire 2)http://www.assemblee-nationale.fr/agendas/conference.pdf?refresh=true .

Dans ce cadre, et afin de ralentir la propagation du virus, le gouvernement a adopté le décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19, entré en vigueur dès sa publication au Journal officiel, le 17 octobre 2020 3)Article 59 du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020. Certaines mesures générales sont applicables sur l’ensemble du territoire de la République française, alors que d’autres ne concernent les départements placés en « alerte maximale » et listés à l’annexe 2 du décret.

1          Le décret rappelle tout d’abord que, sur l’ensemble du territoire de la République, les mesures d’hygiène et de distanciation sociale doivent être observées en tout lieu et en toute circonstance 4)Article 1 du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020. En outre, les rassemblements, réunions ou activités sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public mettant en présence de manière simultanée plus de six personnes sont interdits. Par exception, ne sont notamment pas soumis à cette interdiction les services de transport de voyageurs ou les établissements recevant du public dans lesquels l’accueil du public n’est pas interdit. Cependant, et en tout état de cause, aucun événement réunissant plus de 5 000 personnes ne peut se dérouler sur le territoire de la République, sauf dérogation du préfet de département 5)Article 3 du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020.

Le décret prévoit également que, lorsque les circonstances locales l’exigent et aux seules fins de lutter contre la propagation du virus, le préfet de département peut interdire les déplacements de personnes conduisant à la fois à sortir d’un périmètre défini par un rayon de 100 kilomètres de leur lieu de résidence et à sortir du département dans lequel ce dernier est situé. Le préfet de département est habilité à adopter des conditions de déplacement plus restrictives à l’intérieur d’un département lorsque les circonstances locales l’exigent 6)Article 50 du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020.

Le décret contient ensuite des dispositions spécifiques aux transports, à la mise en quarantaine et au placement à l’isolement, aux établissements et activités, à la réquisition des établissements et professionnels de santé, aux soins funéraires et aux médicaments.

1.1       Concernant par exemple le transport terrestre, l’autorité organisatrice de la mobilité compétente, ou Ile-de-France Mobilités pour l’Ile-de-France, doit organiser, en concertation avec les collectivités territoriales concernées, les employeurs, les associations d’usagers et les exploitants des services de transports, les niveaux de service et les modalités de circulation des personnes présentes dans les espaces et véhicules affectés au transport public de voyageurs, ainsi que l’adaptation des équipements, de nature à permettre le respect des mesures d’hygiène et l’observation de la plus grande distance possible entre les passagers ou groupes de passagers voyageant ensemble. Les opérateurs de transports doivent veiller, dans la mesure du possible, à la distanciation physique entre les personnes ou les groupes de personnes voyageant ensemble en tenant compte des contraintes propres à chaque moyen de transport. Les passagers ou groupe de passagers voyageant ensemble doivent également veiller à laisser la plus grande distance possible entre eux 7)Article 14 du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020.

En outre, eu égard aux conditions d’affluence constatées ou prévisibles, le préfet de département ou, pour l’Ile-de-France, le préfet de la région Ile-de-France, est habilité à réserver, à certaines heures, l’accès aux espaces et véhicules de transport public collectif de voyageurs aux seules personnes effectuant un déplacement justifié par l’exercice de leur activité professionnel, un motif familial impérieux, l’assistance des personnes vulnérables, le répit et l’accompagnement des personnes handicapées, la garde d’enfants, une injonction de la police administrative ou de l’autorité judiciaire, un déménagement ou encore pour se rendre dans un établissement scolaire ou à une consultation de santé 8)Article 17 du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020.

1.2       Concernant ensuite les établissements et activités, les exploitations des établissements recevant du public (ERP) doivent mettre en œuvre des mesures de nature à permettre le respect des mesures d’hygiène et de distanciation sociale 9)Article 27 du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020.

Le décret interdit l’accueil du public dans certains établissements, à l’instar des salles de danse 10)Article 45 du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020, et soumet l’ouverture d’autres établissements à de strictes conditions.

Ainsi, les centres commerciaux, établissements de type M, ne peuvent accueillir un nombre de personnes supérieur à celui permettant de réserver à chacune une surface de 4 m². En outre, lorsque les circonstances locales l’exigent, le préfet de département peut limiter le nombre maximum de personnes pouvant être accueillies dans ces établissements.

Plus encore, lorsque les circonstances locales l’exigent, le préfet de département peut, après avis du maire, interdire l’ouverture d’un centre commercial comprenant un ou plusieurs bâtiments dont la surface commerciale utile cumulée est supérieure ou égale à 70 000 m² et qui, du fait de son implantation dans un bassin de vie fortement peuplé et de sa proximité immédiate avec une gare desservie par plusieurs lignes de transport ferroviaire ou guidé et de transport public régulier de personnes routier, favorise des déplacements significatifs de population. Cette interdiction ne faisant toutefois pas obstacle à l’ouverture, au sein de ces centres commerciaux, des commerces de détail pour les activités relevant de la liste figurant en annexe 3 du décret (supermarchés, blanchisserie, garages…).

Afin de prendre en compte la jurisprudence administrative 11)Cf. par exemple : TA Paris 26 mai 2020 Société Printemps, req. n° 2007387/9 : ordonnance commentée sur notre blog. ayant considéré que la surface utile d’îlots séparés, même par la fermeture d’un mail clos, ne pouvait être additionnée pour déterminer la surface commerciale utile d’un centre, le décret prend le soin de préciser qu’est entendu par « centre commercial », tout établissement comprenant un ou plusieurs ensembles de magasins de vente, et éventuellement d’autres établissements recevant du public pouvant communiquer entre eux, qui sont, pour leurs accès et leur évacuation, tributaires de mails clos. L’ensemble des surfaces commerciales utiles sont additionnées pour déterminer l’atteinte du seuil de 70 000 m², y compris en cas de fermeture de certains mails clos ou d’organisation indépendante des accès et évacuations des bâtiments 12)Article 37 du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020.

Quoi qu’il en soit, le préfet de département est en toute hypothèse habilité à interdire, à restreindre ou à réglementer, par des mesures réglementaires ou individuelles, les activités qui ne sont pas interdites en vertu du décret ainsi que l’accueil du public dans certains ERP, lorsque les circonstances locales l’exigent 13)Article 29 et article 50 du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020. Enfin, le préfet de département peut, par arrêté pris après mise en demeure restée sans suite, ordonner la fermeture des établissements recevant du public qui ne mettent pas en œuvre les obligations qui leur sont applicables en application du décret 14)Article 29 du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020.

2          Ensuite, dans les départements mentionnés en annexe 2 du décret, le préfet de département peut, dans les zones qu’il définit, prendre des mesures exceptionnelles définies à l’article 51 du décret 15)Article 4 du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020.

Les départements concernés sont les suivants :

  • Bouches-du-Rhône ;
  • Haute-Garonne ;
  • Hérault ;
  • Isère ;
  • Loire ;
  • Nord ;
  • Rhône ;
  • Seine-Maritime ;
  • Paris ;
  • Seine-et-Marne ;
  • Yvelines ;
  • Essonne ;
  • Hauts-de-Seine ;
  • Seine-Saint-Denis ;
  • Val-de-Marne ;
  • Val-d’Oise.

Les préfets de ces départements peuvent ainsi interdire les déplacements de personnes hors de leur lieu de résidence entre 21 heures et 6 heures du matin (sauf déplacement justifié par l’exercice professionnel, une consultation ou des soins, un motif familial impérieux, une convocation judiciaire ou administrative, un transfert ou transit vers ou depuis des gares ou aéroports dans le cadre de déplacements de longue distance ou encore pour les besoins des animaux de compagnie).

Lorsque l’interdiction des déplacements s’applique, les ERP suivants situés dans les zones définies par le préfet de département ne peuvent accueillir du public quelle que soit l’heure :

  • établissements de type N : Débits de boissons ;
  • établissements de type EF : Etablissements flottants, pour leur activité de débit de boissons ;
  • établissements de type P : Salles de jeux ;
  • établissements de type T : Salles d’exposition ;
  • établissements de type X : Salles de sport (sauf certaines exceptions, comme par exemple l’accueil de groupes scolaires et périscolaires et les activités sportives participant à la formation universitaire ; toute activité à destination exclusive des mineurs ; les sportifs professionnels et de haut niveau…).

Les ERP n’étant pas visés par cette liste, à l’instar des centres commerciaux, ne peuvent accueillir de public entre 21 heures et 6 heures du matin.

Un référé-liberté, fondé sur l’article L. 521-2 du code de justice administrative et formé à l’encontre de l’article 51 du décret a été rejeté par le juge des référés du Conseil d’Etat le 23 octobre 2020 16)CE Ord. 23 octobre 2020 M. Cassia et autres, req. n° 445430.. Le juge des référés a en effet considéré, eu égard à la « nette aggravation de la crise sanitaire », que la mesure de couvre-feu pouvant être adoptée par le préfet de certains départements n’est ni manifestement injustifiée ni manifestement dépourvue de caractère nécessaire, au motif notamment qu’elle semble avoir montré son efficacité en mars dans le département de la Guyane, qu’elle est assortie de nombreuses dérogations, qu’elle est limitée dans le temps en ce qu’elle ne peut qu’être instituée pendant l’état d’urgence sanitaire et qu’enfin, elle revêt un caractère moins restrictif qu’un confinement.

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References   [ + ]

1. Décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire
2. http://www.assemblee-nationale.fr/agendas/conference.pdf?refresh=true
3. Article 59 du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020
4. Article 1 du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020
5. Article 3 du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020
6. Article 50 du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020
7. Article 14 du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020
8. Article 17 du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020
9. Article 27 du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020
10. Article 45 du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020
11. Cf. par exemple : TA Paris 26 mai 2020 Société Printemps, req. n° 2007387/9 : ordonnance commentée sur notre blog.
12. Article 37 du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020
13. Article 29 et article 50 du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020
14. Article 29 du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020
15. Article 4 du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020
16. CE Ord. 23 octobre 2020 M. Cassia et autres, req. n° 445430.

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