La régularisation ouverte par l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme s’applique également à l’établissement du caractère certain des aménagements de voirie

Catégorie

Environnement, Urbanisme et aménagement

Date

February 2021

Temps de lecture

4 minutes

CE 1er février 2021 Société Le Castellet-Faremberts, req. n° 429790 : Rec. CE T.

Dans une décision du 1er février 2021 le Conseil d’Etat a admis que l’absence de réalisation d’un aménagement de voirie à une date certaine pouvait faire l’objet d’une mesure de régularisation par application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.

Ce nouvel arrêt s’inscrit dans un mouvement général de régularisation des autorisations d’urbanisme entachées d’un ou plusieurs vices affectant leur bien-fondé et sera accueilli favorablement par les maîtres d’ouvrages et porteurs de projets.

Par un permis tacite délivré le 21 septembre 2016 par le préfet du Var, la société Le Castellet-Faremberts a été autorisée à construire 120 logements sociaux pour une surface de plancher totale de 8 849,76 m² sur quatre parcelles d’une superficie totale de près de 3,3 hectares sur la commune du Castellet. Un permis de construire modificatif lui a ensuite été délivré par un arrêté du 23 janvier 2018.

Par un jugement du 14 février 2019 n° 170864-182274, le tribunal administratif de Toulon a annulé ces deux autorisations aux motifs que l’opération relevait d’un projet global (voir l’article dédié sur notre blog) et que les aménagements de voirie nécessaires à assurer sa conformité au PLU en vigueur ne présentaient pas de caractère certain.

Saisi d’un pourvoi de la société Le Castellet-Faremberts, le Conseil d’Etat censure le jugement et renvoie l’affaire devant les juges du fond.

Par une jurisprudence constante le Conseil d’Etat retient que la conformité d’un immeuble aux prescriptions d’un PLU ne s’apprécie pas par rapport à l’état initial de la voie. Il convient de tenir compte d’une part des prévisions inscrites dans le PLU et d’autre part des circonstances de droit et de fait déterminantes pour leur réalisation laquelle doit être certaine dans son principe comme dans son échéance de réalisation (CE SCI Le clos du cèdre 20 janvier 1988 req. n° 85548 : Rec. CE et CE Société PCE et FTO 28 décembre 2017 req. n° 402362 : Rec. CE T.).

L’affaire en l’espèce porte sur le point de savoir si des travaux nécessaires à la conformité de l’autorisation d’urbanisme sollicitée sont bien, à la date de délivrance de l’autorisation, certains dans leur principe comme dans leur échéance, et dans le cas contraire, si l’absence de certitude peut être régularisée le cas échéant.

Dans son arrêt Société PCE et FTO précité (CE 28 décembre 2017 req. n° 402362 : Rec. CE T.), le Conseil d’Etat avait retenu que la décision des juges du fond d’admettre ou de rejeter la demande visant à la régularisation de l’autorisation d’urbanisme sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme relève de leur appréciation souveraine, que ce soit tant sur le caractère régularisable du vice entachant l’autorisation attaquée que sur l’exercice de la faculté de surseoir à statuer pour que le vice soit régularisé dans un délai qu’ils fixent.

Le Conseil d’Etat avait alors admis que les juges du fond pouvaient légalement retenir que l’absence de date certaine de réalisation des travaux entachait l’autorisation d’urbanisme d’un vice ne pouvant être régularisé dans le délai d’instruction d’un permis modificatif par application des dispositions de l’article L. 600-5-1 dans sa rédaction applicable. L’arrêt de la cour administrative d’appel avait ainsi été confirmé.

Dans ce nouvel arrêt Société Le Castellet-Faremberts, le Conseil d’Etat retient une solution contraire à sa jurisprudence Société PCE et FTO précitée.

Le règlement du PLU de la commune du Castellet prévoyait en son article 1 AU 3 que les unités foncières doivent être desservies par des voies d’une largeur minimale de 6 mètres. Pour se conformer à cette obligation, le pétitionnaire avait indiqué dans son dossier de demande de permis de construire qu’un élargissement de la voie était prévu et qu’un raccordement à un chemin était étudié avec la DDTM. Sur ce dernier point le pétitionnaire avait versé une autorisation donnée au département du Var par le propriétaire d’une parcelle pour y réaliser les travaux nécessaires à la réalisation d’un carrefour sécurisé au croisement des deux voies.

Ces éléments n’ont pas convaincu le tribunal administratif qui a retenu qu’ils ne permettaient pas d’établir la certitude du calendrier de réalisation des aménagements.

Le Conseil d’Etat a censuré ce raisonnement pour erreur de droit et retenu qu’une absence de certitude sur le calendrier de réalisation d’aménagements peut faire l’objet d’une mesure de régularisation par application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme :

« Le motif tiré de la méconnaissance de l’article 1 AU 3 du règlement du plan local d’urbanisme, qui ne met en cause que le caractère certain de la date d’échéance des travaux, par le département du Var, d’élargissement de la voie d’accès à la construction projetée, apparaît susceptible de faire l’objet d’une mesure de régularisation en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme rappelé au point 7 et n’est, par suite, pas de nature à justifier à lui seul la décision d’annulation du tribunal administratif de Toulon. Dès lors, il y a lieu de faire droit aux conclusions à fin d’annulation du jugement attaqué, présentées par la société Le Castellet-Faremberts ».

A noter par ailleurs que dans un arrêt du 5 février 2021 (CE Société PCS req. n° 430990 : Rec. CE T.), le Conseil d’Etat est venu préciser les modalités d’articulation entre les dispositions des articles L. 600-5-1 et L. 600-5-2 du code de l’urbanisme relatives aux mesures de régularisation et aux recours pouvant être dirigés contre celles-ci.

Pour rappel l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme prévoit que lorsqu’une mesure de régularisation intervient au cours d’une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire initialement délivré et que cette mesure de régularisation a été communiquée aux parties à cette instance, la légalité de l’acte de régularisation ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance.

Appliquant sa jurisprudence rendue avant l’entrée en vigueur de la loi  n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 dite « ELAN » (CE 19 juin 2017 Syndicat des copropriétaires de la résidence Butte Stendhal req. n° 394677 : Rec. CE T), le Conseil d’Etat énonce dans sa décision n° 430990 que des conclusions dirigées contre le jugement avant dire droit en tant qu’il met en œuvre les pouvoirs que le juge tient de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme sont privées d’objet à compter de l’intervention de la mesure de régularisation.

A noter également que cette solution a récemment été retenue s’agissant des conclusions dirigées contre la décision avant dire droit en tant qu’elle met en œuvre les pouvoirs que le juge tient de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme relatifs à la régularisation d’un document d’urbanisme (CE 18 décembre 2020 Société Fonimmo-ID req. n° 421987 430344 : Rec. CE T).

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