La taxe d’aménagement majorée peut se cumuler avec la participation pour le financement de l’assainissement collectif

Catégorie

Droit administratif général, Urbanisme et aménagement

Date

August 2025

Temps de lecture

6 minutes

CE, avis, 18 juillet 2025, n° 502801, JO 24 juillet 2025

Dans le cadre d’un avis rendu sur le fondement de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de se prononcer sur le cumul de la taxe d’aménagement au taux majoré avec la participation pour le financement de l’assainissement collectif (PFAC) concernant une opération de construction.

Par un arrêt n° 23MA02000 du 20 mars 2025, la cour administrative d’appel de Marseille a décidé, avant de statuer sur la requête d’appel d’une société civile de construction vente contre le jugement n°1905976 du 1er juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge de l’obligation de payer la PFAC mise en recouvrement par la commune d’Antibes par un titre de recettes du 25 juin 2019 et à l’annulation de ce titre exécutoire, de soumettre à l’examen du Conseil d’Etat la question suivante :

–    Dans un secteur où la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent a voté le taux de la part communale ou intercommunale de la taxe d’aménagement à un taux supérieur à 5 % pour financer la réalisation de travaux substantiels de réseaux publics d’assainissement, peut-il être exigé des propriétaires de constructions, dont l’édification a été assujettie à cette taxe au taux majoré à l’occasion de la délivrance d’une autorisation d’urbanisme et qui doivent être raccordées à ces réseaux, le paiement de la PFAC ?

Le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord les champs d’application respectifs :

  • de la PFAC, régie par les dispositions de l’article 1331-7 du code de la santé publique, qui concerne les propriétaires des immeubles soumis à l’obligation de raccordement au réseau public de collecte des eaux usées en application de l’article L. 1331-1 du même code ;
  • et de la taxe d’aménagement régie par les articles 331-1 et suivants du code de l’urbanisme 1)La loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 et la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 ont modifié les règles de la taxe d’aménagement, dont une partie a été recodifiée au sein des articles 1635 quater A et suivants du code général des impôts., qui permet de financer les actions et opérations contribuant à la réalisation des objectifs d’urbanisme des collectivités 2)Ces objectifs sont listés à l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme., et dont le taux de la part communale ou intercommunale peut être augmenté jusqu’à 20 % dans certains secteurs et par délibération motivée, si la réalisation de travaux substantiels de voirie ou de réseaux ou la création d’équipements publics généraux est rendue nécessaire en raison de l’importance des constructions nouvelles édifiées dans ces secteurs 3)Cf. article L. 331-15 ancien du code de l’urbanisme dans sa version applicable au litige, dont l’équivalent est aujourd’hui codifié dans un nouvel article 1635 quater N du code général des impôts qui dispose que « le taux de la part communale ou intercommunale de la taxe d’aménagement peut être augmenté jusqu’à 20 % dans certains secteurs par une délibération motivée prise dans les conditions prévues au II de l’article 1639 A, si l’importance des constructions nouvelles édifiées dans ces secteurs rend nécessaire la réalisation de travaux substantiels de voirie ou de réseaux, de restructuration ou de renouvellement urbain pour renforcer l’attractivité des zones concernées et pour réduire les incidences liées à l’accroissement local de la population, ou la création d’équipements publics généraux».. Dans ce cas, c’est-à-dire en cas de majoration du taux de la taxe, l’ancien article L. 331-15 du code de l’urbanisme (aujourd’hui 1635 quater N du code général des impôts) prévoit expressément que certaines participations d’urbanisme ne sont alors plus applicables dans ce ou ces secteurs.

Le Conseil d’Etat distingue ensuite, selon les objectifs :

  • la PFAC, due lors du raccordement au réseau public de collecte des eaux usées, « vise à tenir compte de l’économie réalisée par les propriétaires d’immeubles en évitant une installation d’évacuation ou d’épuration individuelle réglementaire ou la mise aux normes d’une telle installation, son montant étant limité à 80 % du coût d’une telle installation individuelle»,
  • tandis que la taxe d’aménagement, perçue à l’occasion de la délivrance d’une autorisation d’urbanisme, « a pour objet le financement de la réalisation des objectifs d’urbanisme de la commune, sa part communale pouvant être établie à un taux supérieur à 5 % dans les secteurs de la commune où l’importance des constructions nouvelles rend nécessaire la réalisation de travaux substantiels de voirie ou de réseaux ou la création d’équipements publics, dans la seule limite du coût des travaux ou équipements publics à réaliser pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans ces secteurs»

La Haute juridiction profite de cet avis pour rappeler qu’à la différence de l’ancienne participation pour raccordement à l’égout 4)La participation pour raccordement à l’égout (PRE), prévue à l’article L. 1331-7 ancien du Code de la santé publique, a été abrogée et remplacée par la participation au financement de l’assainissement collectif, par la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012. La PRE figurait au nombre des participations d’urbanisme listées à l’ancien article L. 332-6-1, en son 2° a), et avait pour fait générateur le permis de construire, et non le raccordement à l’égout. Voir sur le cumul de la PRE et de la taxe d’aménagement : CE 19 décembre 2019, req. n°419800., la PFAC est une redevance pour service rendu, mais n’est pas une participation d’urbanisme, en ce qu’elle n’est d’ailleurs pas visée par l’article L. 332-6 du code de l’urbanisme qui liste limitativement les participations d’urbanisme. En effet, alors que les participations d’urbanisme permettent de faire contribuer aux charges d’équipements publics générées par le développement de l’urbanisation 5)En application des articles L. 332-28 et L. 332-28-1 du Code de l’urbanisme, le fait générateur des participations d’urbanisme est la délivrance du permis de construire ou de la décision de non-opposition à déclaration préalable. Les contributions d’urbanisme sont prescrites, selon le cas, par l’autorisation. En vertu de l’article R. 423-52 du code de l’urbanisme, l’autorité compétente consulte en tant que de besoin les autorités et services publics habilités à demander que soient prescrites ces contributions., la PFAC a pour fait générateur le raccordement effectif à l’égout, non la délivrance de l’autorisation d’urbanisme.

La PFAC trouve ainsi une contrepartie directe dans la prestation fournie par le service ou, le cas échéant, dans l’utilisation du réseau d’assainissement collectif. Son montant de la PFAC ne doit, en aucun cas, dépasser les 80 % du coût total de la fourniture et de la mise en place de l’installation du réseau d’assainissement 6)Cf. Article L. 1331-7 du code de la santé publique alinéa 3.

Elle correspond, en tant que redevance, à la valeur de la prestation ou du service et est établie selon des critères objectifs et rationnels dans le respect du principe d’égalité entre les usagers du service public et des règles de la concurrence 7)Cf. CE 20 mars 2024, req. n° 472750.

La PFAC ne figure dès lors pas au nombre des contributions et participations d’urbanisme 8)Ces contributions sont listées au d du 2° et au 3° de l’article L. 332-6-1 du code de l’urbanisme, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014. qui ne sont pas applicables dans les secteurs dans lesquels le taux de la part communale ou intercommunale de la taxe d’aménagement est majorée 9)L’ancien article L. 331-15 du code de l’urbanisme, dans sa version applicable au litige, est aujourd’hui recodifié à l’article 1635 quater N du code général des impôts..

A ce titre, le Conseil d’Etat, reprenant les motifs du jugement du Tribunal administratif de Nice 10)« 5. (…)Or, il ne résulte d’aucune disposition législative ou règlementaire que la participation au financement de l’assainissement collectif prévue par le code de la santé publique ne puisse pas être perçue cumulativement avec une taxe d’aménagement prévue par le code de l’urbanisme et il n’existe aucun principe général du droit français qui proscrive que deux impôts ou redevances ayant, le cas échéant, ce qui n’est pas démontré en l’espèce, totalement ou partiellement la même finalité, puissent être cumulativement perçus auprès du même redevable à propos de la même activité ou fait générateur. Au demeurant, le fait générateur de la participation au financement de l’assainissement n’est pas, contrairement à la taxe d’aménagement, la délivrance d’une autorisation d’urbanisme, mais le raccordement effectif de constructions neuves ou de constructions existantes générant des eaux usées supplémentaires » (TA Nice 1er juin 2023, req. n°1905976), considère qu’« aucune disposition législative ou règlementaire, ni aucun principe n’interdit la perception de la participation au financement de l’assainissement collectif lorsque la construction raccordée au réseau d’assainissement collectif a été soumise à la taxe d’aménagement à un taux supérieur à 5 %, laquelle a un objet plus large que cette participation au financement de l’assainissement collectif », et ce alors même que cette taxe d’aménagement permettrait le financement de travaux substantiels de réseaux publics d’assainissement.

Cet avis, fondé en droit par la circonstance qu’aucun texte n’interdit le cumul de la taxe d’aménagement majorée et de la PFAC, peut cependant surprendre au regard du dessein du texte régissant la PFAC et semble vouloir contourner le principe d’interdiction du cumul des taxes et participations ayant le même objet 11)Cf. CE 14 février 1979, SA Rhonalcop, req. n°04603, mentionné aux Tables .

En effet, la circulaire du 18 juin 2013 indiquait précisément que « la participation pour assainissement collectif (comme la participation pour raccordement à l’égout) et la taxe d’aménagement au taux majoré pour des raisons d’assainissement ne peuvent se cumuler » 12)Circulaire du 18 juin 2013 relative à la réforme de la fiscalité de l’urbanisme, page 40 et suivantes.

A titre de comparaison, dans un cas de convention de projet urbain partenarial, le Conseil d’Etat a considéré que le propriétaire de l’immeuble qui contribue auprès de l’autorité compétente, compte tenu de cette convention, au financement d’installations collectives d’évacuation ou d’épuration pour un montant égal ou supérieur au maximum légal prévu par l’article L. 1331-7 du code de la santé publique ne saurait être astreint à verser une PFAC ayant le même objet 13)CE 12 mai 2023 Sté Massonex, req. n° 464062, (cf. notre article sur cet arrêt) .

 

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References   [ + ]

1. La loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 et la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 ont modifié les règles de la taxe d’aménagement, dont une partie a été recodifiée au sein des articles 1635 quater A et suivants du code général des impôts.
2. Ces objectifs sont listés à l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme.
3. Cf. article L. 331-15 ancien du code de l’urbanisme dans sa version applicable au litige, dont l’équivalent est aujourd’hui codifié dans un nouvel article 1635 quater N du code général des impôts qui dispose que « le taux de la part communale ou intercommunale de la taxe d’aménagement peut être augmenté jusqu’à 20 % dans certains secteurs par une délibération motivée prise dans les conditions prévues au II de l’article 1639 A, si l’importance des constructions nouvelles édifiées dans ces secteurs rend nécessaire la réalisation de travaux substantiels de voirie ou de réseaux, de restructuration ou de renouvellement urbain pour renforcer l’attractivité des zones concernées et pour réduire les incidences liées à l’accroissement local de la population, ou la création d’équipements publics généraux».
4. La participation pour raccordement à l’égout (PRE), prévue à l’article L. 1331-7 ancien du Code de la santé publique, a été abrogée et remplacée par la participation au financement de l’assainissement collectif, par la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012. La PRE figurait au nombre des participations d’urbanisme listées à l’ancien article L. 332-6-1, en son 2° a), et avait pour fait générateur le permis de construire, et non le raccordement à l’égout. Voir sur le cumul de la PRE et de la taxe d’aménagement : CE 19 décembre 2019, req. n°419800.
5. En application des articles L. 332-28 et L. 332-28-1 du Code de l’urbanisme, le fait générateur des participations d’urbanisme est la délivrance du permis de construire ou de la décision de non-opposition à déclaration préalable. Les contributions d’urbanisme sont prescrites, selon le cas, par l’autorisation. En vertu de l’article R. 423-52 du code de l’urbanisme, l’autorité compétente consulte en tant que de besoin les autorités et services publics habilités à demander que soient prescrites ces contributions.
6. Cf. Article L. 1331-7 du code de la santé publique alinéa 3
7. Cf. CE 20 mars 2024, req. n° 472750
8. Ces contributions sont listées au d du 2° et au 3° de l’article L. 332-6-1 du code de l’urbanisme, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014.
9. L’ancien article L. 331-15 du code de l’urbanisme, dans sa version applicable au litige, est aujourd’hui recodifié à l’article 1635 quater N du code général des impôts.
10. « 5. (…)Or, il ne résulte d’aucune disposition législative ou règlementaire que la participation au financement de l’assainissement collectif prévue par le code de la santé publique ne puisse pas être perçue cumulativement avec une taxe d’aménagement prévue par le code de l’urbanisme et il n’existe aucun principe général du droit français qui proscrive que deux impôts ou redevances ayant, le cas échéant, ce qui n’est pas démontré en l’espèce, totalement ou partiellement la même finalité, puissent être cumulativement perçus auprès du même redevable à propos de la même activité ou fait générateur. Au demeurant, le fait générateur de la participation au financement de l’assainissement n’est pas, contrairement à la taxe d’aménagement, la délivrance d’une autorisation d’urbanisme, mais le raccordement effectif de constructions neuves ou de constructions existantes générant des eaux usées supplémentaires » (TA Nice 1er juin 2023, req. n°1905976
11. Cf. CE 14 février 1979, SA Rhonalcop, req. n°04603, mentionné aux Tables
12. Circulaire du 18 juin 2013 relative à la réforme de la fiscalité de l’urbanisme, page 40 et suivantes
13. CE 12 mai 2023 Sté Massonex, req. n° 464062, (cf. notre article sur cet arrêt) 

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