La validation de l’ouverture dominicale des magasins de bricolage

Catégorie

Droit administratif général

Date

March 2015

Temps de lecture

4 minutes

CE 24 février 2015 Fédération des employés et cadres CGT FO et autres ; Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services et autres, req. n° 374726, 374905, 376267, 376411

    1 – Le contexte juridique et contentieux

Si le repos dominical constitue en principe la règle, celle-ci est toutefois assortie d’un grand nombre d’exceptions (certaines permanentes et de droit, d’autres procédant d’une décision d’une autorité administrative et tenant compte de circonstances locales), et la future loi pour la croissance et l’activité (dite « loi Macron »), récemment adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale, devrait en ajouter encore d’autres 1) Cf. ses articles 71 à 82 bis..

Actuellement, l’article L. 3132-12 du code du travail prévoit que : « Certains établissements, dont le fonctionnement ou l’ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l’activité ou les besoins du public, peuvent de droit déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement ». Et renvoie ensuite à un décret en Conseil d’Etat le soin de déterminer « les catégories d’établissements intéressées ». Le décret en cause est l’article R. 3132-5 du même code, auquel est annexé un vaste tableau énumérant les différentes catégories d’établissements concernées, ainsi que, le cas échéant, au sein de ces derniers, les activités concernées (lorsque la dérogation au repos dominical n’est justifiée que pour l’une des activités de l’établissement).

Par un premier décret n° 2013-1306 du 30 décembre 2013 portant inscription temporaire des établissements de commerce de détail du bricolage sur la liste des établissements pouvant déroger à la règle du repos dominical, le gouvernement a ajouté à cette liste les établissements de commerce de détail de bricolage. La notice figurant dans l’en-tête de ce décret précisait à cet égard que : « Sont ainsi concernés les établissements de vente au détail faisant commerce à titre principal de matériaux et matériels de bricolage, de quincaillerie, de peintures-émaux-vernis, de verre plat, et de matériaux de construction ».

Cette inscription sur la liste de l’article R. 3132-5 n’était toutefois que temporaire, puisque devant cesser ses effets au 1er janvier 2015, ne valant (selon la notice) que « dans l’attente du vote d’un nouveau cadre législatif en matière d’exceptions au repos dominical dans les commerces ».

Saisi par différents syndicats, le juge des référés du Conseil d’Etat a suspendu ce décret par une décision n° 374727 du 12 février 2014, en relevant notamment que la dérogation – permanente – prévue par l’article L. 3132-12 du code du travail « est subordonnée à l’existence d’un besoin, en principe pérenne, du public qu’elle vise à satisfaire » et que la dérogation temporaire en cause, justifiée « par le souci d’apaiser la situation relative aux établissements de bricolage dans la région Ile-de-France marquée par de nombreux conflits sociaux et litiges dans l’attente de l’intervention d’un nouveau régime législatif encadrant le travail dominical », ne reposait pas sur un motif prévu par la loi.

Désireux d’enfoncer le clou, le gouvernement a alors pris un second décret n° 2014-302 du 7 mars 2014 portant inscription des établissements de commerce de détail du bricolage sur la liste des établissements pouvant déroger à la règle du repos dominical, identique au premier (qu’il abrogeait par ailleurs) à l’exception du fait qu’il instituait désormais une dérogation permanente.

Ce décret comme le précédent a été attaqué et le Conseil d’Etat a été amené à se prononcer sur les deux demandes d’annulation.

    2 – La décision du Conseil d’Etat

Joignant les différentes requêtes, le Conseil d’Etat s’est prononcé le 24 février 2015 par une seule décision, rejetant l’ensemble des critiques (de procédure ou de fond) formulées.

Sur le principe même de l’ouverture dominicale des magasins de bricolage, le Conseil d’Etat relève que les articles L. 3132-12 et R. 3132-5 du code du travail sont issus de la reprise à droit constant, dans le nouveau code du travail adopté en 2007, des anciennes dispositions des articles L. 221-9 et L. 221-10 du précédent code, l’article L. 221-9 énumérant aussi bien des établissements tels que les pharmacies et entreprises d’éclairage que des établissements tels que les entreprises de spectacles et les débits de boisson.

Il en déduit : « que, compte tenu des termes de ces anciennes dispositions, notamment de l’énumération qui figurait auparavant à l’article L. 221-9, l’ouverture d’établissements le dimanche peut être regardée comme rendue « nécessaire par (…) les besoins du public », au sens de l’article L. 3132-12, lorsque ces établissements répondent à des besoins de première nécessité ou qu’ils permettent la réalisation d’activités de loisir correspondant à la vocation du dimanche, jour traditionnel de repos ».

Et relève ensuite : « qu’il ressort des pièces du dossier que le bricolage est une activité de loisir pratiquée plus particulièrement le dimanche ; qu’eu égard à la nature de cette activité, la faculté de procéder, le jour même, aux achats des diverses fournitures en permettant l’exercice est nécessaire à la satisfaction de ce besoin ». Pour en conclure « que le pouvoir réglementaire a ainsi pu regarder l’ouverture des magasins de bricolage le dimanche comme nécessaire à la satisfaction des besoins du public au sens de l’article L. 3132-12 ».

Des dispositions similaires à celles du code du travail existant dans les articles 6 et 7 de la convention internationale du travail n° 106 concernant le repos hebdomadaire dans le commerce et les bureaux, admettant également la dérogation au repos dominical « compte tenu de toute considération sociale et économique pertinente », le Conseil d’Etat ajoute que « que la satisfaction de ce besoin constitue une considération sociale pertinente au regard des stipulations de l’article 7 de la convention internationale du travail n° 106 ».

Enfin, dès lors que la dérogation instituée par les décrets en cause est légalement justifiée, il estime que le fait que les décrets « ont été pris, au surplus, dans le but d’apaiser les conflits sociaux dans le secteur, qui présente un caractère d’intérêt général, n’est pas de nature à les entacher de détournement de pouvoir ».

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References   [ + ]

1. Cf. ses articles 71 à 82 bis.

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