L’absence de signature électronique de l’acte d’engagement rend l’offre irrégulière

Catégorie

Contrats publics

Date

December 2014

Temps de lecture

4 minutes

CE 7 novembre 2014 ministre des finances et des comptes publics, req. n° 383587

Le service des achats de l’Etat (SAE) a lancé un appel d’offres restreint en vue de la conclusion d’un accord-cadre portant sur la réalisation de prestations d’assistance à maîtrise d’ouvrage de projets informatiques. Le SAE a organisé une procédure dématérialisée : le dépôt des candidatures et des offres devait s’effectuer exclusivement sur la plateforme interministérielle de dématérialisation des achats de l’Etat dite « PLACE ».

La société BearingPoint France a remis via cette plateforme une offre dont l’acte d’engagement n’était pas assorti d’une signature électronique. Son offre a donc été rejetée comme irrégulière, mais celle-ci a contesté cette décision par le biais d’un référé précontractuel. Le tribunal administratif de Paris lui a donné raison, au motif que le pouvoir adjudicateur ne pouvait, pour le seul motif tiré de l’absence de signature électronique de l’acte d’engagement de la société BearingPoint France, estimer son offre irrecevable.

Saisi d’un pourvoi du ministre des finances et des comptes publics, le Conseil d’Etat invalide ce raisonnement.

En premier lieu, après avoir rappelé les dispositions applicables à l’acte d’engagement (articles 11 1) « […] Pour les marchés passés selon les procédures formalisées, l’acte d’engagement et, le cas échéant, les cahiers des charges en sont les pièces constitutives. L’acte d’engagement est la pièce signée par un candidat à un accord-cadre ou à un marché public dans laquelle le candidat présente son offre ou sa proposition […] ». et 48 2) « I – Les offres sont présentées sous la forme de l’acte d’engagement défini à l’article 11. L’acte d’engagement pour un marché ou un accord-cadre passé selon une procédure formalisée, lorsque l’offre est transmise par voie électronique, est signé électroniquement dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie […] ». du code des marchés publics), ainsi qu’aux procédures dématérialisées (article 56 IV du même code 3) « […] IV – Dans les cas où la transmission électronique est obligatoire et dans ceux où elle est une faculté donnée aux candidats, le pouvoir adjudicateur assure la confidentialité et la sécurité des transactions sur un réseau informatique accessible de façon non discriminatoire, selon des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie […] ». et article 5 de l’arrêté du 14 décembre 2009 relatif à la dématérialisation des procédures de passation des marchés publics 4) « Le dépôt des candidatures et des offres transmises par voie électronique ou sur support physique électronique donne lieu à un accusé de réception indiquant la date et l’heure de réception ».), la Haute juridiction applique son considérant de principe dégagé en matière de signature (manuscrite) de l’acte d’engagement 5) Voir par exemple CE 3 novembre 1997 Préfet de la Marne c/ Commune de Francheville, req. n° 148150 – CAA Bordeaux 4 mars 2010 Société Nicollin, req. n° 08BX02366 – CE 27 octobre 2011 Département des Bouches-du-Rhône, req. n° 350935 (dans le cadre d’un référé précontractuel). à la procédure dématérialisée litigieuse :

« […] une offre dont l’acte d’engagement n’est pas, avant la date limite de remise des offres, signé par une personne dûment mandatée ou habilitée à engager l’entreprise candidate est irrégulière et doit être éliminée comme telle avant même d’être examinée […] ».

Elle en déduit que le juge de première instance a commis une erreur de droit en jugeant qu’à défaut de signature électronique de l’acte de d’engagement, la signature électronique des autres documents composant l’offre de la société requérante suffisait à établir l’engagement juridique de cette société.

Notons que le Conseil d’Etat a parfois fait preuve de plus de souplesse, ce qui explique peut-être la position du juge de première instance 6) CE 8 mars 1996 M. Pelte, req. n° 133198 : jugeant qu’une omission de signature ne modifiant ni le sens ni la validité de l’engagement du soumissionnaire n’est pas de nature à entacher l’offre d’irrégularité – CE 24 avril 1992 Synd. mixte pour la géothermie de la Courneuve, req. n° 112679 : jugeant que le seul document signé par le candidat peut être qualifié d’acte d’engagement, alors même que cette appellation a été expressément conférée à une autre pièce, non signée..

En second lieu, le Conseil d’Etat relève que l’accusé de réception transmis à la société BearingPoint France au moment du dépôt de son offre ne mentionnait aucun « jeton » de signature associé à l’acte d’engagement.

Or, le guide d’utilisation de la plateforme PLACE prévoit que l’accusé de réception électronique, qui constitue la preuve de dépôt du dossier opposable par le soumissionnaire, indique « chaque fichier transmis, son poids, ainsi que le nom du jeton de signature associé le cas échéant et son poids ».

La Haute juridiction considère en conséquence qu’en jugeant que l’absence de mention du « jeton » de signature « ne suffisait pas à établir que l’acte d’engagement de la société requérante n’était pas accompagné de sa signature électronique, au motif que n’étaient démontrés, ni l’absence de dysfonctionnement de la plateforme PLACE ni l’existence d’un dispositif signalant aux candidats le défaut de signature électronique de leurs documents, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a également commis une erreur de droit ».

Il annule donc l’ordonnance attaquée.

Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat considère qu’ayant eu connaissance, grâce à l’accusé de réception précité, du fait que son acte d’engagement déposé sur la plateforme n’était pas accompagné de sa signature électronique, la société BearingPoint pouvait décider de compléter son offre. Elle ne peut ainsi utilement soutenir que l’absence de signature résulterait d’un dysfonctionnement de la plateforme.

La décision précise enfin que le pouvoir adjudicateur n’était pas tenu de mettre en place un dispositif spécifique d’alerte des candidats sur l’absence d’enregistrement d’une signature électronique : il appartient aux candidats de faire preuve de vigilance au moment de la remise de leur offre.

Partager cet article

References   [ + ]

1. « […] Pour les marchés passés selon les procédures formalisées, l’acte d’engagement et, le cas échéant, les cahiers des charges en sont les pièces constitutives. L’acte d’engagement est la pièce signée par un candidat à un accord-cadre ou à un marché public dans laquelle le candidat présente son offre ou sa proposition […] ».
2. « I – Les offres sont présentées sous la forme de l’acte d’engagement défini à l’article 11. L’acte d’engagement pour un marché ou un accord-cadre passé selon une procédure formalisée, lorsque l’offre est transmise par voie électronique, est signé électroniquement dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie […] ».
3. « […] IV – Dans les cas où la transmission électronique est obligatoire et dans ceux où elle est une faculté donnée aux candidats, le pouvoir adjudicateur assure la confidentialité et la sécurité des transactions sur un réseau informatique accessible de façon non discriminatoire, selon des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie […] ».
4. « Le dépôt des candidatures et des offres transmises par voie électronique ou sur support physique électronique donne lieu à un accusé de réception indiquant la date et l’heure de réception ».
5. Voir par exemple CE 3 novembre 1997 Préfet de la Marne c/ Commune de Francheville, req. n° 148150 – CAA Bordeaux 4 mars 2010 Société Nicollin, req. n° 08BX02366 – CE 27 octobre 2011 Département des Bouches-du-Rhône, req. n° 350935 (dans le cadre d’un référé précontractuel).
6. CE 8 mars 1996 M. Pelte, req. n° 133198 : jugeant qu’une omission de signature ne modifiant ni le sens ni la validité de l’engagement du soumissionnaire n’est pas de nature à entacher l’offre d’irrégularité – CE 24 avril 1992 Synd. mixte pour la géothermie de la Courneuve, req. n° 112679 : jugeant que le seul document signé par le candidat peut être qualifié d’acte d’engagement, alors même que cette appellation a été expressément conférée à une autre pièce, non signée.

3 articles susceptibles de vous intéresser