L’absence d’évaluation environnementale préalable à la mise en compatibilité du PLU n’a pas nécessairement d’incidence sur la légalité de l’autorisation d’un projet éolien

Catégorie

Environnement, Urbanisme et aménagement

Date

February 2024

Temps de lecture

4 minutes

CE 5 février 2024 Sté Doubs Ouest Energie 1&2, req. n° 463620 : mentionné dans les tables du recueil Lebon

Par un arrêté du 23 novembre 2018, le préfet du Doubs a délivré à la société Doubs Ouest Energies 2 une autorisation unique pour exploiter un parc éolien, ainsi que pour défricher un hectare de parcelles boisées sur le territoire de deux communes.

Cet arrêté a fait l’objet d’un recours en annulation par des associations de protection de l’environnement et des riverains, auquel la cour administrative d’appel de Nancy a fait droit.

Saisi en cassation par la société pétitionnaire, le Conseil d’Etat a été amené à se prononcer (1) sur les exigences d’autonomie qui s’attachent aux avis rendus par l’autorité environnementale et (2) sur la possibilité d’exciper de l’illégalité d’une procédure de mise en compatibilité du PLU à l’appui d’un recours contre une autorisation d’exploiter un projet éolien, délivrée sur son fondement.

1          Sur l’autonomie de l’autorité environnementale

Le premier moyen soulevé concernait l’avis de l’autorité environnementale. La demande d’autorisation unique avait été instruite, pour le compte du préfet du Doubs, par une unité départementale de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) Bourgogne-Franche-Comté. Or, un service de la même DREAL avait également préparé l’avis rendu par la mission régionale de l’autorité environnementale (MRAe) sur l’évaluation environnementale.

Le Conseil d’Etat rappelle que, lorsque le préfet de région est l’autorité compétente pour autoriser le projet, ou que cette autorité est le préfet de département disposant à cette fin des services de la DREAL, la MRAe est regardée comme disposant, à l’égard du préfet « d’une autonomie réelle lui permettant de rendre un avis environnemental dans des conditions répondant aux exigences résultant de la directive ». Ainsi, « la MRAe doit être regardée comme intervenant de manière autonome à l’égard du préfet compétent pour autoriser le projet, sans que la circonstance qu’elle ait bénéficié, pour rendre son avis, […], de l’appui technique d’agents du service régional chargé de l’environnement placés sous l’autorité fonctionnelle de son président soit, par elle-même, de nature à affecter cette autonomie ».

Le rapporteur public, M. Nicolas Agnoux, rappelle également, dans ses conclusions rendues sur cet arrêt  1)Conclusions du rapporteur public M. Nicolas Agnoux sous l’arrêt commenté. que lorsqu’un avis de l’autorité environnementale est émis après l’entrée en vigueur du décret du 28 avril 2016 (comme en l’espèce), l’autonomie fonctionnelle du service d’appui est réputée garantie 2)Article R. 122-25 du code de l’environnement, sauf pour le requérant à établir la preuve du contraire au regard des faits propres à chaque affaire.

En l’occurrence, la juridiction d’appel avait jugé que l’avis de la MRAe était irrégulier au seul motif que la directrice régionale adjointe de la DREAL faisait partie des agents mis à la disposition de la MRAe et qu’il n’était pas démontré qu’elle n’avait pas participé à la préparation de cet avis. Le Conseil d’Etat a donc considéré que la cour avait commis une erreur de droit puisque l’avis de la MRAe, émis en 2018, ne pouvait justement être considéré comme étant irrégulier puisqu’aucun élément du dossier ne permettait d’établir que la directrice adjointe aurait participé à l’instruction de la demande d’autorisation en litige.

2          Sur l’exception d’illégalité externe de la mise en compatibilité du PLU

La cour administrative d’appel a jugé que la mise en compatibilité du PLU aurait dû être précédée d’une évaluation environnementale, au titre de l’article R. 104-14 du code de l’urbanisme, et que ce vice avait privé les requérants d’une garantie et exercé une influence directe sur les règles d’urbanisme applicables au projet.

Toutefois, la Haute juridiction retient une analyse différente.

Tout d’abord, le Conseil d’Etat rappelle sa jurisprudence issue de sa décision « SCI du Petit Bois » du 2 octobre 2020 3)CE sect. avis 2 octobre 2020 SCI du Petit Bois, n° 436934 : Rec. CE selon laquelle :

« Il appartient au juge, saisi d’un moyen tiré de l’illégalité du document local d’urbanisme à l’appui d’un recours contre une autorisation d’urbanisme, de vérifier si l’un au moins des motifs d’illégalité du document local d’urbanisme est en rapport direct avec les règles applicables à l’autorisation d’urbanisme. Un vice de légalité externe est étranger à ces règles, sauf s’il a été de nature à exercer une influence directe sur des règles d’urbanisme applicables au projet. En revanche, sauf s’il concerne des règles qui ne sont pas applicables au projet, un vice de légalité interne ne leur est pas étranger ».

En l’occurrence, l’irrégularité reprochée à la mise en compatibilité du PLU, à savoir l’absence d’évaluation environnementale, constitue un vice de légalité externe ne pouvant donc affecter la légalité de l’autorisation attaquée que s’il a été de nature à exercer une influence directe sur les règles d’urbanisme applicable au projet éolien.

Or, le Conseil d’Etat relève le fait que :

  • le projet éolien avait fait l’objet d’une évaluation environnementale ayant le même objet que celle qui aurait dû être réalisée au titre de la mise en compatibilité du PLU (pour ce qui concerne le périmètre correspondant à l’assiette du projet), et que cette évaluation avait bien été jointe au dossier de l’enquête publique du PLU ;
  • et que si la mise en compatibilité du PLU s’attachait à un périmètre plus large que l’assiette du projet, dont la règlementation avait été quant à elle modifiée, l’absence d’évaluation environnementale pour ce périmètre plus large que le projet s’attachait à des règles applicables en dehors du périmètre du projet et non au projet lui-même.

En conséquence, le Conseil d’Etat conclut que l’absence d’évaluation environnementale ne pouvait être en l’espèce de nature à affecter la légalité de l’autorisation d’exploiter le parc éolien dès lors que ce vice de légalité externe était étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet.

 

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References   [ + ]

1. Conclusions du rapporteur public M. Nicolas Agnoux sous l’arrêt commenté.
2. Article R. 122-25 du code de l’environnement
3. CE sect. avis 2 octobre 2020 SCI du Petit Bois, n° 436934 : Rec. CE

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