L’analyse pragmatique du caractère anormalement bas d’une offre par le juge

Catégorie

Contrats publics

Date

January 2013

Temps de lecture

3 minutes

CAA Paris 23 octobre 2012 Société Point Comm, req. n° 09PA05350

Par un arrêt rendu le 23 octobre 2012, la cour administrative d’appel de Paris s’est livrée à une analyse pragmatique du caractère anormalement bas d’une offre présentée pour l’attribution d’un marché d’assistance dans le cadre de l’ouverture d’une médiathèque.

La commune de Villejuif avait engagé une consultation, selon une procédure adaptée, pour la passation de ce marché. La Société Point Com, candidate évincée de la procédure, a saisi le tribunal administratif de Melun d’un recours indemnitaire afin d’obtenir réparation du préjudice résultant selon elle de son éviction irrégulière et de la perte d’une chance sérieuse de remporter le marché qui en a découlé.

Toutefois, l’un des moyens soulevés ne manque pas de surprendre : la société requérante soutenait que la commune ne pouvait rejeter son offre sans l’avoir au préalable déclarée anormalement basse.

Rappelons que devant une offre anormalement basse, le pouvoir adjudicateur est tenu de solliciter du candidat des explications sur son offre, avant de la rejeter par une décision motivée si son caractère anormalement bas est établi[1]. L’offre anormalement basse est exclue du classement des offres : elle n’est pas appréciée au regard des critères de choix de l’offre économiquement la plus avantageuse.

Se prévaloir d’un tel moyen semble présenter peu de sens dans le cadre d’un recours indemnitaire, par lequel la société doit établir qu’elle n’était pas dépourvue de toute chance de remporter le marché : 

  •  Soit la requérante prétend que son offre aurait dû être rejetée pour ce motif plutôt qu’en raison de la moindre satisfaction de son offre aux critères énoncés que l’offre de l’attributaire, et un tel argumentaire démontre… que la société requérante était dépourvue de toute chance d’obtenir le marché ;
  •  Soit la requérante tente d’identifier une irrégularité dans son éviction en reprochant au pouvoir adjudicateur ne n’avoir pas sollicité d’explications sur le caractère anormalement bas de son offre avant de l’admettre, mais une telle circonstance est sans incidence sur l’évaluation de ses chances d’obtenir le marché, puisqu’elle ne remet pas en cause le classement de son offre au regard des critères de choix de l’offre économiquement la plus avantageuse.

La société Point Com faisait ainsi valoir « l’importance de l’écart séparant le coût de son offre, évalué à 6 697,60 euros, de celui annoncé par sa concurrente, soit 35 880 euros ». Néanmoins, la cour ne se borne pas à cette présentation de façade de l’offre de prix proposée par la requérante, qu’elle rapporte aux jours de travail auxquels celle-ci correspond. Le juge relève ainsi que « la requérante fixait la durée de sa mission à neuf jours alors que les services municipaux avaient estimé que l’assistance à maîtrise d’ouvrage objet du marché demandait trente-cinq jours de travail » et partant, que « ramenée à un coût journalier, l’offre présentée par la requérante ne pouvait être regardée comme anormalement basse et n’était pas en contradiction avec les notes de 30 points et de 20 points obtenues respectivement par la Société Point Com et la société Copilot Partners pour le critère du prix ».

L’offre de la société Point Comm ne présentait donc pas un caractère anormalement bas, et la commune n’était tenue ni de solliciter des justifications sur cette offre, ni de la rejeter en tant qu’anormalement basse.

 

  1. Article 55 du code des marchés publics. Le juge contrôle l’erreur manifeste d’appréciation commise par le pouvoir adjudicateur qui admet une offre après avoir sollicité des explications sur son caractère anormalement bas, en vérifiant que les justifications fournies par le candidat permettaient ou non de considérer que l’offre n’était pas anormalement basse (CE 1er mars 2012 Département de la Corse du Sud, req. n° 354159).

Partager cet article

3 articles susceptibles de vous intéresser