L’atteinte au milieu montagnard au sens de l’article L122-9 du code de l’urbanisme s’entend de l’atteinte aux habitats naturels mais pas aux risques qu’un projet est susceptible de causer à une espèce animale montagnarde 

Catégorie

Environnement, Urbanisme et aménagement

Date

January 2024

Temps de lecture

4 minutes

CE 17 janvier 2024 Bien vivre en pays d’Urfé, req. n° 462638 : mentionné aux tables du recueil Lebon

Le Conseil d’Etat vient apporter un éclairage sur, d’une part, l’identité des formations de jugement ayant statué dans la première et la seconde décision intervenues au titre de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme et d’autre part, sur la portée des dispositions de l’article L. 122-9 du code de l’urbanisme relatives à la préservation du patrimoine naturel montagnard.

En l’espèce, le préfet de la Loire avait délivré deux permis de construire à une société, le premier en vue de l’implantation de quatre éoliennes, un poste de livraison et un mât de mesure sur une commune et le second en vue de l’implantation de cinq éoliennes et d’un poste de livraison situé sur une autre commune.

Une association, Bien vivre en pays d’Urfé, ainsi qu’une pluralité de personnes physiques ont contesté ces permis. Après avoir exercé un recours gracieux auprès du préfet de la Loire contre ces permis de construire qui a été rejeté, ces derniers ont saisi le tribunal administratif de Lyon d’une requête tendant à l’annulation des deux arrêtés accordant les permis de construire ainsi que de la décision par laquelle le préfet de la Loire a rejeté leur recours gracieux.

Leur requête a été rejetée et les requérants ont interjeté appel près la cour administrative d’appel de Lyon.

Le juge d’appel a alors usé des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme et a sursis à statuer sur les conclusions à fin d’annulation jusqu’à l’expiration d’un délai de trois mois accordé pour que les vices susceptibles d’entraîner l’illégalité des actes soient régularisés.

Le préfet a alors délivré des permis de construire modificatifs et la cour administrative d’appel a considéré que les permis modificatifs avaient régularisé le vice entachant les permis initiaux et a rejeté la requête.

L’association requérante, Bien vivre en pays d’Urfé, s’est pourvue en cassation.

Les juges du Palais Royal étaient saisis de deux questions de droit.

En premier lieu, saisis de la question visant à déterminer si la formation de jugement statuant définitivement sur un litige pouvait être identique à la formation de jugement ayant décidé, dans le cadre de ce même litige, à surseoir à statuer par une décision avant dire droit dans l’attente d’une mesure de régularisation en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, les juges du Palais Royal ont répondu par la positive.

En effet, il a été jugé « qu’il ne résulte d’aucun texte ni d’aucun principe général du droit que la composition d’une formation de jugement statuant définitivement sur un litige doive être distincte de celle ayant décidé, dans le cadre de ce même litige, de surseoir à statuer par une décision avant-dire droit dans l’attente d’une mesure de régularisation ».

En second lieu, le Conseil d’Etat était saisi de la question de la portée des dispositions de l’article L. 122-9 du code de l’urbanisme lorsqu’est invoquée l’atteinte à une espèce avifaune montagnarde.

Aux termes des dispositions précitées : « les documents et décisions relatifs à l’occupation des sols comportent les dispositions propres à préserver les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard ».

En l’espèce, la cour administrative d’appel avait écarté le moyen tiré de ce que les projets litigieux porteraient atteinte à la chouette chevêchette d’Europe en méconnaissance des dispositions de l’article L. 122-9 du code de l’urbanisme en considérant que ces dispositions ne protégeaient pas des risques pesant sur les avifaunes.

L’association requérante, à l’appui de son recours, soutenait que la cour avait commis une erreur de droit en considérant que les dispositions de l’article L. 122-9 du code de l’urbanisme n’avait pour objet de protéger l’avifaune.

Le Conseil d’Etat, qui a décidé de juger l’affaire au fond, n’a pas été sensible à cette argumentation et a rejeté le moyen considérant que si les dispositions de l’article L. 122-9 du code de l’urbanisme permettaient de contester utilement l’atteinte que causerait un projet aux milieux montagnards et, par suite, aux habitats naturels qui s’y trouvent situés,  mais que ces dispositions n’avaient « en revanche pas pour objet de prévenir les risques que le projet faisant l’objet de la décision relative à l’occupation des sols serait susceptible de causer à une espèce animale caractéristique de la montagne ».

Et, le fichage de la décision est le suivant : « Sans préjudice des autres règles relatives à la protection des espaces montagnards, l’article L. 122-9 du code de l’urbanisme prévoit que dans les espaces, milieux et paysages caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard, les documents et décisions relatifs à l’occupation des sols doivent être compatibles avec les exigences de préservation de ces espaces. Pour satisfaire à cette exigence de compatibilité, les documents et décisions mentionnés ci-dessus doivent comporter des dispositions de nature à concilier l’occupation du sol projetée et les aménagements s’y rapportant avec l’exigence de préservation de l’environnement montagnard prévue par la loi. Si ces dispositions permettent, à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir contre les documents et décisions relatifs à l’occupation des sols en zone de montagne, de contester utilement l’atteinte que causerait l’un des projets énumérés à l’article L. 122-2 du code de l’urbanisme aux milieux montagnards et, par suite, aux habitats naturels qui s’y trouvent situés, il résulte de leurs termes mêmes qu’elles n’ont en revanche pas pour objet de prévenir les risques que le projet faisant l’objet de la décision relative à l’occupation des sols serait susceptible de causer à une espèce animale caractéristique de la montagne ».

Ainsi, le Conseil d’Etat refuse que la protection du milieu montagnard née des dispositions de l’article L. 122-9 du code de l’urbanisme soit étendue aux espèces animales montagnardes.

Rejetant également les autres moyens soulevés, qui ne portaient aucune question de droit nouvelle, le Conseil d’Etat a rejeté la requête.

 

 

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