L’autorité compétente pour approuver une régularisation est celle compétente à la date de cette approbation

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

September 2020

Temps de lecture

4 minutes

CE 29 juillet 2020 SCI l’Harmas, req. n° 428158 : mentionné dans les tables du recueil Lebon

L’affaire commentée a été l’occasion pour le Conseil d’Etat de préciser sa jurisprudence sur les modalités de régularisation d’un document d’urbanisme.

En l’espèce, la SCI l’Harmas avait demandé aux juges administratifs d’annuler une délibération adoptée le 23 juillet 2015 par le conseil municipal de la commune d’Aix-en-Provence qui approuvait le plan local d’urbanisme de la commune classant une parcelle lui appartenant en zone naturelle.

Après un rejet au fond de sa requête par la Cour administrative d’appel de Marseille, la SCI l’Harmas a saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation.

L’un des moyens de la SCI L’Harmas était relatif au fait que l’avis de la commission d’enquête désignée dans le cadre de l’enquête publique réalisée avant l’adoption du plan local d’urbanisme attaqué n’était pas suffisamment motivé.

Or, ce vice avait déjà été examiné par le juge administratif dans le cadre d’une autre instance devant le Tribunal administratif de Marseille. Dans cette instance, le Tribunal administratif avait, le 4 mai 2017, retenu que ce moyen était fondé et avait sursis à statuer sur la requête sur le fondement de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme.

Pour mémoire, les dispositions de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme prévoient que si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un document d’urbanisme (schéma de cohérence territoriale, plan local d’urbanisme ou carte communale), estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’une illégalité entachant l’élaboration ou la révision de ce document est susceptible d’être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d’urbanisme reste applicable, sous certaines réserves.

Le sursis à statuer prononcé par le Tribunal administratif avait ainsi permis à la commission d’enquête de compléter son avis le 17 juillet 2017 et le conseil municipal d’Aix-en-Provence avait approuvé la régularisation du vice le 29 septembre suivant.

Dans l’affaire commentée, la commune avait produit en défense devant la Cour administrative d’appel la délibération du conseil municipal d’Aix-en-Provence régularisant le vice entachant le PLU et tenant au défaut de motivation de l’avis de la commission d’enquête.

Cependant, selon la SCI l’Harmas, la Cour administrative d’appel, en se fondant sur le jugement du Tribunal administratif et la délibération du conseil municipal d’Aix-en-Provence, avait commis une erreur de droit en estimant que l’irrégularité entachant le plan local d’urbanisme avait été régularisée alors que la commune d’Aix-en-Provence n’était plus compétente, selon elle, en matière de plan local d’urbanisme en raison de la création de la métropole d’Aix-Marseille-Provence le 1er janvier 2016 1)Par l’effet de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles..

Afin de statuer sur ce moyen, le Conseil d’Etat a tout d’abord rappelé sa jurisprudence Commune de Sempy selon laquelle les vices de forme ou de procédure de nature à entacher d’illégalité un document d’urbanisme, c’est-à-dire ceux qui ont été susceptibles d’exercer une influence sur son sens ou qui ont privé les intéressés d’une garantie, peuvent faire l’objet d’une régularisation devant le juge sur le fondement de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme. Il appartient alors à l’autorité compétente de régulariser le vice de forme ou de procédure affectant le document attaqué en faisant application des dispositions en vigueur à la date à laquelle cette décision a été prise 2)Cf. la décision commentée au sein de notre blog : CE Section 22 décembre 2017 Commune de Sempy, req. n° 395963 : Publié au Rec. CE. .

Le Conseil d’Etat a ensuite précisé sa jurisprudence en indiquant, dans la décision commentée, que, ainsi que le soutenait la SCI L’Harmas, « la compétence de l’autorité appelée à approuver la régularisation doit être appréciée au regard des dispositions en vigueur à la date de cette approbation ».

Cette solution pragmatique est en parfaite cohérence avec la logique du Conseil d’Etat qui avait déjà jugé que « l’autorité administrative compétente pour modifier, abroger ou retirer un acte administratif est celle qui, à la date de la modification, de l’abrogation ou du retrait, est compétente pour prendre cet acte » 3)CE Section 30 septembre 2005 M. X, req. n° 280605 : Publié au Rec. CE.. La modification ou régularisation d’un acte administratif doit ainsi demeurer possible même lorsque la compétence pour édicter l’acte a été transférée d’une entité à une autre. En effet, selon les conclusions de M. Guillaume Odinet sur l’affaire commentée, « la compétence, donc, n’est pas figée à la date d’édiction de l’acte – même lorsqu’il s’agit de le modifier rétroactivement ; elle évolue et s’apprécie à la date de chaque modification de cet acte. La régularisation de l’acte doit, en tout logique, obéir aux mêmes règles, car, au même titre qu’une modification, une abrogation ou un retrait, elle consiste en l’édiction, postérieure à  l’acte, d’un nouvel acte qui vient l’affecter (en l’espèce, pour le réaffirmer sur la base d’une procédure corrigée) » 4)Conclusions du rapporteur public M. Guillaume Odinet sur CE 29 juillet 2020 SCI l’Harmas, req. n° 428158 : Mentionné aux Tables du Rec. CE..

Ainsi, au cas d’espèce, le Conseil d’Etat a relevé qu’il résulte des articles L. 5217-2 et L. 5218-2 du code général des collectivités territoriales qu’à la date du 29 septembre 2017, la commune d’Aix-en-Provence continuait d’exercer la compétence en matière de plan local d’urbanisme, le transfert à la métropole d’Aix-Marseille-Provence de cette compétence n’étant intervenu que le 1er janvier 2018. Selon la Haute juridiction administrative, « c’est donc sans erreur de droit que la cour administrative d’appel de Marseille a jugé qu’il appartenait au conseil municipal de cette commune d’approuver la régularisation du vice tendant à l’absence de motivation des conclusions de la commission d’enquête ».

Dès lors, la commune d’Aix-en-Provence était bien compétente pour approuver la régularisation au regard des dispositions en vigueur à la date de cette approbation, de sorte que le Conseil d’Etat a écarté le moyen soulevé par la SCI L’Harmas.

Les autres moyens soulevés à l’encontre de l’arrêt de la Cour n’étant pas plus fondés, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi de la SCI L’Harmas.

 

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References   [ + ]

1. Par l’effet de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.
2. Cf. la décision commentée au sein de notre blog : CE Section 22 décembre 2017 Commune de Sempy, req. n° 395963 : Publié au Rec. CE.
3. CE Section 30 septembre 2005 M. X, req. n° 280605 : Publié au Rec. CE.
4. Conclusions du rapporteur public M. Guillaume Odinet sur CE 29 juillet 2020 SCI l’Harmas, req. n° 428158 : Mentionné aux Tables du Rec. CE.

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