Le Conseil d’Etat apporte des précisions sur l’office du juge de plein contentieux des ICPE

Catégorie

Environnement

Date

March 2023

Temps de lecture

3 minutes

CE 1er mars 2023 Sté Ferme éolienne de Saint-Maurice, req. n°458933

La préfète des Deux-Sèvres a délivré à une société à la société Ferme éolienne de Saint-Maurice une autorisation environnementale afin de construire et exploiter une installation comprenant six éoliennes.

Saisie en premier ressort de la légalité de cette autorisation 1)CE 9 octobre 2019 Sté FE Sainte-Anne, req. n°432722 : « Les dispositions de l’article R. 311-5 du code de justice administrative ont pour objectif de réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation de projets d’éoliennes terrestres en confiant aux cours administratives d’appel le jugement en premier et dernier ressort de l’ensemble du contentieux des décisions qu’exige l’installation de ces éoliennes. Ces dispositions impliquent que les cours administratives d’appel connaissent également de celles des mesures de police, prises sur le fondement des articles L. 171-7 et L. 181-16 du code de l’environnement, qui sont la conséquence directe d’une des autorisations mentionnées à l’article R. 311-5, de la modification d’une de ces autorisations ou du refus de prendre l’une de ces décisions »., la cour administrative d’appel de Bordeaux a fait application de l’article L. 181-18 du code de l’environnement 3)L. 181-18 c. env et a tout d’abord annulée partiellement l’arrêté en tant qu’il ne comportait pas la dérogation « espèces protégées » 2)L. 411-2 c. env ; a suspendu l’exécution de cet arrêté jusqu’à la délivrance de la dérogation et a sursis à statuer sur le surplus des conclusions de la requête.

Insatisfaite de cette décision, la société Ferme éolienne de Saint-Maurice s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat. La société requérante reproche à l’arrêt attaqué d’avoir prononcé l’annulation partielle de l’autorisation environnementale qui lui avait été délivrée, alors qu’elle avait demandé qu’il soit fait usage de la possibilité de régularisation prévue par le 2° du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement.

Dans son arrêt du 1er mars 2023, le Conseil d’Etat rappelle sa jurisprudence suivant laquelle une juridiction saisie de conclusions aux fins de régularisation est tenue d’y faire droit si les vices apparaissent régularisables 4)CE 11 mars 2020 Sté Eqiom, req. n°423164. Saisie de conclusions aux fins de régularisation par la société bénéficiaire, le Conseil d’Etat précise que « le juge est tenu de mettre en œuvre les pouvoirs qu’il tient du 2° du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement si les vices qu’il retient apparaissent, au vu de l’instruction, régularisables. Dans cette hypothèse, il ne peut substituer l’annulation partielle prévue au 1° du I du même article à la mesure demandée. »

La cour administrative d’appel a donc commis une erreur de droit en relevant le caractère régularisable du vice tout en annulant partiellement l’autorisation.

Par ailleurs, la cour administrative d’appel a sursis à statuer sur l’insuffisance de l’étude d’impact, laissant à la société bénéficiaire la possibilité de la compléter.

Sur ce point, le Conseil d’Etat rappelle que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative 5)CE 14 octobre 2011 Sté OCREAL, req. n°323257.

Dans un premier temps, la cour devait donc vérifier si l’insuffisance de l’étude d’impact portant sur une mauvaise analyse du nombre et des espèces de chiroptères présentes sur le site à défaut d’écoutes en altitude était de nature à nuire à l’information du public et à avoir une incidence sur le sens de la décision prise.

Si tel n’était pas le cas, la cour aurait dû faire application de la jurisprudence Ocréal 6)Ibid qui a pour effet de neutraliser l’existence du vice, dès lors que celui-ci est sans conséquence pour le public et pour l’autorité décisionnaire.

Partant, la cour en ne faisant pas cette recherche préalable et en invitant la société à régulariser son étude d’impact a commis une erreur de droit.

 

 

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1. CE 9 octobre 2019 Sté FE Sainte-Anne, req. n°432722 : « Les dispositions de l’article R. 311-5 du code de justice administrative ont pour objectif de réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation de projets d’éoliennes terrestres en confiant aux cours administratives d’appel le jugement en premier et dernier ressort de l’ensemble du contentieux des décisions qu’exige l’installation de ces éoliennes. Ces dispositions impliquent que les cours administratives d’appel connaissent également de celles des mesures de police, prises sur le fondement des articles L. 171-7 et L. 181-16 du code de l’environnement, qui sont la conséquence directe d’une des autorisations mentionnées à l’article R. 311-5, de la modification d’une de ces autorisations ou du refus de prendre l’une de ces décisions ».
2. L. 411-2 c. env
3. L. 181-18 c. env
4. CE 11 mars 2020 Sté Eqiom, req. n°423164
5. CE 14 octobre 2011 Sté OCREAL, req. n°323257
6. Ibid

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