Le Conseil d’Etat confirme la régularité du dispositif de suspension des demandes d’autorisation d’exploitation commerciale à proximité des ORT et complète sa censure de l’obligation de joindre au certificat de conformité une DAACT

Catégorie

Aménagement commercial

Date

September 2021

Temps de lecture

4 minutes

CE 2 août 2021 Conseil national des centres commerciaux, req. n° 436437, 436962

CE 2 août 2021 Conseil national des centres commerciaux, req. n° 434918

Par deux décisions du 2 août 2021 (Inédites au recueil Lebon), le Conseil d’Etat se prononce sur les recours pour excès de pouvoir engagés par le Conseil national des centres commerciaux (CNCC) à l’encontre :

Ces décisions rejettent pour l’essentiel les demandes d’annulation formulées par le requérant.

1        La validation du mécanisme permettant la suspension temporaire des demandes d’AEC des projets situés à proximité des ORT

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ELAN, a introduit dans le code de commerce un nouvel article L. 752-1-2 permettant au représentant de l’Etat dans le département de suspendre par arrêté l’enregistrement et l’examen en commission départementale d’aménagement commercial des demandes d’autorisation d’exploitation commerciale :

  • dont l’implantation est prévue sur le territoire d’une ou plusieurs communes signataires d’une convention d’opérations de revitalisation de territoire, mais hors des secteurs d’intervention de l’opération, après avis ou à la demande de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et des communes signataires de cette convention. Dans ces cas, la décision du représentant de l’Etat dans le département est prise compte tenu des caractéristiques des projets et de l’analyse des données existantes sur la zone de chalandise, au regard notamment du niveau et de l’évolution des taux de logements vacants, de vacance commerciale et de chômage dans les centres-villes et les territoires concernés ( L. 752-1-2, al. 1, c. com.) ;
  • situées dans des communes qui n’ont pas signé la convention mais sont membres de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre signataire de la convention ou d’un établissement public de coopération intercommunale limitrophe de celui-ci, lorsque ces projets, compte tenu de leurs caractéristiques et de l’analyse des données existantes sur leurs zones de chalandise, sont de nature à compromettre gravement les objectifs de l’opération, au regard notamment du niveau et de l’évolution des taux de logements vacants, de vacance commerciale et de chômage dans les centres-villes et les territoires concernés par ladite opération ( L. 752-1-2, al. 2, c. com.).

Les projets concernés par ces suspensions potentielles sont ceux définis aux 1° à 5° et au 7° de l’article L. 752-1 du code de commerce.

Cette suspension est prévue pour une durée maximale de trois années, sauf prorogation d’une année supplémentaire décidée par le préfet après avis de l’EPCI et des communes signataires de la convention.

a.       Après avoir refusé dans une décision du 16 mars 2020 de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité formulée par le même requérant, le Conseil d’Etat écarte également dans la décision du 2 août 2021 la contrariété du texte déféré à l’article 49 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et à l’article 14 de la directive 2006/123/CE dite « Services », invoquée par voie d’exception.

S’agissant du premier texte de référence, le Conseil d’Etat renvoie explicitement à l’interprétation que retient CJUE (notamment dans son arrêt du 14 mars 2011, Commission européenne c/ Royaume d’Espagne, affaire C-400/08) pour juger qu’une restriction à la liberté d’établissement peut être admise si elle est justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général et que les mesures restrictives s’appliquent de manière non discriminatoire, sont propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.

Le second, quant à lui, proscrit aux Etats membres de subordonner l’accès à une activité de services ou son exercice à l’application d’un test économique consistant à exiger l’existence d’un besoin économique ou d’une demande du marché, à évaluer les effets économiques potentiels ou actuels de l’activité ou à évaluer l’adéquation de l’activité avec les objectifs de programmation économique fixés par l’autorité compétente.

Dans un considérant particulièrement laconique, le Conseil d’Etat valide le dispositif en jugeant que :

« Ces dispositions, qui n’ont ni pour objet ni pour effet d’instituer des critères constitutifs d’un test économique, mais ont pour seul objet de lutter contre le déclin des centres-villes et s’inscrivent dans un objectif d’aménagement du territoire, sont justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général » (considérant n° 3).

b.      Statuant ensuite sur la régularité du décret n° 2019-795 attaqué par voie d’action directe, le Conseil d’Etat était saisi du moyen invoquant une méconnaissance de l’article L. 752-1-2 du code de commerce en ce que le texte règlementaire se bornait à prévoir que le préfet pouvait, sans y être tenu selon le requérant, solliciter l’avis de l’autorité exécutive de ces collectivités en vue de la suspension de la procédure d’autorisation, alors que la loi vise cette consultation comme une préalable obligatoire.

Malgré l’utilisation par le décret de l’expression selon laquelle le préfet « peut solliciter » l’avis des collectivités, le Conseil d’Etat vide de son venin lesdites dispositions et confirme que le texte n’a pas pour effet de déroger à l’article L. 752-1-1 du code de commerce, et le Préfet demeure tenu de solliciter leurs avis s’il décide d’engager la procédure de suspension.

2        Annulation de l’obligation de joindre la DAACT au certificat de conformité

Dans deux décisions du même jour, le Conseil d’Etat était également saisi des arrêtés du ministre de l’économie et des finances du 1er octobre 2019 fixant le contenu du formulaire intitulé « certificat de conformité »  en application de l’article R. 752-44-8 du code de commerce, et fixant le contenu du tableau récapitulatif des caractéristiques du projet d’équipement commercial autorisé  en application des articles R. 752-16, R. 752-38 et R. 752-44 du code de commerce.

Ces deux arrêtés étaient contestés par voie de conséquence, à la suite de l’annulation par le Conseil d’Etat le 29 décembre 2020 (CE 29 décembre 2020,  Conseil national des centres commerciaux, req. n° 433292) de l’obligation de joindre au certificat de conformité exigé par l’article L. 752-23 du code de commerce la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux (DAACT) prévue à l’article L. 462-1 du code de l’urbanisme lorsque le projet soumis à autorisation d’exploitation commerciale nécessite un permis de construire.

Dès lors que l’arrêté fixant le contenu du formulaire intitulé « certificat de conformité » visait la DAACT comme pièce à joindre, celui-ci a été logiquement annulé, mais uniquement en tant qu’il comportait cette précision.

En revanche, le Conseil d’Etat écarte le vice d’irrégularité par voie de conséquence soulevé contre l’arrêté fixant le contenu du tableau récapitulatif des caractéristiques du projet d’équipement commercial autorisé, celui-ci n’ayant pas de lien avec l’annulation prononcée le 29 décembre 2020.

 

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