Le Conseil d’Etat définit l’étendue de son contrôle sur une sentence arbitrale interne

Catégorie

Contrats publics

Date

September 2024

Temps de lecture

3 minutes

CE 30 juillet 2024 Collectivité territoriale de Martinique, req. n° 485583 : Rec. CE

Par un arrêt rendu le 30 juillet 2024, le Conseil d’Etat rappelle sa compétence pour connaitre du recours contre une sentence arbitrale rendue en France dans un litige portant sur l’exécution ou la rupture d’un contrat administratif et précise son office lorsqu’il est saisi d’un tel recours.

En l’espèce, la région de Martinique, aux droits de laquelle est venue la collectivité territoriale de Martinique, a conclu un marché de travaux avec un groupement d’entreprises ayant pour mandataire la société Colas Martinique. Les parties ont conclu une convention d’arbitrage pour mettre fin au litige les opposant sur le règlement financier du marché.

Le tribunal arbitral de Paris a condamné la collectivité territoriale de Martinique à verser au groupement la somme de 1 640 213 euros.

Saisi d’un recours de la personne publique contre cette sentence arbitrale, le Conseil d’Etat confirme la compétence de la juridiction administrative et, au sein de cette dernière, sa propre compétence 1)En application de l’article L. 321-2 du code de justice administrative, pour connaître des recours dirigés contre une sentence arbitrale rendue en France dans un litige né de l’exécution ou de la rupture d’un contrat administratif 2)Voir également : CE 19 avril 2013 Syndicat mixte des aéroports de Charente, req. n° 352750 : Rec. CE.

Transposant alors les règles définies dans son arrêt d’Assemblée société Fosmax 3)CE Ass. 9 novembre 2016 Société Fosmax LNG, req. n° 388806 : Rec. CE, il limite son contrôle à celui de la licéité de la convention d’arbitrage et aux « moyens tirés, d’une part, de ce que la sentence a été rendue dans des conditions irrégulières et, d’autre part, de ce qu’elle est contraire à l’ordre public ».

Le Conseil d’Etat précise ensuite ces moyens :

  • Une sentence sera considérée comme irrégulière si le tribunal arbitral s’est déclaré, à tort, compétent ou incompétent, s’il n’a pas été régulièrement composé au regard des principes d’indépendance et d’impartialité, s’il n’a pas statué conformément à la mission confiée par la convention, si la procédure n’a pas été contradictoire ou si la sentence n’a pas été motivée
  • Elle sera regardée comme étant contraire à l’ordre public lorsqu’il est fait application d’un contrat dont l’objet est illicite ou entaché d’un vice d’une particulière gravité (tel un vice du consentement), lorsqu’elle méconnaît des règles auxquelles les personnes publiques ne peuvent déroger (telles que, notamment, l’interdiction de consentir des libéralités) ou lorsqu’elle viole les règles d’ordre public du droit de l’Union européenne.

En cas d’illégalité du recours à l’arbitrage, les juges du Palais Royal prononcent l’annulation de la sentence et décident soit de renvoyer les parties devant le tribunal administratif, soit d’évoquer l’affaire.

Dans le cas inverse, si le litige est arbitrable, ils peuvent rejeter le recours ou annuler partiellement ou totalement la sentence.

Dans le cas où la convention d’arbitrage prévoit une disposition en ce sens ou si les parties sont d’accord, le Conseil d’Etat règle lui-même le litige. En l’absence de stipulation ou d’accord, les parties décident de la saisine d’un tribunal arbitral ou du tribunal administratif compétent.

Le contrôle décrit ci-dessus doit être exercé de même par le juge administratif lorsqu’il est saisi d’une demande tendant à l’exequatur d’une sentence arbitrale rendue dans un litige né de l’exécution d’un contrat administratif.

En l’espèce, la collectivité de Martinique invoquait notamment la méconnaissance du principe d’impartialité au motif que l’un des arbitres a pris position sur les prétentions des parties dans son rapport, lequel avait été soumis au contradictoire des parties qui avaient pu présenter leurs observations avant que le tribunal ne rende sa sentence.

Ce moyen est écarté et la requête est rejetée.

 

 

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References   [ + ]

1. En application de l’article L. 321-2 du code de justice administrative
2. Voir également : CE 19 avril 2013 Syndicat mixte des aéroports de Charente, req. n° 352750 : Rec. CE
3. CE Ass. 9 novembre 2016 Société Fosmax LNG, req. n° 388806 : Rec. CE

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