Le Conseil d’Etat juge que l’action climatique du gouvernement demeure insuffisante

Catégorie

Environnement

Date

May 2023

Temps de lecture

3 minutes

CE 10 mai 2023 Commune de Grande-Synthe et autres, req. n°467982

Par une décision en date du 10 mai 2023, le Conseil d’Etat a enjoint au gouvernement de prendre toutes mesures utiles pour assurer la diminution des émissions de gaz à effet de serre : Le gouvernement devra prendre de nouvelles mesures d’ici le 30 juin 2024 et fournir, dès le 21 décembre 2023, un bilan d’étape.

Pour rappel, le Conseil d’État avait demandé au Gouvernement, le 19 novembre 2020 1)CE 19 novembre 2020 Commune de Grande-Synthe, req. n°427301 – précédemment commenté sur le Blog Adden, de justifier, dans un délai de trois mois, que la trajectoire de réduction des gaz à effets de serre pour 2030 (- 40 % par rapport à 1990) pourrait être respectée sans mesures supplémentaires. Par une décision du 1er juillet 2021 2)CE 1er juillet 2021 Commune de Grande-Synthe et autre, req. n°427301 –  précédemment commenté sur le Blog Adden, le Conseil d’Etat avait annulé le refus implicite opposé à la commune de Grande-Synthe par le Président de la République et le gouvernement de prendre toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre afin d’assurer sa compatibilité avec les objectifs de réduction des émissions de GES 3)ces objectifs sont exprimés à l’article L. 100-4 du code de l’énergie et à l’annexe I du règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018.

Estimant le gouvernement passif, la commune de Grande-Synthe et d’autres requérants ont saisi le Conseil d’Etat en exécution de la décision du 1er juillet 2022 sur le fondement des articles L. 911-5 4)L. 911-5 CJA et R. 931-2 5)R. 931-2 CJA du code de justice administrative et ont formulé des demandes tendant au prononcé de mesures d’astreinte.

Cette décision est l’occasion de préciser l’office du juge de l’exécution dans le cadre du contentieux climatique.

Pour rappel, il appartient au juge de l’exécution de déterminer si la décision contentieuse a été correctement exécutée et si, tel n’est pas le cas, d’ordonner toutes mesures d’injonction ou d’astreinte de nature à assurer l’exécution effective de sa décision.

Le gouvernement devait démontrer que les mesures prises ou en cours d’adoption permettraient une mise en compatibilité de la courbe des émissions de GES avec les objectifs fixés.

Pour déterminer si tel est le cas, le juge

  • examine si les objectifs intermédiaires ont été atteints à la date à laquelle il statue et dans quelles conditions, en tenant compte, le cas échéant, des évènements exogènes qui ont pu affecter de manière sensible le niveau des émissions constatées
  • prend en compte les mesures adoptées ou annoncées par le Gouvernement et présentées comme de nature à réduire les émissions de gaz à effet de serre mais également, le cas échéant, les mesures susceptibles d’engendrer au contraire une augmentation notable de ces émissions
  • prend en considération les effets constatés ou prévisibles de ces différentes mesures et, plus largement, l’efficacité des politiques publiques mises en place, au regard des différentes méthodes d’évaluation ou d’estimation disponibles, y compris les avis émis par les experts
  • détermine, sans se limiter aux objectifs intermédiaires, si les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés à l’échéance de 2030 peuvent, à la date de sa décision, être regardés comme raisonnablement atteignables.

Dans l’hypothèse où le juge estime les objectifs inatteignables en l’état, il peut compléter les mesures déjà prescrites ou prononcer une astreinte, en tenant compte notamment des diligences déjà accomplies ou susceptibles de l’être par l’administration.

En l’espèce, le Conseil d’Etat relève que, sur la période 2019-2022, le rythme de diminution annuel moyen des émissions de GES est de l’ordre de -1,9%. Cependant, des circonstances exceptionnelles ayant entraîné une réduction des émissions de GES (crise Covid et guerre en Ukraine) ne permettent pas d’apprécier si les objectifs auraient été atteints sur la base des seules mesures structurelles adoptées antérieurement par le gouvernement, ni même d’apprécier les effets concrets de ces mesures.

Concernant les mesures adoptées par le gouvernement, le Conseil d’Etat souligne que leurs méthodes d’évaluation ne permettent pas de considérer comme suffisamment fiables les résultats avancés.

Est donc enjoint au gouvernement de prendre toutes mesures supplémentaires utiles pour assurer la cohérence du rythme de diminution des émissions de GES avec la trajectoire de réduction de ces émissions avant le 30 juin 2024 et de produire, à échéance du 31 décembre 2023, puis au plus tard le 30 juin 2024, tous les éléments justifiant de l’adoption de ces mesures et permettant l’évaluation de leurs incidences sur ces objectifs de réduction des émissions de GES.

On pourra enfin noter l’absence d’astreinte.

 

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References   [ + ]

1. CE 19 novembre 2020 Commune de Grande-Synthe, req. n°427301 – précédemment commenté sur le Blog Adden
2. CE 1er juillet 2021 Commune de Grande-Synthe et autre, req. n°427301 –  précédemment commenté sur le Blog Adden
3. ces objectifs sont exprimés à l’article L. 100-4 du code de l’énergie et à l’annexe I du règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018
4. L. 911-5 CJA
5. R. 931-2 CJA

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