Le Conseil d’Etat like la méthode d’évaluation des offres « pouce levé / pouce baissé »

Catégorie

Contrats publics

Date

May 2022

Temps de lecture

3 minutes

CE 3 mai 2022 commune de Saint-Cyr-sur-Mer, req. n° 460090

Dans une ordonnance rendue le 18 décembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon, saisi dans le cadre d’un référé précontractuel, a sanctionné une technique d’évaluation des offres pour l’attribution d’une concession, matérialisée par des flèches de couleurs différentes levées ou baissées  au motif que ces signes n’étaient pas convertis en note chiffrée, ce qui conduisait à une appréciation trop arbitraire. Le Conseil d’Etat ne suit pas le juge des référés et valide quant à lui, un tel processus d’évaluation.

Le Conseil d’Etat, reprenant le même raisonnement que celui qu’il avait tenu pour les marchés publics 1)Conseil d’État 27 novembre 2019 société Cars Annequin, req. n° 418461 : « Le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu’il a retenus et rendus publics. », retient d’abord que l’autorité concédante peut définir librement la méthode d’évaluation des offres au regard de chacun des critères d’attribution qu’elle a définis et rendus publics. En conséquence, libre à elle de décider des éléments d’appréciation qui seront pris en compte dans l’évaluation des offres, mais aussi de décider des modalités de combinaison de ces éléments.

Cette liberté comporte toutefois certaines limites. Une méthode d’évaluation est ainsi entachée d’irrégularité dans ces cas de figure possibles. Premièrement, une telle irrégularité sera reconnue si, en méconnaissance des principes fondamentaux d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, les éléments d’appréciation pris en compte pour évaluer les offres au titre des critères de sélection définis en amont par l’autorité concédante sont dépourvus de tout lien avec ces critères. Deuxièmement, l’irrégularité pourrait aussi être constatée lorsque les modalités d’évaluation des critères de sélection par combinaison de ces éléments sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur hiérarchisation ou leur pondération et dans tous les cas, ces éléments d’appréciation ne conduisent pas à ce que la meilleure offre ne soit pas la mieux classée.

Le Conseil d’Etat prend le soin de préciser que ces hypothèses d’irrégularité de la méthode d’évaluation restent valables même si l’autorité concédante rend publique, dans l’avis d’appel à concurrence ou dans les documents de consultation, une telle méthode d’évaluation.

Or, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a estimé pour sa part que la méthode d’évaluation laissait « une trop grande part d’arbitraire », et en devenait de ce fait irrégulière. Cette appréciation du juge est considérée par le Conseil d‘Etat comme ne relevant pas de son contrôle : il devait en effet uniquement rechercher si la méthode d’évaluation retenue n’était pas, par elle-même, de nature à priver de leur portée les critères u à neutraliser la hiérarchisation qu’avait retenue l’autorité concédante. En conséquence, le juge des référés a commis une erreur de droit.

En application de l’article L. 812-1 du code de justice administrative 2)Article L. 812-1 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat règle ensuite l’affaire au fond.

Il affirme alors que l’appréciation était composée d’une évaluation littérale, qui décrivait les qualités des offres pour chaque critère, suivie d’un système d’évaluation de quatre flèches de couleur (flèche verte et orientée vers le haut, flèche rouge et orientée vers le bas, flèches oranges orientées en haut à droite ou en bas à droite correspondant à des évaluations intermédiaires). Dans ces conditions, cette méthode d’évaluation a permis de comparer et de classer tant les évaluations portées sur une même offre au titre de chaque critère que les différentes offres entre elles. Par conséquent, elle n’est pas de nature à priver de leur portée les critères d’évaluation ou à neutraliser leur hiérarchisation et n’est, par suite, pas entachée d’irrégularité.

Cette décision conduira peut-être certains acheteurs à faire évoluer leur méthode d’évaluation, étant étendu qu’ils devront toujours s’assurer que la méthode d’évaluation vise à retenir l’offre présentant le meilleur avantage économique global.

 

 

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References   [ + ]

1. Conseil d’État 27 novembre 2019 société Cars Annequin, req. n° 418461 : « Le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu’il a retenus et rendus publics. »
2. Article L. 812-1 du code de justice administrative

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