Le Conseil d’Etat siffle la fin du match au Vélodrome entre l’OM et la ville de Marseille : puisque les faits ne sont pas extérieurs, il n’y a pas de force majeure

Catégorie

Contrats publics

Date

November 2021

Temps de lecture

4 minutes

CE 4 octobre 2021 société Olympique de Marseille, req. n° 440428, publié au rec. CE

Par sa décision société Olympique de Marseille, le Conseil d’Etat a mis fin à un long match judiciaire opposant la ville de Marseille et la société Olympique de Marseille.

Dans cette affaire, la ville de Marseille avait conclu, le 1er juillet 2009, une convention de mise à disposition du stade Vélodrome avec la société Olympique de Marseille, célèbre club de football de la ville phocéenne. Cette convention prévoyait la mise à disposition de l’enceinte sportive pour les matchs de football pour la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2011.

La ville de Marseille a également signé une autre convention de mise à disposition du même stade avec la société Live Nation France pour la période du 15 au 21 juillet 2009 pour l’organisation du concert de la chanteuse Madonna.

Lors du montage de la scène de concert, la structure métallique de celle-ci s’est effondrée occasionnant le décès de deux personnes. En raison de cet accident, l’enceinte sportive était indisponible pour le match de football du 16 août 2009 opposant l’Olympique de Marseille et le Lille Olympique Sporting Club. Le match a donc dû être délocalisé au stade de la Mosson à Montpelier.

La société Olympique de Marseille a saisi le tribunal administratif de Marseille en vue d’obtenir la condamnation de la ville de Marseille à l’indemniser à hauteur de 1 003 325 EUR en réparation du préjudice subi du fait de l’indisponibilité du stade Vélodrome le 16 août 2009. Le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande le 23 mai 2017. La société requérante a interjeté appel devant la cour administrative d’appel de Marseille qui a rejeté son appel dans un arrêt du 23 mai 2018 1)CAA de Marseille 23 mai 2018 société Olympique de Marseille, req. n° 17MA03262.. La société Olympique de Marseille a formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat qui a annulé cet arrêt et renvoyé l’affaire devant la cour administrative de Marseille 2)CE 24 avril 2019 société Olympique de Marseille, req. n° 421909.. En 2020, la cour administrative d’appel de Marseille a, une nouvelle fois, rejeté l’appel en affirmant que l’accident était « un cas de force majeure de nature à l’exonérer [la ville de Marseille] de toute responsabilité à l’égard de la société anonyme sportive Olympique de Marseille » 3)CAA de Marseille 6 mars 2020 société Olympique de Marseille, req. n° 19MA02108.. La société Olympique de Marseille a formé un second pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat afin d’obtenir l’annulation de cet arrêt et le règlement au fond de l’affaire.

1.

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat a affirmé que le second arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille devait être annulé pour avoir retenu la qualification de force majeure pour les faits d’espèce.

Le Conseil d’Etat a en effet considéré que l’accident ayant engendré l’indisponibilité du stade Vélodrome le 16 août 2009, bien qu’il résultait de fautes de la société Live Nation France et non de la ville de Marseille, n’était pas un évènement extérieur de nature à mettre hors de cause la responsabilité de la ville phocéenne. La haute juridiction a ensuite précisé que cet évènement « n’aurait pu survenir sans la décision initiale de la ville de Marseille de mettre le stade Vélodrome à disposition de cette société pour l’organisation d’un concert », ainsi la cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur dans la qualification des faits.

Le Conseil d’Etat a donc affirmé que la faute commise par un cocontractant d’une personne publique, ayant empêché celle-ci de respecter ses obligations contractuelles à l’égard d’un autre de ses cocontractants, n’est pas constitutif d’un cas de force majeure dans la mesure où la condition d’extériorité n’est pas satisfaite.

2.

Dans un deuxième temps, le Conseil d’Etat a réglé l’affaire au fond comme le prévoit l’article L. 821-2 du code de justice administrative en cas de second pourvoi en cassation.

Tout d’abord, le Conseil d’Etat a écarté les moyens d’irrecevabilité de la demande de première instance et d’appel de la société requérante au motif que le président du directoire de la société avait la capacité d’introduire le recours et de former un appel, que la requête d’appel respectait les obligations de formes et de fond de l’article R. 411-1 du code de justice administrative et que le refus tacite de la ville de Marseille de la demande d’indemnisation de la société requérante avait été de nature à lier le contentieux.

Ensuite, le Conseil d’Etat a relevé, à la lecture combinée des articles 2 et 4.1 de la convention de mise à disposition du stade Vélodrome signée le 1er juillet 2009, que la ville de Marseille avait pour obligation de mettre à disposition l’enceinte sportive pour les rencontres officielles du club de football. En l’espèce, le match du 16 août 2009 opposant l’Olympique de Marseille et le Lille Olympique Sporting Club étant une rencontre officielle du championnat de France de ligue 1, la ville de Marseille avait l’obligation contractuelle de mettre à disposition le stade, à défaut sa responsabilité contractuelle pouvait être engagée. Dès lors, le Conseil d’Etat a conclu que la responsabilité contractuelle de la ville phocéenne devait être retenue.

Le Conseil d’Etat a ensuite examiné les postes de préjudices avancés par l’Olympique de Marseille. Il va faire droit aux demandes d’indemnisation relatives à :

  • la perte de recettes résultant de la délocalisation du match
  • le manque à gagner au titre des prestations de restauration et de la vente de place « VIP »
  • les frais de déplacement et d’hébergement pour ses salariés et le déplacement de ses supporters
  • les frais publicitaires relatifs à la délocalisation du match et aux sponsors habituels de la société pendant le match
  • les frais de location du stade de la Mosson à Montpellier
  • les dépenses liées au recrutement de personnels intérimaires à Montpellier

En revanche, les juges n’ont pas retenu, faute de justifications, les pertes liées à l’exploitation de la boutique du club et la délivrance gratuite de places pour un autre match aux abonnés en compensation. Enfin, l’indemnisation totale retenue a été diminuée des dépenses dont la société a été dispensée pour la location du stade Vélodrome. Au total, le montant de l’indemnisation mise à la charge de la ville s’est élevée à 461 887 EUR.

Mais, le Conseil d’Etat a fait droit à l’appel en garantie qu’elle a sollicité à l’encontre de la société Live Nation France à hauteur de 100 %, compte tenu de la responsabilité de la société dans la survenance de l’évènement du 16 juillet 2009.

Ainsi (et enfin), le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille et a condamné la ville de Marseille à verser à la société Olympique de Marseille la somme de 461 887 EUR et la société Live Nation France de garantir intégralement la ville de cette somme.

Coup de sifflet, c’est la fin du match.

 

 

Partager cet article

References   [ + ]

3 articles susceptibles de vous intéresser