Le juge administratif n’est pas compétent pour connaitre d’un recours dirigé contre le refus de procéder à la rétrocession d’un bien préempté au motif de la méconnaissance par le titulaire du droit de préemption de ses obligations de paiement du prix ou de consignation de la somme

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

February 2013

Temps de lecture

3 minutes

CE 7 janvier 2013 Département du Gard, req. n° 358781

Parmi les garanties offertes aux propriétaires dont les biens sont acquis par voie de préemption, figure celle prévue par l’article L. 213-14 du code de l’urbanisme selon lequel le bien préempté doit être rétrocédé à son propriétaire initial si le paiement n’a pas été effectué dans un délai de six mois ou, en cas d’obstacle au paiement, si la somme n’a pas été consignée à l’échéance de ce même délai. En vertu de l’article L. 142-7 du code de l’urbanisme, ce droit de rétrocession s’applique pleinement aux biens préemptés par le département dans les espaces naturels sensibles.

Par un arrêt du 7 janvier 2013, le Conseil d’Etat se prononce sur la question du juge compétent en cas de recours contre un refus de procéder à une telle rétrocession.

En l’espèce, le département du Gard a, par une décision du 12 juillet 2011, préempté plusieurs parcelles appartenant à M. B situées dans un espace naturel sensible.

Au terme des six mois suivants cette décision, M. B a sollicité du département la rétrocession des parcelles préemptées en invoquant la méconnaissance des règles de consignation du prix par le département.

Or, par une décision verbale exprimée le 31 janvier 2012, le président du conseil général du Gard a refusé de signer l’acte de rétrocession des biens.

M. B a alors formé un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Nîmes tendant à l’annulation de cette décision de rejet et, simultanément, a  demandé au juge des référés de suspendre l’exécution de cette décision et d’enjoindre au département du Gard de lui rétrocéder les parcelles préemptées.

Par une ordonnance du 4 avril 2012, le juge des référés a rejeté la requête de M. B en considérant que sa demande était manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative.

Le requérant saisit finalement le Conseil d’Etat d’un pourvoi. Pour la Haute Assemblée, le juge des référés n’a commis aucune erreur de droit en écartant la compétence de la juridiction administrative.

En effet, le Conseil d’Etat précise d’emblée que le refus du département de procéder à la rétrocession des biens préemptés, sollicitée par le titulaire initial pour absence de consignation du prix, ne constitue pas une mesure de disposition d’un bien du domaine privé susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.

Il est vrai que, dans la mesure où les parcelles préemptées ont intégré le domaine privé du département au moment où ce dernier a décidé de préempter les biens au prix proposé, il paraissait envisageable que le refus de rétrocéder ces parcelles soit assimilé à un refus d’une personne publique de vendre un bien relevant de son domaine privé, le caractère attaquable d’une telle décision par la voie de l’excès de pouvoir ne faisant aucun doute[1].

Ce raisonnement n’est pas celui suivi par le Conseil d’Etat. La Haute Juridiction considère plutôt que les conclusions dirigées contre le refus de rétrocéder les parcelles préemptées doivent être regardées comme conduisant « exclusivement à se prononcer sur le respect, par le département, des obligations de paiement ou de consignation nées de la vente résultant de sa décision de préempter le bien au prix proposé, et tendaient à ce que M. B, lié au département par ce contrat de vente de droit privé, bénéficie en conséquence du droit de rétrocession ».

Dès lors, le juge judiciaire est seul compétent pour connaître d’un recours dirigé contre le refus de rétrocéder un bien du fait de la méconnaissance des obligations de paiement ou de consignation du prix, le droit de rétrocession n’étant qu’une conséquence mécanique du non-respect de ces obligations contractuelles de nature privée sur lequel le juge doit se prononcer.

Cette compétence judiciaire n’est d’ailleurs pas nouvelle puisque la Cour de Cassation a déjà eu l’occasion d’ordonner la rétrocession de parcelles préemptées pour de tels motifs[2].


[1] Pour un exemple, voir CE 10 mars 1995 commune de Digne, req. n° 108753, publié au rec. CE.

[2] V. Cass. 3e. civ., 8 décembre 1999, req. n° 98-13297, publié au bulletin.

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