Le recours du pétitionnaire contre les prescriptions attachées à son permis de construire : le Conseil d’Etat précise les conditions de recevabilité et de notification

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

April 2015

Temps de lecture

4 minutes

CE 13 mars 2015 Mme B., req. n°358677

La décision rendue par le Conseil d’Etat le 13 mars 2015 apporte d’utiles précisions quant à l’analyse faite par le juge d’une demande d’annulation, par le titulaire d’une autorisation d’urbanisme, d’une prescription dont est assortie cette dernière.

Dans cette affaire, par un arrêté du 3 novembre 2009, le maire de Nice ne s’était pas opposé à une déclaration préalable de travaux de ravalement de façade. Le titulaire de l’autorisation, Mme B., avait toutefois demandé son annulation au Tribunal administratif de Nice, en tant qu’elle était assortie d’une prescription lui imposant de peindre la face externe des fenêtres de la même couleur que les volets. L’annulation de la décision du 11 février 2010 rejetant son recours gracieux tendant au retrait de cette prescription était également demandée.

A la suite du rejet de sa demande par ordonnance du 26 janvier 2012 pour irrecevabilité, Mme B. a saisi la Cour administrative d’appel de Versailles, laquelle a transmis le pourvoi au Conseil d’Etat, en application des dispositions de l’article R.351-2 du Code de justice administrative.

C’est dans ces conditions que le Conseil d’Etat a été amené, dans cette décision, à se prononcer sur la question de la recevabilité d’une demande d’annulation, par le titulaire d’une autorisation d’urbanisme, d’une ou plusieurs prescriptions dont celle-ci est assortie.

Dans cette décision, selon le Conseil d’Etat, le titulaire d’une autorisation d’urbanisme est recevable à demander l’annulation d’une ou plusieurs prescriptions dont celle-ci est assortie. A cette fin, le requérant peut utilement soulever à l’appui de ses conclusions tout moyen relatif au bien-fondé des prescriptions dont il sollicite l’annulation, ou au respect des exigences procédurales propres à leur édiction.

Toutefois, l’annulation des prescriptions n’est possible que s’il résulte de l’instruction qu’une telle annulation n’est pas susceptible de remettre en cause la légalité de l’autorisation d’urbanisme et qu’ainsi ces prescriptions ne forment pas avec elle un ensemble indivisible.

Le Conseil d’Etat juge ainsi que :

    « […] le titulaire d’une autorisation d’urbanisme est recevable à demander l’annulation d’une ou de plusieurs prescriptions dont celle-ci est assortie ; qu’il peut utilement soulever à l’appui de telles conclusions tout moyen relatif au bien-fondé des prescriptions qu’il critique ou au respect des exigences procédurales propres à leur édiction ; que, toutefois, le juge ne peut annuler ces prescriptions, lorsqu’elles sont illégales, que s’il résulte de l’instruction qu’une telle annulation n’est pas susceptible de remettre en cause la légalité de l’autorisation d’urbanisme et qu’ainsi ces prescriptions ne forment pas avec elle un ensemble indivisible ».

L’apport de cette décision réside dans la méthodologie d’analyse employée par le juge lorsqu’il statue sur des conclusions dirigées contre des prescriptions attachées à des autorisations d’urbanisme.

En effet, alors même que jusqu’alors 1) CE 12 octobre 1962 Ministre de la construction c/ Compagnie immobilière de la région parisienne, req. n°55655, Rec. p. 537 « en l’espèce, les trois clauses dont était assorti le permis délivré à la Compagnie immobilière parisienne et dont le jugement attaqué a prononcé l’annulation devaient être regardées comme formant avec les autres dispositions de l’arrêté du préfet de Seine-et-Oise, un tout indivisible, que dès lors – et sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la légalité de ces clauses – les conclusions de la Compagnie tendant à l’annulation de ces seules clauses n’étaient pas recevables et auraient dû être rejetées comme telles ». Voir, dans le même sens, CE 5 novembre 1975 Secrétaire d’Etat à la Culture c/ Société Pavita, req. n°95530 « le juge administratif, lorsqu’il est saisi de conclusions tendant à l’annulation partielle d’un acte dont les dispositions forment un ensemble indivisible, est tenu de rejeter ces conclusions, quelle que soit, au demeurant, la nature des moyens susceptibles d’être invoques à l’encontre de la décision attaquée ». Pour un exemple de recevabilité des conclusions du fait du caractère divisible d’une prescription prévoyant la cession gratuite d’une portion de terrain en vue de l’élargissement d’un chemin rural : CE 8 février 1985 Commune de Saint-Hilaire-de-Riez, req. n°40184. était en premier lieu analysé le caractère divisible d’une prescription pour juger de la recevabilité d’un recours tendant à l’annulation d’une prescription, le juge affirme ici que le titulaire d’une autorisation d’urbanisme est toujours recevable à demander l’annulation d’une ou plusieurs prescriptions dont celle-ci est assortie. La question de la divisibilité ne se pose que dans un second temps, la prescription ne pouvant être annulée que si elle ne forme pas un ensemble indivisible avec l’autorisation d’urbanisme, et qu’elle n’est ainsi pas susceptible d’affecter la légalité de l’autorisation.

En d’autres termes, alors même qu’en application d’une jurisprudence ancienne la question de la divisibilité était analysée a priori, au stade de la recevabilité des conclusions, le Conseil d’Etat examine dans cette décision la question de la divisibilité sur le fond. Dès lors, si les conclusions dirigées contre les prescriptions sont rejetées, ce n’est plus pour irrecevabilité mais sur le fond.

En l’espèce, le Conseil d’Etat juge que Mme B. était recevable à demander l’annulation de l’arrêté attaquée, en tant seulement qu’elle était assortie d’une prescription. Sur le fond, le Conseil d’Etat renvoie l’affaire au Tribunal administratif de Nice.

Cette décision met un terme à la méthodologie jusqu’alors suivie par le juge, initiée en 1962 par le Conseil d’Etat 2) Préc., pour analyser les conclusions dirigées contre les prescriptions dont sont assorties les autorisations d’urbanisme.

Les éléments de fond ne changent toutefois pas et la règle selon laquelle une prescription ne peut ainsi être annulée que si elle ne forme pas un ensemble indivisible avec l’autorisation d’urbanisme demeure donc.

A l’occasion de cette décision, le Conseil d’Etat rappelle dans quelles conditions l’administration peut assortir une autorisation d’urbanisme de prescription. Il est ainsi précisé que « […] l’administration ne peut assortir une autorisation d’urbanisme de prescriptions qu’à la condition que celles-ci, entraînant des modifications sur des points précis et limités et ne nécessitant pas la présentation d’un nouveau projet, aient pour effet d’assurer la conformité des travaux projetés aux dispositions législatives et réglementaires dont l’administration est chargées d’assurer le respect » 3) Sur les conditions dans lesquelles les servitudes peuvent être imposées, voir CE 24 avril 1942, Consorts Simon Le Bertre, req. n°64047, Rec. CE, p.138..

Enfin, le Conseil d’Etat précise que les dispositions de l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme, lesquelles « visent, dans un but de sécurité juridique, à permettre au bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme, ainsi qu’à l’auteur de cette décision, d’être informés à bref délai de l’existence d’un recours contentieux dirigé contre elle ; […] n’exigent pas que le bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme notifie à l’auteur de cette décision le recours contentieux qu’il forme pour la contester lorsqu’elle est assortie de prescriptions ou pour contester ces prescriptions elles-mêmes ».

Selon cette décision, sont ainsi exclus du champ d’application de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme les recours dirigés contre une décision d’urbanisme lorsque celle-ci est assortie de prescriptions, ainsi que les recours contre ces prescriptions elles-mêmes, lorsqu’ils sont formés par le bénéficiaire de l’autorisation.

Partager cet article

References   [ + ]

1. CE 12 octobre 1962 Ministre de la construction c/ Compagnie immobilière de la région parisienne, req. n°55655, Rec. p. 537 « en l’espèce, les trois clauses dont était assorti le permis délivré à la Compagnie immobilière parisienne et dont le jugement attaqué a prononcé l’annulation devaient être regardées comme formant avec les autres dispositions de l’arrêté du préfet de Seine-et-Oise, un tout indivisible, que dès lors – et sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la légalité de ces clauses – les conclusions de la Compagnie tendant à l’annulation de ces seules clauses n’étaient pas recevables et auraient dû être rejetées comme telles ». Voir, dans le même sens, CE 5 novembre 1975 Secrétaire d’Etat à la Culture c/ Société Pavita, req. n°95530 « le juge administratif, lorsqu’il est saisi de conclusions tendant à l’annulation partielle d’un acte dont les dispositions forment un ensemble indivisible, est tenu de rejeter ces conclusions, quelle que soit, au demeurant, la nature des moyens susceptibles d’être invoques à l’encontre de la décision attaquée ». Pour un exemple de recevabilité des conclusions du fait du caractère divisible d’une prescription prévoyant la cession gratuite d’une portion de terrain en vue de l’élargissement d’un chemin rural : CE 8 février 1985 Commune de Saint-Hilaire-de-Riez, req. n°40184.
2. Préc.
3. Sur les conditions dans lesquelles les servitudes peuvent être imposées, voir CE 24 avril 1942, Consorts Simon Le Bertre, req. n°64047, Rec. CE, p.138.

3 articles susceptibles de vous intéresser