Le refus d’autorisation des travaux par l’assemblée générale de copropriété est sans incidence sur la qualité du pétitionnaire pour déposer un permis de construire

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

November 2020

Temps de lecture

3 minutes

Conseil d’Etat 23 octobre 2020 ville de Paris, req. n°425457, mentionné aux tables du recueil Lebon

1          Contexte

Le maire de Paris a accordé à Monsieur A. un permis de construire portant sur la transformation en logement d’un garage situé 15 rue d’Aumale à Paris par arrêté du 7 septembre 2016.

Le syndicat des copropriétaires du 15 rue d’Aumale a formé un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de l’arrêté accordant le permis de construire à Monsieur A. ainsi qu’à l’encontre de la décision de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement du 13 septembre 2018, le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande et a annulé le permis de construire délivré en 2016 au motif que Monsieur A. s’était, en attestant avoir qualité pour déposer la demande, livré à une manœuvre frauduleuse afin d’induire l’administration en erreur.

La ville de Paris et Monsieur A. ont formé un pourvoi en cassation contre ce jugement.

2          La décision du Conseil d’Etat

En l’espèce, le tribunal administratif de Paris avait jugé qu’en attestant de sa qualité pour déposer sa demande de permis de construire, alors qu’il savait que les travaux nécessitaient l’accord préalable de l’assemblée générale des copropriétaires puisqu’il se l’était vu refuser lors de deux réunions qui s’étaient tenues avec sa participation, M. A. s’était livré à une manœuvre frauduleuse entachant d’irrégularité le permis de construire qui lui avait été délivré 1)Considérant n°5..

Après avoir rappelé que, désormais, le pétitionnaire doit seulement attester avoir qualité pour présenter sa demande d’autorisation d’urbanisme 2)Article R. 423-1 du code de l’urbanisme : « Les demandes de permis de construire, d’aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d’avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; (…) » – Voir pour un exemple de travaux sur un bien en copropriété (CE 15 février 2012 Mme Q…, n° 333631, Rec. CE p. 41). et que l’autorité administrative compétente pour la délivrer n’a pas à vérifier que ce dernier justifie effectivement de cette qualité 3)« les autorisations d’utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s’assurer de la conformité des travaux qu’elles autorisent avec la législation et la réglementation d’urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n’appartient pas à l’autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l’instruction d’une demande de permis, la validité de l’attestation établie par le demandeur » (CE 19 juin 2015 commune de Salbris, req. n° 368667, Rec. CE p. 211). , sauf en cas de fraude 4)CE 23 mars 2015 Loubier, req. n° 348261, Rec. CE p. 177. , le Conseil d’Etat vient compléter sa jurisprudence 5)Le Conseil d’Etat avait, notamment, jugé, quelques mois avant la décision commentée, que l’existence d’une contestation sur le fait que des travaux n’avaient pas été autorisés par l’assemblée générale de la copropriété était insuffisante pour démontrer l’existence d’une fraude : CE 3 avril 2020 ville de Paris, req. n° 422802, à mentionner aux tables du recueil Lebon. en jugeant que le refus de l’assemblée générale des copropriétaires d’autoriser les travaux ne caractérise pas, par lui-même, une fraude quant à la qualité du pétitionnaire pour obtenir un permis de construire : « Une contestation relative au défaut d’autorisation des travaux par l’assemblée générale de la copropriété ne saurait caractériser une fraude du pétitionnaire visant à tromper l’administration sur la qualité qu’il invoque à l’appui de sa demande d’autorisation d’urbanisme, l’absence d’une telle autorisation comme un refus d’autorisation des travaux envisagés par l’assemblée générale étant, par eux-mêmes, dépourvus d’incidence sur la qualité du copropriétaire à déposer une demande d’autorisation d’urbanisme et ne pouvant être utilement invoqués pour contester l’autorisation délivrée » 6) Considérant n°4 – Voir également les conclusions de S. Roussel sous la décision commentée. .

Ainsi, même en cas de refus de la copropriété le juge administratif considère que cette circonstance est sans incidence sur la qualité du pétitionnaire pour déposer une demande d’autorisation d’urbanisme.

Ce faisant le juge administratif confirme une fois encore que, depuis la réforme des autorisations d’urbanisme de 2007 7)Décret n°2007-18 du 5 janvier 2007 relatif à pris pour l’application de l’ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 relative au permis de construire et aux autorisations d’urbanisme., qu’il ne lui appartient plus de vérifier, sous réserve de la fraude, la qualité du pétitionnaire pour solliciter une autorisation d’urbanisme et ce quand bien même cette qualité serait contestée et contestable.

 

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References   [ + ]

1. Considérant n°5.
2. Article R. 423-1 du code de l’urbanisme : « Les demandes de permis de construire, d’aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d’avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; (…) » – Voir pour un exemple de travaux sur un bien en copropriété (CE 15 février 2012 Mme Q…, n° 333631, Rec. CE p. 41).
3. « les autorisations d’utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s’assurer de la conformité des travaux qu’elles autorisent avec la législation et la réglementation d’urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n’appartient pas à l’autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l’instruction d’une demande de permis, la validité de l’attestation établie par le demandeur » (CE 19 juin 2015 commune de Salbris, req. n° 368667, Rec. CE p. 211).
4. CE 23 mars 2015 Loubier, req. n° 348261, Rec. CE p. 177.
5. Le Conseil d’Etat avait, notamment, jugé, quelques mois avant la décision commentée, que l’existence d’une contestation sur le fait que des travaux n’avaient pas été autorisés par l’assemblée générale de la copropriété était insuffisante pour démontrer l’existence d’une fraude : CE 3 avril 2020 ville de Paris, req. n° 422802, à mentionner aux tables du recueil Lebon.
6. Considérant n°4 – Voir également les conclusions de S. Roussel sous la décision commentée.
7. Décret n°2007-18 du 5 janvier 2007 relatif à pris pour l’application de l’ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 relative au permis de construire et aux autorisations d’urbanisme.

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