PLUtôt deux fois qu’une : la cour administrative d’appel de Bordeaux confirme l’annulation de la délibération du 11 avril 2019 approuvant le PLUiH de Toulouse Métropole

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

March 2022

Temps de lecture

8 minutes

CAA Bordeaux 15 février 2022 Toulouse Métropole et autres, req. n°21BX02287 : inédit au recueil Lebon

Le présent arrêt confirme les jugements rendus le 30 mars 2021 1)TA Toulouse 30 mars 2021 Le collectif des riverains de l’avenue de la République et de la rue de Toulouse à Cornebarrieu et autres, req. n°1902329 et le 20 mai 2021 2)TA Toulouse 20 mai 2021 Le collectif des riverains de l’avenue de la République et de la rue de Toulouse à Cornebarrieu et autres, req. n°255886 (voir notre article ici par le tribunal administratif de Toulouse.

Par son jugement du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Toulouse avait fait droit à la demande d’annulation totale de la délibération du 11 avril 2019 approuvant le plan local d’urbanisme intercommunal valant programme de l’habitat (PLUiH) de Toulouse Métropole, et par celui du 20 mai 2021, avait prononcé, sans modulation de ses effets dans le temps, l’annulation de ce document d’urbanisme après avoir sursis à statuer pendant une durée de quinze jours.

Les premiers juges avaient en effet retenu trois motifs fondant l’annulation totale de la délibération en cause, soit :

  • un premier motif tiré de l’insuffisance du rapport de présentation du document d’urbanisme litigieux au regard des dispositions de l’article L. 151-4 du code de l’urbanisme (1) ;
  • un deuxième motif principalement tiré de la circonstance que les objectifs chiffrés de modération de la consommation de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain fixés dans le projet d’aménagement et de développement durables (PADD) comportaient, en méconnaissance de l’article L. 151-5 du code de l’urbanisme, une justification incohérente dans le livret 1C du rapport de présentation (2) ;
  • un dernier motif tiré de l’insuffisance du rapport de présentation quant à la justification du zonage règlementaire retenu par les auteurs du PLUiH au regard de l’objectif chiffré de consommation foncière imposé par le PADD (3).

Conformément à son office, le juge d’appel s’est prononcé sur le bien-fondé de l’ensemble des motifs rappelés ci-dessus ayant justifié l’annulation totale de la décision approuvant le PLUiH.

Dans ce cadre, la formation d’appel a suivi le raisonnement développé par le tribunal administratif au sein de son jugement du 30 mars 2021 en considérant que les vices retenus en première instance n’étaient pas régularisables sur le fondement des dispositions de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme. La juridiction confirme par ailleurs le jugement du 20 mai 2021 en rejetant les conclusions formulées à l’encontre du refus de moduler les effets dans le temps de l’annulation prononcée (4).

1.     La confirmation de l’insuffisance du rapport de présentation du PLUiH au regard des dispositions de l’article L. 151-4 du code de l’urbanisme

Aux termes de l’article L. 151-4 du code de l’urbanisme dans sa rédaction en vigueur du 25 novembre 2018 au 4 mars 2022, le rapport de présentation doit notamment, pour expliquer les choix retenus au sein des autres documents du PLU, analyser « (…) la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers au cours des dix années précédant l’approbation du plan ou depuis la dernière révision du document d’urbanisme ».

Par ailleurs, l’article L. 104-5 du code de l’urbanisme, dispose que « le rapport de présentation contient les informations qui peuvent être raisonnablement exigées, compte tenu des connaissances et des méthodes d’évaluation existant à la date à laquelle est élaboré ou révisé le document, de son contenu et de son degré de précision et, le cas échéant, de l’existence d’autres documents ou plans relatifs à tout ou partie de la même zone géographique ou de procédures d’évaluation environnementale prévues à un stade ultérieur ».

En l’espèce, pour établir l’évolution des espaces urbanisés au cours des dix années précédant l’approbation du PLUiH litigieux, ses auteurs ont uniquement utilisé les données recueillies à partir de photographies aériennes et satellitaires réalisées pour une période courant de 2007 à 2013. En effet, la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) entre 2014 et 2018, telle qu’elle figure dans le rapport de présentation, repose sur une simple reconduction de la consommation moyenne observée sur la période 2007/2013, soit une extension de l’urbanisation de 167 hectares par an sur le territoire métropolitain. Or, une étude relative à la consommation de l’espace utilisant la même méthode d’observation que celle fondant le rapport de présentation a été réalisée en 2016 et publiée dans un outil de veille de l’agence d’urbanisme de l’aire métropolitaine toulousaine avant l’arrêt du projet de PLUiH, soit le 3 octobre 2017. Cette étude relevait une consommation moyenne annuelle d’ENAF sur la période 2014-2016 bien inférieure à celle retenue, soit une extension de 103 hectares par an.

La cour administrative d’appel a d’abord estimé que la détermination de la consommation d’ENAF au cours des dix années précédant l’approbation d’un PLUiH doit « être la plus sincère possible » et que, par conséquent, « (…) l’utilisation d’une méthode d’extrapolation statistique sur une partie de la période de référence en vue de réaliser le diagnostic de la consommation d’espaces n’est ainsi régulière que dans la mesure où d’autres éléments plus récents, disponibles avant l’approbation du PLUi, n’infirment pas la pertinence du diagnostic ainsi établi ».

Elle a alors considéré que le rapport de présentation était entaché d’insuffisance du fait d’une extrapolation des chiffres de la période 2007-2013 sur celle courant de 2014-2018, et ce, malgré l’existence d’éléments plus récents confirmant une tendance à la baisse observée sur la période 2010-2013, faisant ainsi reposer l’analyse de la consommation d’ENAF imposée par l’article L. 151-4 du code de l’urbanisme sur des données significativement surévaluées.

2.     Sur la confirmation de l’insuffisante justification apportée par le rapport de présentation aux objectifs chiffrés de modération de la consommation et de lutte contre l’étalement urbain compris dans le PADD

Aux termes de l’article L. 151-5 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction en vigueur du 1er janvier 2016 au 25 août 2021, le PADD doit fixer des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain en cohérence avec le schéma de cohérence territoriale (SCOT) ainsi qu’avec le diagnostic visé par l’article L. 151-4 du code de l’urbanisme.

En l’espèce, le PLUiH contesté fixait « (…) un objectif de modération de la consommation foncière de 10 % minimum par rapport aux tendances observées sur la période 2007/2013, soit une consommation moyenne d’environ 155 hectares par an sur la période du PLUIH ». En outre, le rapport de présentation, dans une section consacrée à la justification de cet objectif chiffré, ainsi que le PADD, indiquaient que celui-ci relevait d’un scénario de consommation d’espace devant amplifier la dynamique engagée par le SCOT en la matière. Le PADD fixait à cette fin le présent objectif à une consommation de 170 hectares par an en moyenne.

Il convient de noter que le SCOT Grande agglomération Toulousaine, approuvé le 15 juin 2012, a pour but de diviser par deux le prélèvement réalisé sur les terres agricoles et naturelles. Par sa révision du 27 avril 2017, cet objectif se traduisait par une consommation maximale de 157,5 hectares par an en moyenne sur le territoire de Toulouse Métropole contre 170 hectares dans sa version initiale.

Le juge de premier ressort a d’abord relevé que l’objectif retenu par les auteurs du PLUIH était « supérieur de plus de 50 % par rapport aux résultats de l’observation du territoire sur la période 2013/2016 ». Il a ainsi considéré que « l’objectif fixé pour la consommation future a été présenté à tort comme traduisant une réduction du rythme de la consommation d’espace et un accroissement de l’effort demandé par le SCOT ». Le tribunal administratif a alors retenu une nouvelle insuffisance du rapport de présentation.

La cour administrative d’appel a confirmé le raisonnement du tribunal en estimant que « l’objectif de 155 ha par an retenu par les auteurs du PLUiH s’avère largement supérieur à la consommation moyenne réellement constatée sur la décennie antérieure qui est de 137 ha par an », et que le respect d’un objectif de modération de 10% aurait dû conduire à fixer les prévisions de consommation future urbaine à un niveau moindre que celui fixé par le PLUiH.

La cour a également relevé que c’est de manière erronée que le PADD, ainsi que le livret 1C du rapport de présentation, mentionnaient que le scénario de consommation d’espace retenu aurait amplifié la dynamique de diminution engagée par le SCOT. En effet, le PADD imposait seulement un objectif quasiment similaire au SCOT tel que révisé en 2017.

Toutefois, et c’est là que l’analyse des juges d’appel se distingue, la cour n’a pas explicitement retenu la méconnaissance de l’article L. 151-5 du code de l’urbanisme par le PADD, moyen de légalité interne, en considérant que « la justification des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain compris dans le PADD est entachée d’insuffisance substantielle, au regard des exigences issues des articles L. 151-4 et L. 151-5 du code de l’urbanisme ».

3.     Sur la confirmation de l’insuffisance du rapport de présentation quant à la justification du zonage règlementaire retenu par les auteurs du PLUiH au regard de l’objectif chiffré de consommation foncière imposé par le PADD

En première instance, les requérants ont pu reprocher aux auteurs du PLUiH d’avoir déterminé les prévisions de consommation foncière future d’espace en ne prenant en compte que les superficies des zones AU, en excluant de ces prévisions certaines surfaces constructibles vierges au sein des zones urbaines.

Le rapport de présentation précisait que le règlement du PLUiH prévoyait une « délimitation des zones à urbaniser respectant l’objectif chiffré de consommation foncière ».

Le tribunal administratif a d’abord rappelé que « les auteurs des plans locaux d’urbanisme disposent d’une certaine marge d’appréciation pour déterminer eux-mêmes les modalités de calcul de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers, sous réserve qu’elles restent cohérentes avec les objectifs généraux fixés par le législateur en matière d’utilisation économe des espaces et de lutte contre l’étalement urbain », et que dans ce cadre, « le rapport de présentation a vocation à décrire les modalités retenues pour analyser la consommation passée et définir l’objectif de consommation future et à justifier de la pertinence et de la nécessité des dispositions édictées par le règlement au regard de cet objectif ».

Après avoir constaté que l’évaluation de la consommation passée d’espaces a été établie à partir des espaces ENAF et des espaces libres en milieu urbain consommés, et ce, indépendamment de leur classement au sein du zonage règlementaire, le tribunal administratif a alors jugé qu’en « ne prenant en considération que les seules zones AU pour apprécier le respect de cet objectif par le règlement du PLUIH, la métropole n’a donc pas adopté une méthode d’analyse permettant les comparaisons pertinentes entre les intentions affichées et les possibilités réellement offertes par le nouveau plan » et retient, ici encore, une insuffisance du rapport de présentation.

La cour administrative d’appel a elle aussi considéré que le rapport de présentation ne justifiait pas de façon cohérente l’objectif posé par le PADD, dès lors que les prévisions de consommation foncière future d’espaces ne prenaient en compte que les seules zones à urbaniser d’une surface de 1 510 hectares, excluant 470 hectares de surfaces constructibles en zones urbaines.

4.     Sur la confirmation du refus de déroger au principe de l’annulation rétroactive des actes

Le tribunal administratif, dans son jugement n°255886 du 20 mai 2021, avait estimé par quatre principaux motifs que l’annulation rétroactive du PLUiH n’aurait pas de conséquences manifestement excessives au regard des divers intérêts publics et privés en présence susceptibles de justifier qu’il soit procédé à titre dérogatoire à une modulation de ses effets.

Les juges d’appel ont validé la remise en vigueur des 37 documents d’urbanisme immédiatement antérieurs des communes de la métropole.

La cour administrative d’appel a considéré qu’aucune situation de vide juridique n’était constituée par l’annulation rétroactive du PLUiH.

Ensuite, et en ce sens, cette dernière a rappelé qu’en application des dispositions de l’article L. 600-12-1 du code de l’urbanisme, le nombre d’autorisations d’urbanisme susceptibles de voir leur légalité impactée à la suite de l’annulation contentieuse d’un document d’urbanisme était nécessairement limité. Par suite, il a été jugé que la liste des autorisations d’urbanisme accordées non encore devenues définitives produite par Toulouse Métropole n’établissait pas « qu’un nombre excessif de décisions seraient remises en cause au regard des motifs d’annulation retenus et des possibilités de construction prévues par les documents d’urbanisme remis en vigueur ».

En outre, la cour a jugé que le maintien en vigueur du PLUiH n’était pas de nature à garantir une moindre consommation d’espace et que l’impact de l’annulation en cause sur les grands axes de la politique de l’habitation ou encore sur les grands projets publics et privés pour lesquels une procédure de déclaration d’utilité publique est en cours n’emportait pas de conséquences manifestement excessives.

Enfin, elle a considéré que « la remise en cause de 306 hectares et la protection de 444 arbres supplémentaires en espaces boisés classés ne sauraient davantage justifier une modulation des effets de l’annulation pendant la durée de trois années que demande Toulouse Métropole ».

 

 

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References   [ + ]

1. TA Toulouse 30 mars 2021 Le collectif des riverains de l’avenue de la République et de la rue de Toulouse à Cornebarrieu et autres, req. n°1902329
2. TA Toulouse 20 mai 2021 Le collectif des riverains de l’avenue de la République et de la rue de Toulouse à Cornebarrieu et autres, req. n°255886 (voir notre article ici

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