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CE 1er octobre 2025 SAS H et A, req. n° 498169 : mentionnée dans les tables du recueil Lebon
1 Objet du pourvoi
L’article R. 811-1-1 du code de justice administrative prévoit que les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours contre « les permis de construire ou de démolir un bâtiment comportant plus de deux logements, les permis d’aménager un lotissement, les décisions de non-opposition à une déclaration préalable autorisant un lotissement ou les décisions portant refus de ces autorisations ou opposition à déclaration préalable » lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en « zone tendue », c’est-à-dire dans une commune où s’applique la taxe annuelle sur les logements vacants 1)Soit, « sur le territoire d’une des communes mentionnées à l’article 232 du code général des impôts et son décret d’application » selon l’article..
Ces dispositions, issues d’un décret du 1er octobre 2013 2)n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au contentieux de l’urbanisme., ont pour objet de « réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation d’opérations de construction de logement » 3)CE 23 décembre 2014 Syndicat de la juridiction administrative et autres, req. n° 373469 : inédite. dès lors que le jugement rendu en « premier et dernier ressort » n’est susceptible que d’un pourvoi en cassation.
Depuis leur entrée en vigueur, elles ont notamment été modifiées par un décret du 24 juin 2022 qui, au-delà de pérenniser l’exemption d’appel prévue à l’origine comme un dispositif temporaire, a élargi le champ de l’article en mentionnant, à côté des décisions positives d’urbanisme, les décisions négatives, c’est-à-dire les recours contre les refus de permis de construire.
C’est dans ce contexte que le Conseil d’État s’est prononcé par la décision commentée, qui sera mentionnée dans les tables du recueil Lebon sur ce point, sur le point de savoir si ces dispositions sont susceptibles de s’appliquer aux recours dirigés contre les décisions par lesquelles l’autorité administrative décide de surseoir à statuer sur une demande d’autorisation d’urbanisme qu’elle considère, dans le contexte d’évolution des règles d’urbanisme, comme de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan ; ce sursis pouvant perdurer jusqu’à deux ans 4)En application des articles L. 153-11 et L. 424-1 du code de l’urbanisme et dès lors qu’a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durable du futur document d’urbanisme..
En l’espèce, le maire d’une commune francilienne s’était opposé à la demande de permis de construire présentée par une société pour la réalisation d’un immeuble d’habitation collectif. Saisi de l’appel formé par la commune contre le jugement qui donnait gain de cause au pétitionnaire, la cour administrative d’appel de Paris a, sur le fondement des dispositions spécifiques du code de justice administrative relatives au règlement des questions de compétence 5)Article R. 351-2 du code de justice administrative., transmis le dossier au juge de cassation.
2 Solution
Le Conseil d’État juge qu’une décision de sursis à statuer doit être regardée comme une décision de refus d’autorisation ou d’opposition à déclaration préalable au sens des dispositions de l’article R. 811-1-1 du code de justice administrative. Par suite, un tribunal administratif saisi d’une demande tendant à l’annulation pour excès de pouvoir d’un sursis à statuer opposé à une demande de permis de construire statue en premier et dernier ressort.
Les conclusions du rapporteur public sur cette décision, librement accessibles, permettent de l’éclairer. Celles-ci présentent notamment la proximité entre les effets d’une décision de sursis à statuer et un refus de permis de construire : une décision de sursis à statuer ne constitue, ainsi, qu’un « refus de délivrance immédiate » selon la formule de Rémi Decout-Paolini dans ses conclusions sur une décision du Conseil d’État du 9 mars 2016 Commune de Beaulieu 6)Req. n° 383060, mentionnée dans les tables du recueil Lebon.. Ce refus de délivrance immédiate pouvant, du reste, se transformer en refus définitif si le pétitionnaire ne confirme pas sa demande dans les délais impartis.
Les conclusions rappellent, en outre, que régime juridique de la décision de sursis à statuer a déjà pu être assimilé sur celui des décisions de refus et mentionnent, en particulier, l’hypothèse de l’application de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme, qui prévoit qu’en cas d’annulation d’un refus de permis, la demande ne peut faire l’objet d’un nouveau refus sur le fondement de dispositions intervenues postérieurement au refus annulé, ce que le Conseil d’État a jugé applicable à l’annulation des décisions de sursis à statuer dans sa décision Commune de Beaulieu.
References
1. | ↑ | Soit, « sur le territoire d’une des communes mentionnées à l’article 232 du code général des impôts et son décret d’application » selon l’article. |
2. | ↑ | n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au contentieux de l’urbanisme. |
3. | ↑ | CE 23 décembre 2014 Syndicat de la juridiction administrative et autres, req. n° 373469 : inédite. |
4. | ↑ | En application des articles L. 153-11 et L. 424-1 du code de l’urbanisme et dès lors qu’a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durable du futur document d’urbanisme. |
5. | ↑ | Article R. 351-2 du code de justice administrative. |
6. | ↑ | Req. n° 383060, mentionnée dans les tables du recueil Lebon. |