Le vent tourne sur les permis de construire de projets éoliens en cours de validité au 1er mars 2017

Catégorie

Environnement, Urbanisme et aménagement

Date

September 2022

Temps de lecture

4 minutes

CE 22 septembre 2022 Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) de l’Aude et autres, req. n° 443458, mentionné aux tables du Recueil Lebon

Plus de cinq ans après la réforme de l’autorisation environnementale, le Conseil d’Etat apporte d’utiles précisions sur son application aux permis de construire autorisant des projets d’installation d’éoliennes terrestres délivrés antérieurement à cette réforme.

1.     Rappels sur la réforme de l’autorisation environnementale et le régime transitoire

Depuis l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, de nombreuses autorisations ont été rassemblées autour de la procédure d’autorisation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et des installations relevant de la nomenclature Eau (IOTA) 1)Articles L. 181-1 et L. 181-2 du code de l’environnement..

Certains parcs éoliens sont, désormais, soumis à autorisation ICPE 2)La rubrique 2980 de la nomenclature des ICPE, intitulée « Installation terrestre de production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent et regroupant un ou plusieurs aérogénérateurs », soumet les éoliennes terrestres au régime de l’autorisation lorsque : – au moins un aérogénérateur a un mât de hauteur supérieure ou égale à 50 mètres ; – tous les aérogénérateurs ont un mât de hauteur inférieure à 50 mètres et au moins un aérogénérateur a le mât de hauteur maximale supérieure ou égale à 12 mètres et pour une puissance totale installée supérieure ou égale à 20 MW. et entrent, de ce fait, dans le champ de l’autorisation environnementale unique, les dispensant, à ce titre, de permis de construire 3)Article R. 425-29-2 du code de l’urbanisme..

Toutefois, afin de tenir compte des procédures de permis de construire déjà engagées pour la construction d’éoliennes, des dispositions transitoires ont été prévues de sorte que ces procédures puissent être poursuivies jusqu’à leur terme.

Ainsi, en application des dispositions de l’article 15 de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017, sont considérés comme des autorisations environnementales les permis de construire en cours de validité au 1er mars 2017 autorisant les projets éoliens.

2.     Application du régime transitoire au cas d’espèce

C’est dans ce contexte que, par une décision du 22 septembre 2022, la Haute juridiction administrative a clarifié l’application du régime transitoire aux projets d’installation d’éoliennes terrestres ayant fait l’objet d’un permis de construire en cours de validité au 1er mars 2017.

Dans cette affaire, la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) de l’Aude, ainsi que deux autres associations et deux riverains ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d’annuler l’arrêté du 20 novembre 2014 par lequel le préfet de l’Aude a délivré un permis de construire à la société Veraza Energies pour la construction d’un parc de trois éoliennes sur le territoire de la commune de Veraza.

Ils soutenaient, notamment, que la société pétitionnaire avait omis de solliciter une demande de dérogation au titre des espèces protégées, pourtant requise compte tenu de la nature du projet 4)Dérogation sollicitée sur le fondement de l’article L. 411-2, 4° du code de l’environnement. et que le permis en litige, devant être regardé comme une autorisation environnementale à la date à laquelle la juridiction administrative statuait, il devait pouvoir être contesté en tant qu’il n’incorporait pas la dérogation aux espèces protégées.

Le tribunal puis la cour administrative d’appel de Marseille ayant refusé de faire droit à leur demande, les requérants se sont pourvus en cassation.

Le Conseil d’Etat, suivant les conclusions de son rapporteur public 5)Conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public, sur CE 22 septembre 2022, req. n° 443458., s’est fondé sur les dispositions de l’article 15 de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017, précitées, afin d’en tirer l’enseignement suivant :

« Dès lors que cette autorisation environnementale tient lieu des divers autorisations, enregistrements, déclarations, absences d’opposition, approbations et agréments énumérés au I de l’article L. 181-2 du code de l’environnement, au nombre desquels figure la dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces animales non domestiques et de leurs habitats prévue à l’article L. 411-2, la cour a entaché son arrêt d’omission de statuer en ne se prononçant pas sur le moyen opérant tiré de ce que l’autorisation environnementale issue du permis de construire délivré par le préfet le 20 novembre 2014 était illégale en tant qu’elle n’incorporait pas, à la date à laquelle elle a statué, la dérogation précitée dont il était soutenu qu’elle était requise pour le projet éolien en cause » 6)Mentionné aux tables sur ce point..

Par cette décision, les juges du Palais Royal transposent ainsi aux permis de construire relatifs aux projets éoliens, ce qu’il avait déjà retenu en matière d’autorisation délivrée au titre de la police de l’eau 7)CE 22 juillet 2020 Ministre de la transition écologique et solidaire, req. n° 429610, mentionné aux tables sur ce point. et fait sienne la solution retenue par la cour administrative de Nantes dans un arrêt 7 janvier 2022 relatif à un projet éolien 8)CAA Nantes 7 janvier 2022 Association Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France (SPPEF) et autres, req. n° 20NT03390..

Néanmoins, il convient de noter que, comme le souligne le Conseil d’Etat :

« Un tel motif ne vicie cependant l’autorisation environnementale en litige qu’en tant qu’elle n’incorpore pas cette dérogation, ce qui est divisible du reste de l’autorisation et ne justifie donc pas son annulation dans son ensemble ».

Ainsi, les juges de la cour administrative d’appel de Marseille, devant lesquels l’affaire est renvoyée, pourraient annuler le permis de construire en litige uniquement qu’en tant que la dérogation aux espèces protégées n’a pas été sollicitée.

Cette décision du Conseil d’Etat permet, à cette occasion, de clarifier l’office du juge administratif en la matière.

En effet, comme l’indique la Haute Assemblée :

« Il est vrai, ainsi que vous l’avez jugé au sujet des autorisations uniques (CE 26 juillet 2018, Association “Non au projet éolien de Walincourt-Selvigny et Haucourt-en-Cambrésis” et autres, n°416831, au recueil), que le permis de construire des éoliennes terrestres, bien que considéré comme une autorisation environnementale à compter du 1er mars 2017, doit être regardé comme continuant à produire ses effets après cette date en tant que permis de construire et le juge, saisi de moyens dirigés contre le permis de construire en tant que tel, doit statuer comme juge de l’excès de pouvoir sur cette partie de l’autorisation. […] Néanmoins, [au cas présent] c’est bien comme juge de plein contentieux qu’il appartenait à la cour de statuer pour apprécier la légalité, non du permis, mais de l’autorité environnementale […] » 9)Conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public, précitées..

C’est dans ces conditions que les requérants pouvaient utilement en contester la légalité en tant que le permis litigieux n’incorpore pas la dérogation aux espèces protégées alors même, qu’à la date de délivrance du permis, aucune règle n’imposait que soit préalablement délivré une telle dérogation.

 

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References   [ + ]

1. Articles L. 181-1 et L. 181-2 du code de l’environnement.
2. La rubrique 2980 de la nomenclature des ICPE, intitulée « Installation terrestre de production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent et regroupant un ou plusieurs aérogénérateurs », soumet les éoliennes terrestres au régime de l’autorisation lorsque : – au moins un aérogénérateur a un mât de hauteur supérieure ou égale à 50 mètres ; – tous les aérogénérateurs ont un mât de hauteur inférieure à 50 mètres et au moins un aérogénérateur a le mât de hauteur maximale supérieure ou égale à 12 mètres et pour une puissance totale installée supérieure ou égale à 20 MW.
3. Article R. 425-29-2 du code de l’urbanisme.
4. Dérogation sollicitée sur le fondement de l’article L. 411-2, 4° du code de l’environnement.
5. Conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public, sur CE 22 septembre 2022, req. n° 443458.
6. Mentionné aux tables sur ce point.
7. CE 22 juillet 2020 Ministre de la transition écologique et solidaire, req. n° 429610, mentionné aux tables sur ce point.
8. CAA Nantes 7 janvier 2022 Association Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France (SPPEF) et autres, req. n° 20NT03390.
9. Conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public, précitées.

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