Les aspects « commande publique » de la loi ASAP

Catégorie

Contrats publics

Date

December 2020

Temps de lecture

4 minutes

LOI n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique

Favoriser la relance de l’activité économique en facilitant la passation et l’exécution des contrats publics

Les 27 et 28 octobre 2020, le Sénat puis l’Assemblée nationale ont adopté définitivement le projet de loi accélération et simplification de l’action publique (ASAP). A la suite de son examen par le Conseil constitutionnel le 3 décembre dernier à la demande de plus soixante députés 1)https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2020/2020807DC.htm, le texte définitif a fait l’objet d’une promulgation le 7 décembre dernier.

Ce texte, qui s’inscrit dans une démarche de simplification initiée par le gouvernement dès 2019 et a fait l’objet d’une procédure accélérée devant les assemblées, avait pour objectif principal de faciliter les démarches des particuliers et des entreprises en allégeant et en accélérant les procédures administratives, notamment dans le cadre de la commande publique.

La prolongation de la crise sanitaire survenue au printemps dernier et, plus que jamais, la nécessité de soutenir les acheteurs et les opérateurs économiques se portant candidats aux procédures d’attribution, a conduit les parlementaires à profiter de ce projet de loi pour pérenniser plusieurs dispositifs issus de l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas (…), par la voie d’amendements.

Les mesures de simplification prévues dans le projet de loi ASAP ont plus largement été enrichies de dispositions principalement destinées à favoriser la relance économique en facilitant les procédures de passation et l’exécution des contrats publics. Bien que nombre d’entre elles aient été dénoncées par les parlementaires à l’origine de la saisine comme étant des « cavaliers législatifs », le Conseil constitutionnel a validé leur présence dès lors qu’elles n’étaient pas dépourvues de tout lien avec certaines dispositions figurant dans la version initiale du projet de loi soumise en première lecture Sénat.

Les modifications du code de la commande publique à retenir

  • La création d’un nouveau cas de dérogation aux règles de publicité et de mise en concurrence lié à « l’intérêt général » 2)Article 131 de la loi. Si l’absence de définition précise de cette notion au sein du texte de loi a pu faire craindre certaines dérives des pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices, il a été précisé qu’il appartiendra au pouvoir réglementaire, et non aux acheteurs, de fixer les hypothèses dans lesquelles ces derniers pourront s’inscrire pour faire usage de cette dérogation ;
  • La création d’un nouveau titre dans le code de la commande publique intitulé « Dispositions relatives aux circonstances exceptionnelles » 3)Article 132 de la loi. Ce titre prévoit la possibilité de mettre en place un dispositif dérogatoire de passation et d’exécution des marchés publics en cas de circonstances exceptionnelles largement inspiré des dispositions de l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020. Parmi les mesures dérogatoires prévues figurent la possibilité de prolonger les délais de remise des candidatures et des offres, de prolonger la durée d’exécution d’un marché public venant à terme, de prolonger le délai d’exécution imparti au titulaire, ou encore de ne pas sanctionner celui-ci en cas d’inexécution. Ce dispositif nécessitera l’intervention d’un décret pour être mis en place, lequel définira notamment le champ d’application matériel, temporel et géographique des dérogations pouvant être accordées par les acheteurs ;
  • Le relèvement à 100 000 EUR HT du seuil en-deçà duquel un marché de travaux peut être conclu sans publicité ni mise en concurrence 4)Article 142 de la loi. Cette disposition va plus loin que le décret n° 2020-893 du 22 juillet 2020 qui prévoyait déjà un relèvement du seuil à 70 000 € HT pour ces marchés contre 40 000 EUR HT auparavant, étant précisé que ledit seuil s’applique à la valeur estimée du besoin et non à celle du marché. Ce relèvement est toutefois temporaire puisqu’il n’a pas vocation à s’appliquer au-delà du 31 décembre 2022. ;
  • L’absence de soumission à publicité et mise en concurrence des marchés de représentation légale et de consultation juridique par un avocat 5)Article 140 I de la loi. De tels services pourront donc désormais faire l’objet de contrats conclus de gré à gré, ce que permettait déjà la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics. Reste à savoir si les acheteurs se saisiront pleinement de cette nouvelle liberté qui leur est accordée mais ne les exonère pas pour autant du respect des principes fondamentaux d’égalité de traitement, de liberté d’accès et de transparence des procédures lors de la passation des marchés de services juridiques ;
  • L’extension des règles de modification des contrats publics en cours d’exécution aux contrats conclus avant le 1er avril 2016 6)Article 133 de la loi. Le texte harmonise les régimes applicables en autorisant les acheteurs à modifier les contrats en cours d’exécution sans nouvelle procédure de mise en concurrence selon les règles fixées par le code de la commande publique, alors même qu’ils auraient fait l’objet d’une procédure de passation engagée avant l’entrée en vigueur de ce texte.

Toujours au titre du volet commande publique, on soulignera enfin d’autres dispositions destinées notamment à favoriser les entreprises placées en redressement judiciaire pendant la procédure de passation ou l’exécution d’un contrat public en limitant les cas d’exclusion 7)Article 131 de la loi , et à favoriser l’accès des PME et des artisans aux marchés globaux 8)Article 131 de la loi .

A l’heure où la crainte d’une troisième vague épidémique se fait sentir, les pouvoirs publics ont ainsi entendu tirer les conséquences de la crise sanitaire et économique liée à la Covid 19 et donner aux acheteurs et aux entreprises les outils pour faire face aux difficultés pressenties. Cela étant, si l’adaptabilité des règles applicables aux achats publics est un objectif louable, il faut souhaiter que la mise en œuvre des dérogations permises au titre de « l’intérêt général » et des « circonstances exceptionnelles » reste circonscrite par le pouvoir réglementaire afin d’éviter leur utilisation abusive par les opérateurs.

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References   [ + ]

1. https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2020/2020807DC.htm
2. Article 131 de la loi
3. Article 132 de la loi
4. Article 142 de la loi
5. Article 140 I de la loi
6. Article 133 de la loi
7, 8. Article 131 de la loi

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