Les départements et régions ne sont pas systématiquement des « tiers intéressés » susceptibles d’attaquer une autorisation environnementale au sens de l’article R. 181-50 du code de l’environnement

Catégorie

Environnement

Date

December 2023

Temps de lecture

3 minutes

CE 1er décembre 2023 Département de la Charente-Maritime, req. n° 467009 : mentionné aux T. Rec. CE

CE 1er décembre 2023 Région Auvergne Rhône-Alpes, req. n° 470723 : mentionné aux T. Rec. CE

Par deux décisions en date du 1er décembre 2023, le Conseil d’État est venu préciser les conditions dans lesquelles une collectivité territoriale a intérêt à agir à l’encontre d’une autorisation environnementale portant, en l’occurrence, sur des parcs éoliens.

Dans la première affaire (n°467009), le département de la Charente-Maritime a formé un recours pour excès de pouvoir aux fins d’annulation d’une autorisation environnementale délivrée par le préfet de la Charente-Maritime pour l’installation d’un parc éolien. La cour administrative d’appel de Bordeaux ne lui a pas reconnu d’intérêt pour se faire et a donc rejeté sa demande.

Dans la seconde affaire (n°470723), la région Auvergne-Rhône-Alpes et les communes de Saint-Hilaire et de Meillers, limitrophes d’un projet de parc éolien, ont formé un recours pour excès de pouvoir à l’encontre d’une autorisation environnementale délivrée pour ce projet. La cour administrative d’appel de Lyon ne leur a également pas reconnu un intérêt à agir à l’encontre de cette décision, et a rejeté leur demande.

Les requérants s’étant pourvus en cassation dans ces deux affaires, le Conseil d’État devait statuer, le même jour, sur l’intérêt à agir du département de la Charente-Maritime, de la région Auvergne-Rhône-Alpes et des deux communes.

Pour rappel, l’article R. 181-50 du code de l’environnement permet aux « tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l’article L. 181-3 » de déférer à la juridiction administrative les autorisations environnementales, dans un délai de quatre mois à compter de la dernière formalité accomplie entre leur affichage en mairie ou leur publication sur le site internet de la préfecture.

Par deux décisions du même jour, rendues sur les mêmes conclusions du rapporteur public 1)Conclusions de Stéphane HOYNCK, rapporteur public, 1er décembre 2023, req. n° 467009 et 470723, le Conseil d’Etat est venu préciser qu’au sens de ces dispositions : « une personne morale de droit public ne peut se voir reconnaître la qualité de tiers recevable à contester devant le juge administratif une autorisation environnementale que dans les cas où les inconvénients ou les dangers pour les intérêts visés à l’article L. 181-3 sont de nature à affecter par eux-mêmes sa situation, les intérêts dont elle a la charge et les compétences que la loi lui attribue ».

A ce titre, le Conseil d’Etat considère que le département et la région n’ont pas intérêt à agir à l’encontre des autorisations environnementales en question dès lors que :

  • le département de la Charente-Maritime ne justifiait d’aucune compétence propre en matière de protection de l’environnement, des paysages ou du patrimoine, d’aménagement du territoire ou de lutte contre l’effet de serre par la maîtrise et l’utilisation rationnelle de l’énergie susceptible de lui conférer un intérêt direct et qu’il ne justifiait ainsi « d’aucune atteinte que le parc éolien litigieux serait susceptible de porter aux intérêts dont il assume la charge au titre de ces compétences ».
  • la région Auvergne-Rhône-Alpes n’est investie d’aucune responsabilité en matière de protection des paysages et de la biodiversité contre les atteintes que l’installation d’éoliennes pourrait provoquer sur son territoire. A ce titre, le juge précise que si la région avait défini dans son schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (« SRADDET ») des objectifs et des règles portant sur le développement de l’énergie éolienne, il relève que l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales confie à la région la responsabilité de fixer des objectifs de moyen et long termes, et qu’une autorisation environnementale, qui se borne à autoriser la construction et l’exploitation d’un parc éolien, n’est ainsi pas susceptible de porter atteinte, par lui-même, aux intérêts dont la région a la charge.

En revanche, les communes disposent de compétences leur permettant plus facilement de justifier d’un intérêt suffisant à agir à l’encontre de l’autorisation environnementale puisque leur situation, par leur proximité immédiate, ou les intérêts dont elles ont la charge peuvent être spécialement affectés. Ces éléments sont néanmoins à apprécier au cas par cas.

En l’espèce, le projet affectait directement la qualité de leur environnement et impactait leur activité touristique, en raison notamment de nuisances paysagères et patrimoniales par la proximité ou co-visibilité du site d’implantation du projet avec plusieurs monuments historiques. Le Conseil d’Etat a donc annulé l’arrêt de la CAA en ce qu’il a rejeté la requête des communes de Meillers et de Saint-Hilaire et a renvoyé l’affaire devant la CAA de Lyon.

La démonstration de la qualité de « tiers intéressé » est donc moins délicate pour les communes.

Ces deux arrêts du 1er décembre 2023 sont en revanche l’occasion pour le Conseil d’Etat d’encadrer la possibilité pour les départements et des régions d’attaquer des autorisations environnementales : l’intérêt exprimé contre le développement des éoliennes et leurs compétences de portée générale ne peuvent en effet suffire à leur conférer la qualité de tiers intéressés susceptibles d’attaquer une autorisation environnementale au sens de l’article R. 181-50 du code de l’environnement.

 

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References   [ + ]

1. Conclusions de Stéphane HOYNCK, rapporteur public, 1er décembre 2023, req. n° 467009 et 470723

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