Les dispositions de l’article L. 600-12-1 du code de l’urbanisme sont immédiatement applicables aux instances en cours

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

July 2020

Temps de lecture

4 minutes

CE avis 17 juin 2020, M. A, req n° 43790 : mentionné dans les tables du Rec. Lebon

La loi ELAN du 23 novembre 2018 1)Article 80 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique. est venue couper le lien entre l’illégalité du PLU et les autorisations de construire lorsque l’illégalité du PLU n’affecte pas les règles d’urbanisme applicables au projet.

En effet, cette loi a intégré au sein du code de l’urbanisme un nouvel article L. 600-12-1 aux termes duquel :

« L’annulation ou la déclaration d’illégalité d’un schéma de cohérence territoriale, d’un plan local d’urbanisme, d’un document d’urbanisme en tenant lieu ou d’une carte communale sont par elles-mêmes sans incidence sur les décisions relatives à l’utilisation du sol ou à l’occupation des sols régies par le présent code délivrées antérieurement à leur prononcé dès lors que ces annulations ou déclarations d’illégalité reposent sur un motif étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet. / Le présent article n’est pas applicable aux décisions de refus de permis de construire ou d’opposition à déclaration préalable. Pour ces décisions, l’annulation ou l’illégalité du document d’urbanisme leur ayant servi de fondement entraîne l’annulation de ladite décision ».

L’annulation d’un PLU ne peut donc plus entraîner l’annulation d’un permis de construire délivré avant le prononcé du jugement d’annulation du PLU dès lors que l’illégalité du PLU ne résulte pas de motifs qui affectent le projet autorisé par le permis.

Dans le cadre de l’avis commenté, le Conseil d’Etat saisi par le tribunal administratif de Grenoble 2)TA Grenoble 30 décembre 2019, req. n° 1705661. en application des dispositions de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, devait se prononcer sur l’application dans le temps de cette nouvelle disposition en répondant à la question suivante :

« L’inopérance du moyen tiré de l’exception d’illégalité du plan local d’urbanisme prévue par l’article L. 600-12-1 du code de l’urbanisme, entré en vigueur le 1er janvier 2019, s’applique-t-elle immédiatement dans les instances en cours ou faut-il prendre en compte la date de délivrance du permis de construire, la date d’introduction de la requête ou la date à laquelle le moyen a été soulevé ».

Dans son avis du 17 juin 2020, le Conseil d’Etat confirme l’application immédiate de ces dispositions au motif que :

« Les dispositions de l’article L. 600-12-1 du code de l’urbanisme précédemment citées contribuent à la définition des conditions dans lesquelles le juge apprécie, à l’occasion du recours pour excès de pouvoir contre une autorisation d’urbanisme, l’opérance des moyens dirigés, par la voie de l’exception d’illégalité, contre un document d’urbanisme existant ou tirés de ce que l’annulation d’un tel document, sur le fondement duquel l’autorisation a été délivrée, entraîne par voie de conséquence l’annulation de cette dernière. Ces dispositions, qui n’affectent pas la substance du droit de former un recours pour excès de pouvoir contre une décision administrative, sont, en l’absence de dispositions contraires expresses, immédiatement applicables aux instances en cours ».

Cet avis fait notamment écho à des avis et décisions suivants rendus par le Conseil d’Etat :

  • un avis rendu le 18 juin 2014 3)CE 18 juin 2014 SCI Mounou, Monsieur B., SARL Colomes Immobilier, SARL Beaupré et Monsieur A., req. n° 376113. où le Conseil d’Etat avait tranché le débat relatif aux modalités d’application des dispositions procédurales introduites par l’ordonnance du 18 juillet 2013 4)Ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme, entrée en vigueur le 19 août 2013. aux instances en cours 5)Voir également notre commentaire sur le blog.Le Conseil d’Etat avait, à cette occasion, expliqué, concernant les articles 600-5 et L. 600-7 C.U. 6)Ces articles portent sur le pouvoir du juge administratif, dans les instances contre une autorisation d’urbanisme, de permettre une régularisation de l’autorisation (art. L. 600-5) et d’allouer des dommages et intérêts en cas de préjudice excessif causé au pétitionnaire (art. L. 600-7)., que lorsqu’une nouvelle disposition n’institue que des « règles de procédure concernant exclusivement les pouvoirs du juge administratif » ; dans ce cas, elle a vocation à s’appliquer à toutes les instances en cours au jour de l’entrée en vigueur de l’ordonnance. Dans ce même avis, le Conseil d’Etat a expliqué, par ailleurs concernant les articles L. 600-1-2 et L. 600-1-3 C.U. sur l’intérêt à agir, que lorsqu’une nouvelle disposition affecte la « substance du droit de former un recours pour excès de pouvoir » ; dans ce cas, elle ne peut s’appliquer qu’aux recours introduits après l’entrée en vigueur de l’ordonnance et non aux instances en cours ;
  • un avis du même jour 7)CE 18 juin 2014 Société Batimalo et commune de Saint-Malo, req. n° 376760 dans lequel le Conseil d’Etat avait à trancher sur l’application dans le temps de l’article 600-5-1 du code de l’urbanisme relatif au sursis à statuer pour permettre une régularisation de la décision contestée, créé par l’article 2 de l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme, a également expliqué que : «  Les dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, qui instituent des règles de procédure concernant exclusivement les pouvoirs du juge administratif en matière de contentieux de l’urbanisme, sont, en l’absence de dispositions expresses contraires, d’application immédiate aux instances en cours » ;
  • une décision du 22 décembre 2017 8)CE 22 décembre 2017, B. A., req. n° 395963, v. également notre article sur le blog. : dans laquelle le Conseil d’Etat a, dans la continuité des avis de 2014, considéré que « les dispositions de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme, qui instituent des règles de procédure qui ne concernent que les pouvoirs du juge administratif en matière de contentieux de l’urbanisme, sont, en l’absence de dispositions expresses contraires, d’application immédiate aux instances en cours, y compris lorsque, comme en l’espèce, les actes attaqués ont été adoptés avant leur entrée en vigueur ; ».

 

 

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References   [ + ]

1. Article 80 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.
2. TA Grenoble 30 décembre 2019, req. n° 1705661.
3. CE 18 juin 2014 SCI Mounou, Monsieur B., SARL Colomes Immobilier, SARL Beaupré et Monsieur A., req. n° 376113.
4. Ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme, entrée en vigueur le 19 août 2013.
5. Voir également notre commentaire sur le blog
6. Ces articles portent sur le pouvoir du juge administratif, dans les instances contre une autorisation d’urbanisme, de permettre une régularisation de l’autorisation (art. L. 600-5) et d’allouer des dommages et intérêts en cas de préjudice excessif causé au pétitionnaire (art. L. 600-7).
7. CE 18 juin 2014 Société Batimalo et commune de Saint-Malo, req. n° 376760
8. CE 22 décembre 2017, B. A., req. n° 395963, v. également notre article sur le blog.

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