Les limites au pouvoir de sursis à exécution du préfet ou la suspension de la suspension du PLU

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

October 2014

Temps de lecture

5 minutes

Par une décision Ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité c/ Commune de Privas, n° 377088 du 15 octobre 2014, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la faculté dont dispose le préfet de suspendre le caractère exécutoire d’un plan local d’urbanisme à l’occasion de son contrôle de légalité, en application de l’article L. 123-12 du code de l’urbanisme dans sa version applicable au litige.

A l’occasion du pourvoi dont il était saisi, le Conseil d’Etat a également eu à se prononcer sur la transmission ou non au Conseil constitutionnel d’une question tenant à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article L. 123-12 du code précité.

Dans la présente affaire, le conseil municipal de commune de Privas a, par une délibération du 16 décembre 2013, approuvé le plan local d’urbanisme.

Cette délibération a ensuite été transmise au préfet de l’Ardèche afin de satisfaire aux conditions posées par l’article L. 123-12 du code de l’urbanisme – le respect de ces formalités permettant de conférer au document d’urbanisme un caractère exécutoire.

Toutefois, par une décision du 13 janvier 2014, le préfet de l’Ardèche a, sur le fondement de l’article précité, décidé de surseoir au caractère exécutoire du PLU et a demandé au maire de la commune de Privas d’apporter des modifications au document d’urbanisme pour prendre en compte les risques miniers, « en interdisant dans tous les secteurs concernés par une zone d’aléa, toute nouvelle construction ou modification substantielle du bâti ».

La commune a donc saisi, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, le tribunal administratif de Lyon d’une requête en référé tendant à obtenir la suspension de la décision préfectorale.

Par une ordonnance du 24 février 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a fait droit à la requête de la commune et ainsi suspendu l’exécution de la décision litigieuse.

Cependant, la Ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité s’est pourvue en cassation au motif que le juge des référés aurait commis une erreur de droit « en regardant comme sérieux le moyen tiré de ce que le PLU de la commune […] ne compromettait pas l’objectif de sécurité publique ».

De son côté, la Commune de Privas a, naturellement, conclu au rejet du pourvoi.

Elle a par ailleurs demandé au Conseil d’Etat, au soutien de sa défense, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article L. 123-12 du code de l’urbanisme en soutenant que cette disposition méconnaissait le principe de libre administration des collectivités territoriales garanti par l’article 72 de la Constitution dans la mesure où l’acte approuvant le PLU ne devient exécutoire qu’après que la commune ait effectué les modifications demandées par le préfet.

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat a refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité (I), avant de rejeter, dans un second temps, le pourvoi présenté par la Ministre (II).

I- La non transmission de la question prioritaire de constitutionnalité

Au préalable, le Conseil d’Etat a rappelé, conformément au premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que la question prioritaire de constitutionnalité dont il était saisi ne pouvait être transmise que sous réserve de satisfaire à trois conditions cumulatives à savoir :

– que la disposition en cause soit applicable au litige ;
– qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstance ;
– et enfin, que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

Analysant les dispositions de l’article en cause, le Conseil d’Etat a toutefois écarté le moyen en considérant que celui-ci ne présentait pas de caractère sérieux.

L’article L. 123-12 précité, dispose, dans sa version applicable au litige, que :

« Dans les communes non couvertes par un schéma de cohérence territoriale, l’acte publié approuvant le plan local d’urbanisme devient exécutoire un mois suivant sa transmission au préfet. Toutefois, il ne devient exécutoire qu’après l’intervention des modifications demandées par le préfet lorsque celui-ci, dans le délai d’un mois mentionné au premier alinéa, notifie par lettre motivée à l’établissement public de coopération intercommunale ou à la commune les modifications qu’il estime nécessaire d’apporter au plan, lorsque les dispositions de celui-ci : / a) Ne sont pas compatibles avec les directives territoriales d’aménagement maintenues en vigueur après la publication de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement ou avec les prescriptions particulières prévues par le III de l’article L. 145-7 et, en l’absence de celles-ci, avec les dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral mentionnées à l’article L. 111-1-1 ; / b) Compromettent gravement les principes énoncés aux articles L. 110 et L. 121-1, sont contraires à un projet d’intérêt général, autorisent une consommation excessive de l’espace, notamment en ne prévoyant pas la densification des secteurs desservis par les transports ou les équipements collectifs, ou ne prennent pas suffisamment en compte les enjeux relatifs à la préservation ou à la remise en bon état des continuités écologiques […] ».

Toutefois, selon le Conseil d’Etat, si l’article 72 de la Constitution prévoit que les collectivités territoriales « s’administrent librement par des conseils élus », il précise également – et au préalable – que cette libre administration ne s’exerce que « dans les conditions prévues par la loi ».

Or, le pouvoir conféré au préfet de suspendre le caractère exécutoire de l’acte approuvant le PLU est justifié par « un objectif d’intérêt général consistant à assurer la compatibilité du plan [local d’urbanisme] avec les principes et documents d’urbanisme » que l’article L. 123-12 (et donc la loi) mentionne.

Par conséquent, le Conseil d’Etat en déduit que le « moyen tiré de ce que les dispositions litigieuses porteraient à la libre administration des collectivités territoriales une atteinte qui excéderait la réalisation de l’objectif général poursuivi ne présente pas de caractère sérieux ».

Dès lors, la question précitée ne réunit pas les conditions cumulatives exigées pour être transmise au Conseil constitutionnel.

Après avoir refusé la transmission au Conseil constitutionnel, le Conseil d’Etat rejette le pourvoi présenté par la Ministre, confirmant ainsi la suspension de la décision par laquelle le préfet a suspendu le caractère exécutoire de la délibération approuvant le PLU.

II- Le rejet du pourvoi

Le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a considéré que le moyen selon lequel le PLU ne compromettait pas l’objectif de sécurité publique énoncé à l’article L. 110 du code de l’urbanisme était de nature à créer un doute sur la légalité de la décision préfectorale.

La Ministre, sollicitant l’annulation de l’ordonnance du juge des référés, arguait de ce que ledit juge aurait commis une erreur de droit, aux motifs, d’une part, « que le classement en zone naturelle de la majeur partie des terrains de la commune exposés au risque minier ne permet[tait] pas d’assurer la prévention du risque minier et de la sécurité publique » et que, d’autre part, « les risques en question ne [pouvaient] être prévenus par des prescriptions techniques concernant les constructions plutôt qu’une interdiction de construire ».

Toutefois, le Conseil d’Etat a écarté cette argumentation en considérant, s’agissant du classement en zone naturelle et forestière (en l’espèce, de « la majeure partie des terrains exposés à un faible aléa »), qu’un tel classement avait pour conséquence, conformément à l’article R. 123-8 du code de l’urbanisme, de n’autoriser dans ces secteurs les installations et constructions « que de manière exceptionnelle ».

Par ailleurs, contrairement à l’argumentation de la requérante, le Conseil d’Etat a considéré, au visa de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, que le respect de la sécurité publique pouvait suffisamment être pris en compte par l’édiction dans le PLU « d’un ensemble de prescriptions […], notamment des […] prescriptions techniques dans les secteurs à faible aléa ».

Dès lors, les dispositions du PLU de la commune de Privas, par le classement en zone naturelle, d’une part, et par l’édiction de prescriptions spécifiques d’autre part, permettent d’assurer la prévention du risque minier et la sécurité publique.

En d’autres termes, le juge des référés n’a commis aucune erreur de droit en jugeant que la requérante n’était pas fondée à soutenir que seule une interdiction de construire permettait de prévenir ledit risque.

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