Limitation des pouvoirs de régularisation du juge administratif à l’encontre d’une déclaration d’utilité publique

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

June 2024

Temps de lecture

2 minutes

CE 14 juin 2024 SCI Les Marchés Méditerranéens, req. n° 475559

Si la mouvance jurisprudentielle de ces dernières années a eu pour but d’octroyer au juge de l’excès de pouvoir une faculté de régularisation toujours plus étendue, le Conseil d’Etat prend aujourd’hui le contrepied en matière de déclaration d’utilité publique (DUP).

Par un arrêt Commune de Grabels 1)CE 9 juillet 2021 Commune de Grabels, req. n°437634 : Publié au Rec. CE, le Conseil d’Etat avait pu admettre qu’il soit sursis à statuer pour permettre la régularisation d’un vice de procédure affectant une DUP. Mais cette jurisprudence ne prévoyait que les cas dans lesquels le juge administratif était saisi par voie d’action, laissant un vide juridique en ce qui concerne les vices affectant une DUP soulevés par voie d’exception.

C’est l’enjeu de la présente décision.

En l’espèce, le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré d’utilité publique les travaux de réalisation de la zone d’aménagement concerté dite « Littorale » à Marseille le 27 février 2017 et, par un second arrêté du même jour, déclaré cessible les immeubles visés par l’opération. C’est de ce dernier arrêté que la SCI Les Marchés Méditerranéens a demandé l’annulation. Et à l’appui de ses conclusions dirigées contre l’arrêté de cessibilité, elle a excipé de l’illégalité de la DUP en ce que l’avis de l’autorité environnementale sur la déclaration serait irrégulier.

Statuant après renvoi de l’affaire par le Conseil d’Etat, la CAA de Marseille a annulé l’arrêté de cessibilité en considérant que le vice de procédure affectant la DUP était insusceptible d’être régularisé dans le cadre du recours dirigé contre l’arrêté de cessibilité.

Ce raisonnement est validé par l’arrêt du Conseil d’Etat du 14 juin 2024.

Après avoir rappelé le principe selon lequel le juge administratif, saisi par voie d’action, peut surseoir à statuer dans l’attente de la régularisation d’un vice de procédure affectant une DUP, le Conseil d’Etat précise :

« Il en va toutefois différemment lorsqu’est invoqué par voie d’exception, à l’appui de conclusions dirigées contre un arrêté de cessibilité, un vice affectant l’acte déclaratif d’utilité publique sur le fondement duquel cet arrêté de cessibilité a été pris ».

Le juge de l’excès de pouvoir se trouve désormais contraint à une régularisation uniquement par la voie de l’action en ce qui concerne les DUP.

Cette décision revêt une portée plus lourde qu’il n’y paraît puisque, mise en perspective avec la jurisprudence Commune de Mitry-Mory 2)CE 4 août 2021 Commune de Mitry-Mory, req. n°458524 : Mentionné au Rec. CE., par laquelle le Conseil d’Etat admet que la légalité d’une déclaration d’utilité publique puisse être contestée par voie d’exception à l’appui de conclusions dirigées contre l’arrêté de cessibilité, en dépit de son caractère définitif, elle permet in fine de faire tomber systématiquement par la voie de l’exception une DUP entachée d’un vice de procédure, alors même qu’elle serait devenue définitive.

 

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References   [ + ]

1. CE 9 juillet 2021 Commune de Grabels, req. n°437634 : Publié au Rec. CE
2. CE 4 août 2021 Commune de Mitry-Mory, req. n°458524 : Mentionné au Rec. CE.

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