L’installation et l’utilisation à titre précaire et temporaire d’accessoires de plage par les piétons n’excèdent pas le droit d’usage qui est reconnu à tous sur la dépendance de ce domaine public

Catégorie

Droit administratif général, Environnement

Date

April 2021

Temps de lecture

4 minutes

CE, 12 mars 2021, Société Hôtelière d’Exploitation de la Presqu’île et M. B., req. 443392 : Rec. T CE

Dans cet arrêt du 12 mars 2021, le Conseil d’Etat pose un certain nombre de critères visant à établir si l’installation de biens mobiliers sur le domaine public maritime qu’est la plage est constitutive d’une occupation du domaine public nécessitant une autorisation d’occupation temporaire du domaine public maritime (1). Par la même occasion, il apporte des précisions sur l’appréciation de l’urgence à ordonner l’enlèvement de biens mobiliers dans le cadre d’un référé conservatoire exercé en application des dispositions de l’article L. 521-3 du code de justice administrative (2).

1.     L’installation et l’utilisation, à titre précaire et temporaire, d’accessoires de plage ne nécessitent pas d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public maritime

Pour mémoire, les dispositions de l’article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) réservent le qualificatif d’occupation aux hypothèses dans lesquelles l’utilisation du domaine public dépasse le droit d’usage qui appartient à tous, en précisant au premier alinéa que « nul ne peut, sans disposer d’un titre l’y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1 ou l’utiliser dans des limites dépassant le droit d’usage qui appartient à tous ».

L’article L. 2124-4 du même code précise quant à lui que « l’accès des piétons aux plages et leur usage libre et gratuit par le public sont régis par les dispositions de l’article L. 321-9 du code de l’environnement ».

Au cas d’espèce, la Haute juridiction a donc été amenée à appliquer les dispositions précitées en combinaison des dispositions de l’article L. 321-9 du code de l’environnement qui précisent que « l’accès des piétons aux plages est libre sauf si des motifs justifiés par des raisons de sécurité, de défense nationale ou de protection de l’environnement nécessitent des dispositions particulières. L’usage libre et gratuit par le public constitue la destination fondamentale des plages au même titre que leur affectation aux activités de pêche et de cultures marines ».

La question principale posée au Conseil d’Etat consistait à savoir si la mise à disposition de biens mobiliers (parasols et chaises longues) par une société disposant d’un établissement hôtelier au bord de mer nécessitait une autorisation d’occupation temporaire du domaine public maritime. De prime abord, la logique des textes précités aurait pu laisser penser que la Haute juridiction répondrait évidemment par la positive.

Toutefois, le Conseil d’Etat apporte quelques réserves à sa réponse, en considérant que :

« l’installation et l’utilisation à titre précaire et temporaire d’accessoires de plage par les piétons n’excèdent pas le droit d’usage qui est reconnu à tous sur la dépendance du domaine public maritime qu’est la plage, en vertu des dispositions combinées des articles L. 2122-1, L. 2124-4 du code général de la propriété des personnes publiques et de l’article L. 321-9 du code de l’environnement, quand bien même ce matériel ne serait pas la propriété des usagers concernés et aurait été mis à leur disposition par des tiers dans l’exercice d’une activité commerciale, dès lors qu’il est utilisé sous leur responsabilité, pour la seule durée de leur présence sur la plage et qu’il est retiré par leurs soins après utilisation ».

Ainsi, pour déterminer si l’accessoire de plage nécessite une autorisation d’occupation du domaine public maritime, le Conseil d’Etat opère une distinction, selon que cet accessoire ait ou non été installé puis retiré par le piéton après utilisation. En effet, si le bien mobilier est utilisé par le piéton sous sa responsabilité et pour la seule durée de sa présence sur la plage, puis retiré par ses soins après utilisation, le Conseil d’Etat considère que cette utilisation n’excède pas le droit d’usage qui est reconnu à tous sur la dépendance du domaine public maritime, et ce quand bien même l’accessoire ne serait pas la propriété des usagers concernés et aurait été mis à leur disposition par des tiers dans l’exercice d’une activité commerciale.

En revanche, s’il n’est pas démontré, comme au cas d’espèce, que les usagers concernés installent eux-mêmes les biens immobiliers puis les retirent après utilisation, l’installation de ces biens mobiliers sur la plage, même à titre temporaire, est constitutive d’une occupation privative du domaine public maritime par la personne propriétaire de ces biens.

2.     L’urgence à ordonner l’enlèvement de biens mobiliers sur la plage est caractérisée par la nécessité de rétablir le libre accès des piétons à la plage et de permette l’exercice de prérogatives et de missions de service public sur le domaine public

Outre les parasols et chaises longues, l’enlèvement d’un ponton non démontable était également au cœur de l’affaire. Si l’installation de ce ponton était nécessairement constitutive d’une occupation privative du domaine public – du fait qu’il ne pouvait être retiré après utilisation – la question se posait, toutefois, de l’urgence à en ordonner l’enlèvement, qui constitue l’une des conditions du référé conservatoire prévu à l’article L. 521-3 du code justice administrative.

En effet pour mémoire, ce référé, qui permet de demander au juge toute mesure utile avant même que l’administration ait pris une décision, ne peut aboutir que si d’une part, le requérant justifie d’une urgence à prendre la mesure et, d’autre part, la mesure demandée est nécessaire et ne va pas à l’encontre d’une décision administrative existante.

Au cas d’espèce, le Conseil d’Etat a estimé qu’il y avait urgence à ordonner l’enlèvement du ponton installé par la société dans le cadre de son activité commerciale de résidence de tourisme, hôtel, restaurant, en précisant qu’« en se fondant, pour justifier de l’urgence à ordonner l’enlèvement du ponton non démontable implanté par la société SHEP sur la plage, sur la nécessité de rétablir le libre accès des piétons à la plage et de permettre l’exercice des prérogatives et missions de service public, notamment de sécurité, en tout point du domaine public, après avoir relevé que cette mesure n’était pas de nature à nuire à la sécurité publique ou à porter atteinte à l’exercice des missions de secours, le juge des référés a souverainement apprécié les faits de l’espèce, sans les dénaturer, et n’a pas commis d’erreur de droit ».

Ainsi, en matière d’occupation illégale du domaine public maritime, l’urgence à ordonner l’enlèvement de biens mobiliers sur la plage peut être justifiée par la nécessité de rétablir le libre accès des piétons à la plage, ainsi que par la nécessité de permettre l’exercice des prérogatives et missions de service public, notamment de sécurité, en tout point du domaine public.

 

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