L’obligation de notification des recours contre les permis de construire à leur bénéficiaire n’a pas encore épuisé ses charmes

Catégorie

Droit administratif général, Urbanisme et aménagement

Date

December 2014

Temps de lecture

3 minutes

CE 28 novembre 2014 commune de Cachan, req. n° 367968 : Mentionné aux T. du Rec. CE conclusions Alexandre Lallet

L’arrêt rendu par le Conseil d’Etat, mentionné aux tables du Recueil Lebon, apporte une précision utile s’agissant des modalités de notification des recours contentieux à l’encontre des décisions relatives à l’occupation ou à l’utilisation du sol en application de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme.

On sait que l’auteur d’un recours doit notifier celui-ci à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation lorsque, le recours ayant été en tout ou en partie rejeté en première instance, son auteur décide d’interjeter appel du jugement du tribunal administratif (CE sect. avis 26 juillet 1996 Commune de Triel-sur-Seine et société Horde-Batisseurs SA, req. n° 180373).

Dans cette affaire, le syndicat de copropriétaires a adressé à la cour le 10 mars 2008 un « acte d’appel », par lequel il indique interjeter appel du jugement rendu par le tribunal, qui lui est joint. Le document annonce un mémoire comportant des moyens d’appel, qui a effectivement été produit le 27 mars, dans le délai d’appel. Mais seul « l’acte d’appel » a fait l’objet de la notification prévue à l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme.

Les intimés ont donc soulevé une fin de non recevoir consistant à soutenir que la notification établie en application de l’article R. 600-1 devait établie au stade du mémoire ampliatif.

Le Conseil d’Etat, confirmant sur ce point le raisonnement de la cour, écarte cette argumentation au motif que « (…) la circonstance que ce recours ne contienne l’exposé d’aucun fait ni d’aucun moyen est sans incidence sur le respect de cette obligation ».

Appliquant ce principe au litige dont il se trouve saisi, le Conseil d’Etat a estimé que la cour administrative d’appel n’avait pas commis d’erreur de droit en jugeant que le syndicat requérant avait satisfait à l’obligation prévue par l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme en notifiant cette requête à la commune et au titulaire du permis « alors même qu’elle ne contenait pas l’exposé de moyens et que le mémoire motivé enregistré le 27 mars 2008, qui l’avait régularisée, n’avait pas fait l’objet d’une telle notification ».

Nous comprenons que le Conseil d’Etat n’a pas considéré que la notification d’un mémoire dépourvu de moyens ne permettait pas à ses destinataires de mesurer le degré de sérieux de la requête, parce que la lecture littérale de l’article R.600-1 ne permet pas de confondre la question de la recevabilité du recours et celle de la saisine du juge par un recours.

Rappelons que l’article R. 600-1 prévoit « l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation ».

Si le Conseil d’Etat a déjà indiqué que cette obligation impose que soit notifié « une copie du texte intégral » du recours, et non une simple lettre en mentionnant l’existence (Avis CE 1er mars 1996 Association Soisy Etiolles Environnement, n° 175126 : Rec. CE), le rapporteur public rappelle les conclusions de JC Bonichot qui précisait que « c’est le recours initial lui-même qui doit être notifié et rien d’autre. Il nous semble donc qu’il faut limiter la notification à l’acte introductif d’instance, c’est-à-dire la requête sommaire à l’exclusion des pièces qui pourraient être jointes. Il s’agit, en effet, d’informer et non d’empiéter sur l’organisation par le juge du débat contentieux. (…) Ce qu’a voulu le législateur, c’est que l’auteur ou le bénéficiaire d’une décision soient informés de ce qu’elle est portée devant le juge et cela le plus vite possible, mais rien de plus ».

Et, Alexandre Nallet conclut que « l’existence d’un recours ne dépend pas de la présence de moyens ».

Il faut ici reprendre les dispositions de l’article R. 411-1 du code de justice administrative pour comprendre où se situe le débat : « l’auteur d’une requête ne contenant l’exposé d’aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d’un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu’à l’expiration du délai de recours ».

Ainsi, à l’instar du rapporteur public sur l’arrêt commenté on peut retenir que « lorsque le juge d’appel est saisi, dans le jargon judiciaire, d’une « déclaration d’appel », c’est-à-dire d’un mémoire sommaire sans moyens, il est bien saisi d’un « recours ». C’est donc ce dernier qui doit être notifié. L’absence de moyens voue certes cette requête à l’irrecevabilité, en l’absence de régularisation dans le délai. Mais il nous paraît hautement souhaitable de ne pas mélanger la question de la notification du recours avec celle de sa recevabilité en raison de sa motivation. »

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