L’obligation de réalisation d’une contre-expertise indépendante dans le cadre d’une enquête publique s’applique également à la modification qui remet en cause les données fondamentales du projet déjà autorisé

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

July 2022

Temps de lecture

3 minutes

CE 22 juin 2022 Association France Nature Environnement Ile de France et autres req n°450701 : mentionné aux tab.rec

Par une décision du 22 juin 2022, les juges du Palais-Royal sont venus apporter d’utiles précisions quant à l’obligation de réaliser une contre-expertise indépendante prévue par l’article 3 du décret n°2013-1211 du 23 décembre 2013 relatif à la procédure d’évaluation des investissements publics, dans le cadre de la modification d’un projet déclaré d’utilité public déjà autorisé.

Pour un bref rappel du contexte, un consortium d’associations requérantes emmenées par l’association France nature environnement Ile-de-France ont introduit, près le Conseil d’Etat, une requête tendant à l’annulation du décret n°2021-26 du 14 janvier 2021 modifiant le décret n°2017- 425 du 28 mars 2017 déclarant d’utilité publique et urgent les travaux nécessaires à la réalisation du tronçon de métro automatique du réseau de transport public du Grand Paris reliant les gares Aéroport d’Orly à Versailles Chantiers et emportant de ce fait mise en compatibilité des documents d’urbanisme des communes d’Orsay, Palaiseau et Wissous, par l’EPIC du Grand Paris.

L’un des principaux moyens du recours portait sur l’absence de réalisation d’une contre-expertise dans le dossier soumis à enquête publique.

Le Conseil d’Etat devait donc déterminer dans quelles mesures les dispositions issues de l’article 3 du décret du 23 décembre 2013 relatif à la procédure d’évaluation des investissements publics prévoyant la mise en œuvre d’une contre-expertise d’évaluation indépendantes trouvent à s’appliquer en cas de modification d’un projet d’expropriation pour cause d’utilité publique déjà autorisé.

1.    Les hypothèses dans lesquelles la modification d’un projet déjà autorisé est soumise à l’obligation de contre-expertise

Les juges du Palais Royal, après avoir rappelé que l’obligation de contre-expertise prévue par l’article 3 du décret n°2013-1211 « trouve à s’appliquer non seulement pour un projet dont le montant de financement public dépasse les seuils ainsi fixés 1)« I. – Sans préjudice des autres obligations réglementaires, la réalisation d’une contre-expertise indépendante est obligatoire si le financement du projet par les personnes morales mentionnées au II de l’article 1er atteint au moins 100 000 000 euros hors taxe et représente au moins 5 % du montant total hors taxe du projet d’investissement. » (Art. 3 du décret n°2013-1211 », précise qu’elle s’applique également « en cas de modification d’un projet déjà autorisé » :

  • soit « lorsque la modification entraîne un dépassement des seuils de financement public prévus par cette disposition »
  • soit « lorsque la modification apportée porte elle-même sur des montants supérieurs à ces seuils».

En l’occurrence, dans cette affaire, les modifications apportées au projet par la déclaration d’utilité publique modificative ont entrainé, d’une part, un accroissement du coût des besoins en financement public supérieur au seuil règlementaire des 100 000 000 euros HT et ont représenté, d’autre part, au moins 5% du montant total HT du projet d’investissement.

Partant, le Conseil d’Etat en a conclu que la modification apportée nécessitait la réalisation d’une nouvelle contre-expertise qui, en l’espèce, n’avait pas été effectuée.

2.   L’absence de réalisation de contre-expertise indépendante : un vice « danthonysable »

Néanmoins, le Conseil d’Etat a fait application de sa célèbre décision d’Assemblée Danthony 2)CE, Ass., 23 décembre 2011, Danthony, req. n°335033 : Rec. CE., pour sauver la déclaration d’utilité publique modificative.

Précisément, la Haute juridiction a considéré, qu’en l’espèce, l’absence de contre-expertise n’est pas de nature à nuire à l’information du public ni à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative dans la mesure où une première contre-expertise avait déjà été réalisée et qu’ainsi, pour la seconde :

« il ressort des pièces du dossier que l’analyse socio-économique qui figurait dans le dossier d’enquête indiquait clairement les différentes évolutions par rapport aux projections faites initialement et tenait compte et répondait aux observations faites dans le cadre de la contre-expertise et par le secrétaire général pour l’investissement. »

Cette solution est à mettre en lien avec une précédente décision du Conseil d’Etat selon laquelle les irrégularités affectant les modalités de publication d’un avis d’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique 3)CE, 3 juin 2013, Cne de Noisy-le-Grand, req. n°345174 : Rec. T. CE ne vicient la procédure et n’entrainent l’annulation de la décision prise à l’issue de celle-ci que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information du public ou d’exercer une influence sur les résultats de l’enquête.

 

 

 

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1. « I. – Sans préjudice des autres obligations réglementaires, la réalisation d’une contre-expertise indépendante est obligatoire si le financement du projet par les personnes morales mentionnées au II de l’article 1er atteint au moins 100 000 000 euros hors taxe et représente au moins 5 % du montant total hors taxe du projet d’investissement. » (Art. 3 du décret n°2013-1211
2. CE, Ass., 23 décembre 2011, Danthony, req. n°335033 : Rec. CE.
3. CE, 3 juin 2013, Cne de Noisy-le-Grand, req. n°345174 : Rec. T. CE

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