L’obligation de réaliser une évaluation environnementale ne doit pas dépendre exclusivement de la taille du projet

Catégorie

Environnement

Date

June 2023

Temps de lecture

3 minutes

CJUE 25 mai 2023 WertInvest Hotelbetriebs GmbH, aff. C-575/21

Par une décision en date du 25 mai 2023, la Cour de Justice de l’Union Européenne a jugé que l’obligation de réaliser une évaluation des incidences environnementales d’un projet d’aménagement urbain ne pouvait dépendre exclusivement de sa taille.

En l’espèce, une entreprise autrichienne avait déposé une demande de permis de construire pour un projet d’aménagement dans le centre historique de Vienne, classé au patrimoine mondial de l’Unesco. L’entreprise envisageait la démolition d’un hôtel et la construction de nouveaux bâtiments affectés à différents usages pour une surface de plancher brute de 89 000 m2 et une surface de 1,55 ha.

Confrontée à l’absence de réponse de la ville, l’entreprise a saisi le tribunal administratif de Vienne 1)Verwaltungsgericht Wien d’un recours en carence. Devant la juridiction, la requérante soutenait que, compte tenu des seuils et des critères prévus par le droit autrichien, son projet n’était pas soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement.

Suivant les dispositions invoquées 2)annexe 1, point Z 18, sous b), de l’UVP-G 2000, sont soumis à évaluation des incidences sur l’environnement les travaux d’aménagement urbain avec une surface occupée d’au moins 15 ha et une surface brute de plancher de plus de 150 000 m2 . Le projet se situait manifestement en deçà de ces seuils.

Le tribunal administratif de Vienne s’est toutefois interrogé sur la compatibilité de cette disposition avec la directive 2011/92 3)directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, a décidé de sursoir à statuer et de poser une question préjudicielle. La juridiction de renvoi a demandé, en substance, si la directive 2011/92 obligeait un Etat membre à soumettre à évaluation environnementale un projet qui ne franchit pas les critères et les seuils qu’il a fixés mais qui est susceptible d’avoir des incidences sur l’environnement.

La Cour rappelle que :

  • les Etats membres doivent déterminer, sur la base d’un examen au cas par cas et/ou sur la base des seuils ou des critères fixés par eux, si un projet de travaux d’aménagement urbain doit être soumis à une évaluation de ses incidences sur l’environnement,
  • un projet de dimension même réduite peut avoir des incidences notables sur l’environnement,
  • lorsque les Etats membres fixent des seuils ou des critères, leur marge d’appréciation est réduite par l’obligation de soumettre à évaluation environnementale les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation,
  • les critères mobilisés par les Etats membres doivent être pertinents : dimension du projet et cumul avec d’autres projets, localisation ou encore caractéristiques de l’impact potentiel du projet.

A la suite de ces quelques rappels, la Cour estime que la République d’Autriche a outrepassé par deux fois sa marge d’appréciation.

Premièrement, un Etat membre ne saurait fixer des seuils ou des critères en ne tenant compte que des dimensions des projets, sans prendre en considération les autres critères pertinents 4)point 42. La Cour indique qu’en l’espèce, le projet se situant au cœur d’un site classé au patrimoine mondial, un critère lié à la localisation du projet s’avèrerait pertinent 5)point 45.

Secondement, un Etat membre ne saurait fixer de seuils qui, en pratique, soustrairaient les projets d’un certain type de l’obligation d’évaluation environnementale.

Or, dans un environnement urbain dans lequel l’espace est limité, des seuils d’occupation d’une surface d’au moins 15 ha et de surface brute de plancher de plus de 150 000 m2 sont tellement élevés que, en pratique, la majorité des projets de travaux d’aménagement urbain est d’avance soustraite à l’obligation de réaliser une évaluation de leurs incidences sur l’environnement 6)point 47.

La République d’Autriche devra donc réformer le régime relatif à l’évaluation environnementale pour se conformer à la directive 2011/92/UE.

En ce qui concerne la France, les dispositions du code de l’environnement apparaissent conformes à la directive précitée.

  • Premièrement, tous les critères pertinents sont mobilisés dans la nomenclature annexée à l’article R. 122-2 du code de l’environnement 7)nomenclature annexée à l’art. R. 122-2 c. env..
  • Ensuite, le code de l’environnement permet une évaluation au cas par cas 8)art. R. 122-2-1 c. env., créé par le décret n°2022-422 du 25 mars 2022 relative à l’évaluation environnementale des projets, à l’inverse de la législation autrichienne remise en question par la présente décision.
  • Enfin, l’introduction du dispositif de la « clause filet » 9)Pour mémoire, le Conseil d’Etat a estimé que les projets ne pouvaient être exemptés d’évaluation environnementale sur le seul critère de la dimension alors même qu’ils étaient susceptibles d’avoir une incidence notable sur l’environnement ou la santé[1]. Cette importante décision avait conduit à l’introduction du dispositif, créé par le décret n°2022-422 du 25 mars 2022 relative à l’évaluation environnementale des projets, désormais codifié à l’art. R. 122-2-1 c. env en droit français a pour objet soumettre des petits projets à une évaluation environnementale alors qu’ils en été exonérés par l’application des seuils prévus au code de l’environnement.

 

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References   [ + ]

1. Verwaltungsgericht Wien
2. annexe 1, point Z 18, sous b), de l’UVP-G 2000
3. directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement
4. point 42
5. point 45
6. point 47
7. nomenclature annexée à l’art. R. 122-2 c. env.
8. art. R. 122-2-1 c. env., créé par le décret n°2022-422 du 25 mars 2022 relative à l’évaluation environnementale des projets
9. Pour mémoire, le Conseil d’Etat a estimé que les projets ne pouvaient être exemptés d’évaluation environnementale sur le seul critère de la dimension alors même qu’ils étaient susceptibles d’avoir une incidence notable sur l’environnement ou la santé[1]. Cette importante décision avait conduit à l’introduction du dispositif, créé par le décret n°2022-422 du 25 mars 2022 relative à l’évaluation environnementale des projets, désormais codifié à l’art. R. 122-2-1 c. env

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