L’occupation des trottoirs par les clients de commerces dont les comptoirs ouvrent sur la rue n’est pas une occupation privative du domaine public

Catégorie

Contrats publics

Date

April 2014

Temps de lecture

3 minutes

CE 31 mars 2014 Commune d’Avignon, req. n° 362140 : mentionné aux Tables du Rec. CE

En 2010, le conseil municipal de la commune d’Avignon a instauré une redevance d’utilisation du domaine public pour tous les distributeurs automatiques bancaires installés en façade de bâtiments et accessibles directement depuis le domaine public, ainsi que pour tous les commerces exerçant leur activité au travers de vitrines ou de comptoirs ouvrant sur la voirie.

Cette « taxe trottoir » a été contestée par les commerçants concernés devant le tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté leur requête. Au contraire, la cour administrative d’appel de Marseille a annulé ce jugement ainsi que la délibération litigieuse. La commune d’Avignon s’est pourvue en cassation.

Le Conseil d’Etat rappelle les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) règlementant les occupations du domaine public 1) Articles L. 2122-1, L. 2125-1 et L. 2125-3 du CG3P. : l’occupation ou l’utilisation du domaine public n’est soumise à la délivrance préalable d’une autorisation que lorsqu’elle constitue un usage privatif de ce domaine, excédant le droit d’usage appartenant à tous ; la redevance d’occupation domaniale constitue la contrepartie de ce droit d’occupation ou d’utilisation privative ; si l’occupation est irrégulière, l’administration est fondée à solliciter de l’occupant une indemnité correspondant à ce qu’il aurait dû verser s’il avait été titulaire d’un titre autorisant une occupation privative. De ces règles, le Conseil d’Etat déduit que « l’occupation ou l’utilisation du domaine public dans les limites ne dépassant pas le droit d’usage appartenant à tous, qui n’est soumise à la délivrance d’aucune autorisation, ne peut, par suite, être assujettie au paiement d’une redevance ».

A côté de l’obligation de percevoir une redevance d’occupation domaniale pour les occupations privatives du domaine public, excepté dans certains cas limitativement énumérés par l’article L. 2125-1 du CGPPP, se trouve donc énoncée l’interdiction d’assujettir au paiement d’une redevance les utilisations du domaine public qui n’excèdent pas le droit d’usage appartenant à tous.

Et, pour le Conseil d’Etat, les juges marseillais n’ont commis aucune erreur de droit ni aucune erreur de qualification juridique des faits en jugeant que « la seule présence sur le domaine public, le temps d’une transaction bancaire ou commerciale, de la clientèle des établissements bancaires et commerciaux que la délibération litigieuse assujettit au paiement d’une redevance d’occupation du domaine public, n’est pas constitutive d’un usage privatif du domaine public par ces établissements, dès lors que ceux-ci ne disposent d’aucune installation sur le domaine public », et que « la présence momentanée des clients des établissements en cause sur le domaine public, le temps d’effectuer une transaction, qui n’est ni exclusive de la présence d’autres usagers du domaine public ni incompatible avec l’affectation de celui-ci, n’est pas constitutive, pour ces établissements, quand bien même elle est nécessaire au mode d’exercice de leur commerce, d’une occupation du domaine public excédant le droit d’usage qui appartient à tous ».

Confirmant une solution déjà retenue par certains juges du fond 2) Le tribunal administratif de Grenoble a déjà reconnu, par une décision remarquée qu’une redevance d’occupation du domaine public pour une activité commerciale amenant les clients à stationner quelques instants sur le domaine public était illégale : TA Grenoble 15 décembre 2009 Société lyonnaise de banque, Banque populaire des Alpes, Société générale, req. n° 0703737 : note (Ph.) Yolka, AJDA 2010, p. 682., la Haute Juridiction arrête que ce format d’utilisation ne s’assimile pas à une occupation privative du domaine public qui devrait faire l’objet d’une redevance d’occupation domaniale : dès lors que l’occupant n’empêche pas d’autres usagers d’utiliser le domaine public, ce dernier continue finalement d’appartenir à tout le monde. Cette grille d’analyse devrait solder les débats intéressant d’autres formats d’occupation ponctuelle et très limitée, tels que les distributeurs de journaux gratuits qui stationnent quelques heures le matin à la sortie du métro par exemple, toutefois, qu’en sera-t-il des occupations plus ambigües, telles que l’installation de barrières sur les trottoirs pour diriger la foule qui s’amoncelle pour un spectacle ?

La jurisprudence à venir fournira sans doute d’autres illustrations d’occupations excédant ou non le droit d’usage du domaine public qui appartient à tous.

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References   [ + ]

1. Articles L. 2122-1, L. 2125-1 et L. 2125-3 du CG3P.
2. Le tribunal administratif de Grenoble a déjà reconnu, par une décision remarquée qu’une redevance d’occupation du domaine public pour une activité commerciale amenant les clients à stationner quelques instants sur le domaine public était illégale : TA Grenoble 15 décembre 2009 Société lyonnaise de banque, Banque populaire des Alpes, Société générale, req. n° 0703737 : note (Ph.) Yolka, AJDA 2010, p. 682.

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