L’office du juge du référé lorsque des moyens nouveaux sont soulevés à l’oral le jour de l’audience

Catégorie

Contrats publics

Date

April 2013

Temps de lecture

3 minutes

CE 19 avril 2013 commune de Mandelieu-la-Napoule, req. n° 365617

L’exigence du respect du contradictoire peut être un exercice difficile pour le juge, notamment en matière de référé.

Si, en vertu de l’article L. 5 du code de justice administrative, les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l’urgence, le Conseil d’Etat vient de rappeler que cette préoccupation est au cœur d’une procédure équitable 1) Par une autre décision du même jour, le Conseil d’Etat a d’ailleurs précisé aux juges du fond la marche à suivre pour tenir compte d’une jurisprudence nouvelle intervenue après la clôture d’instruction mais avant le jugement, dans l’optique de respecter le principe du contradictoire : CE 19 avril 2013 CCI d’Angoulême, req. n° 340093..

En l’espèce, la commune de Mandelieu-la-Napoule avait lancé un appel d’offres ouvert en vue de la passation d’un marchés à bons de commande ayant pour objet la fourniture et la pose d’équipements ludiques, ainsi que la mise en œuvre de sols souples pour les aires communales de jeux. Dans le cadre de cette consultation, deux opérateurs économiques ont soumis leur candidature et déposé une offre.

Le 17 décembre 2012, l’un des candidats a été informé du rejet de son offre. Dans la foulée, il a formé un référé précontractuel et le tribunal administratif de Nice lui avait donné raison en estimant que l’attribution à la société requérante d’une note inférieure à son concurrent s’agissant du sous-critère du délai d’intervention ne se justifiait pas et qu’au regard de la pondération de ce critère et de l’écart de notation entre les deux offres, ce manquement était bien susceptible d’avoir lésé la société requérante.

La difficulté était que dans ses écritures, la société requérante n’avait soulevé aucun moyen tiré d’une erreur dans la notation de son offre. Ce n’est qu’à l’occasion de ses observations orales que l’avocat avait soulevé ce moyen.

Selon les juges azuréens, la commune avait, d’une part, été mis en mesure de présenter des observations en réponse et, d’autre part, l’acte d’engagement produit au cours de l’audience publique avait été soumis au contradictoire et non utilement contesté en défense.

La commune s’est pourvue en cassation et a fait valoir que l’exigence de contradictoire n’avait pas été respectée.

Elle a obtenu satisfaction, le Conseil d’Etat posant un nouveau principe important :

« (…) les décisions prises par le juge des référés sur le fondement de ces dispositions sont rendues à la suite d’une procédure particulière qui, tout en étant adaptée à la nature des demandes et à la nécessité d’assurer une décision rapide, doit garantir le caractère contradictoire de l’instruction ; que, si les parties peuvent présenter en cours d’audience des observations orales à l’appui de leurs écrits, elles doivent, si elles entendent soulever des moyens nouveaux, les consigner dans un mémoire écrit ; que le juge, qui ne saurait accueillir de tels moyens sans avoir mis le défendeur à même de prendre connaissance du mémoire qui les invoque, peut, compte tenu de ces nouveaux éléments, décider que la clôture de l’instruction n’interviendra pas à l’issue de l’audience mais la différer à une date dont il avise les parties par tous moyens ; que, s’il décide de tenir une nouvelle audience, l’instruction est prolongée jusqu’à l’issue de cette dernière (…) »

Si la première partie de ce considérant est classique 2) Voir par exemple CE 22 mars 1999 Soudun, req. n° 186336 : « Considérant qu’il résulte des dispositions précitées que l’ordonnance de référé étant rendue à la suite d’une procédure particulière, adaptée à la nature de la demande et à la nécessité d’une décision rapide (…) », le Conseil d’Etat va plus loin, consacrant l’obligation faite aux parties de soulever les moyens à l’écrit, y compris devant le juge du référé.

Autrement dit, des moyens nouveaux soulevés à l’audience sans être repris dans un mémoire seront désormais jugés irrecevables. Et si un mémoire contenant un ou plusieurs moyens nouveaux est produit le jour de l’audience, le juge a désormais l’obligation soit de différer la clôture de l’instruction à une date ultérieure, soit de tenir une nouvelle audience afin de permettre au contradicteur de prendre connaissance du mémoire et, le cas échéant, d’y répondre.

Cette décision est un coup remarquable porté à l’oralité des procédures de référé.

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1. Par une autre décision du même jour, le Conseil d’Etat a d’ailleurs précisé aux juges du fond la marche à suivre pour tenir compte d’une jurisprudence nouvelle intervenue après la clôture d’instruction mais avant le jugement, dans l’optique de respecter le principe du contradictoire : CE 19 avril 2013 CCI d’Angoulême, req. n° 340093.
2. Voir par exemple CE 22 mars 1999 Soudun, req. n° 186336 : « Considérant qu’il résulte des dispositions précitées que l’ordonnance de référé étant rendue à la suite d’une procédure particulière, adaptée à la nature de la demande et à la nécessité d’une décision rapide (…) »

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