Nouvelles précisions quant aux modalités d’expulsion de l’occupant d’une dépendance soumise au régime de la domanialité publique

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

January 2023

Temps de lecture

3 minutes

CE 21 décembre 2022 Cne de Saint-Félicien, req. n° 464505 : Publié au Rec. CE.

1             L’entrée dans le domaine public artificiel

Pour les situations postérieures au 1er juillet 2006, le Conseil d’Etat juge que :

« quand une personne publique a pris la décision d’affecter un bien qui lui appartient à un service public et que l’aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public peut être regardé comme entrepris de façon certaine, eu égard à l’ensemble des circonstances de droit et de fait, telles que, notamment, les actes administratifs intervenus, les contrats conclus, les travaux engagés, ce bien doit être regardé comme une dépendance du domaine public » 1)CE 16 avril 2016 Cne de Baillargues, req. n° 391431 : Publié au Rec. CE.

Ce considérant de principe, issu de la décision dite Commune de Baillargues, est celui désormais repris généralement par les juridictions administratives pour apprécier l’inclusion des biens concernés dans le domaine public.

2             Les implications en matière d’expulsion des occupants

Dans une décision du 22 mai 2019, le Conseil d’Etat jugeait que cette entrée d’un bien dans le domaine public donnait compétence à la juridiction administrative pour juger d’une demande d’expulsion faite par le propriétaire public à l’encontre de son occupant 2)CE 22 mai 2019 Association les familles rurales fédération départementale du Gard, req. n° 423230 : mentionné aux Tab. Rec. CE.

Dans une décision du 21 décembre 2022 3)CE 21 décembre 2022 Cne de Saint-Félicien, req. n° 464505 : Publié au Rec. CE., dans laquelle il confirme cette compétence, le Conseil d’Etat apporte de nouvelles précisions sur cette hypothèse spécifique.

Cette affaire portait sur un terrain de camping qui, depuis 2018, avait fait l’objet d’aménagements indispensables à l’exécution de cette mission de service public. Néanmoins, par une délibération du 8 février 2019, ces biens ont été déclassés du domaine public communal afin de permettre la conclusion d’un bail commercial de 9 ans avec une société privée.

Mais, par une nouvelle délibération du 22 septembre 2020, le conseil municipal a abrogé sa précédente délibération portant déclassement du domaine public du camping municipal afin de décider d’affecter ces biens à une activité de service public de camping municipal, pour constater en suivant de ce fait l’extinction du bail commercial et autoriser l’occupant à se maintenir dans les lieux jusqu’au 1er janvier 2021.

Compte tenu du fait que ces terrains disposaient déjà des aménagements indispensables au moment de la décision de la municipalité de les affecter au service public de camping, les biens devaient être regardés à cet instant comme réintégrant le domaine public.

Des modalités particulières d’expulsion de l’occupant en découlent alors.

Si l’occupant est titulaire d’un contrat intitulé bail commercial, l’inclusion du bien sur lequel il porte s’oppose à ce que ce contrat puisse conserver son caractère de bail commercial en tant que celui-ci comporte des clauses incompatibles avec la domanialité publique.

Ce contrat doit être requalifié de titre d’occupation du domaine public.

Ce contrat en lui-même constitue le titre d’occupation du domaine public.

« Un tel contrat, s’il pouvait valoir, jusqu’à son éventuelle dénonciation, titre d’occupation du domaine public, ne pouvait conserver, après l’inclusion dans le domaine public des biens sur lesquels il portait, et indépendamment de la possibilité pour son titulaire de rechercher, devant le juge administratif, l’indemnisation du préjudice en résultant, son caractère de bail commercial en tant que celui-ci comporte des clauses incompatibles avec la domanialité publique » (point n° 6 de la décision).

Dans l’affaire jugée par le Conseil d’Etat, celui-ci rejette la demande d’expulsion formulée par la commune de Saint-Félicien par la voie d’un référé mesures-utiles, faute de dénonciation préalable par la commune du contrat dont était titulaire l’occupant.

L’existence de ce titre d’occupation constitue ainsi, au sens de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, une contestation sérieuse s’opposant à ce que le juge puisse faire droit à la demande d’expulsion dans une telle configuration.

 

 

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References   [ + ]

1. CE 16 avril 2016 Cne de Baillargues, req. n° 391431 : Publié au Rec. CE
2. CE 22 mai 2019 Association les familles rurales fédération départementale du Gard, req. n° 423230 : mentionné aux Tab. Rec. CE
3. CE 21 décembre 2022 Cne de Saint-Félicien, req. n° 464505 : Publié au Rec. CE.

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