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CE 11 juillet 2025 Banque de France, req. n° 466060 : publiée au Rec. CE
Par cette décision, le Conseil d’État unifie le point de départ de la prescription applicable aux créances nées de l’illégalité d’une décision administrative, que celle-ci ait été prise par une personne morale de droit public dotée d’un comptable public ou par une personne morale de droit public ou de droit privé ne disposant pas d’un comptable public.
Dans cette affaire, un ancien agent de la Banque de France a demandé la réparation des préjudices résultant de son admission à la retraite d’office à 63 ans par une décision du 1er décembre 2009. S’il ne contestait pas avoir cessé ses fonctions le 1er décembre 2009, date de son admission effective à la retraite, il faisait valoir que cette décision ne lui avait pas été notifiée. Par ailleurs, le Conseil d’État a infirmé l’interprétation retenue par la Banque de France des règles statutaires de son personnel s’agissant de la date limite de départ à la retraite applicable à ceux de ses agents nés avant le 1er juillet 1947 1)CE 18 décembre 2017 M. A, req. n° 395450 : aux T. du Rec. CE. Cette décision a convaincu l’ancien agent à présenter une demande indemnitaire auprès de son ancien employeur qui est restée sans réponse.
L’ancien agent a alors saisi le tribunal administratif de Montpellier afin d’obtenir une indemnité de licenciement (i) et l’indemnisation des préjudices du fait de l’illégalité de sa mise à la retraite (ii). Le tribunal administratif de Montpelier a partiellement fait droit à ses demandes en faisant uniquement droit à sa demande indemnitaire sur la période du 14 mai 2014 au 18 mai 2031. Le requérant et la Banque de France ont interjeté appel de ce jugement, cependant les deux appels ont été rejetés 2)CAA Toulouse 24 mai 2022 Banque de France, req. n° 21TL01316.
Les deux parties ont alors formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat.
(a)
Tout d’abord, le Conseil d’Etat, a rappelé que le délai de prescription des créances détenues sur la Banque de France était de cinq ans à compter du jour où le créancier a ou aurait dû connaître sa créance 3)Article 2224 du code civil. Or, la cour administrative de Toulouse avait considéré que le délai de prescription du préjudice lié à la perte de pension de l’agent devait être apprécié année par année.
Le Conseil d’Etat a donc jugé que les juges d’appel ont commis une erreur de droit en ne considérant pas que le préjudice demandé par l’agent était né de l’illégalité de la décision prononçant sa mise la retraite d’office.
Mais le Conseil d’Etat ne s’est pas arrêté là et, réglant l’affaire au fond, a opéré un revirement de jurisprudence notable.
(b)
En effet, le Conseil d’État, a ensuite rappelé les règles de prescription des créances détenues par :
- les personnes publiques dotées d’un comptable public qui se prescrivent dans un délai de quatre ans à compter du 1er janvier de l’année suivant la date où les droits ont été acquis 4)Article 1 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics
- les personnes morales de droit public ou de droit privé ne disposant pas d’un comptable public qui se prescrivent dans un délai de cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître sa créance 5)Article 2224 du code civil
Cependant, et c’est là le revirement de jurisprudence, lorsqu’il est demandé l’indemnisation du préjudice résultant de l’illégalité d’une décision administrative, le point de départ de la prescription doit être déterminé en se rapportant à la date à laquelle il est établi que le titulaire du droit a eu connaissance de cette décision, notamment – et non plus uniquement 6)pour la jurisprudence antérieure : CE 31 janvier 2000 M. X, req. n° 191800 : aux T. du Rec. CE – par sa notification.
Ainsi, désormais, peu importe que la décision ait été prise par une personne morale de droit public dotée d’un comptable public ou par une personne morale de droit public ou de droit privé ne disposant pas d’un comptable public : le délai de prescription commence toujours à courir à compter de la date à laquelle le titulaire du droit a eu connaissance de cette décision.
Toutefois, pour des questions de sécurité juridique et à titre transitoire, le délai de prescription quadriennale court, à l’égard du destinataire d’une décision administrative non notifiée dont il a eu connaissance antérieurement à la présente décision, à compter du 1er janvier 2026.
Au cas présent, le Conseil d’État retient que l’ancien agent de la Banque de France doit être regardé comme ayant nécessairement eu connaissance, au plus tard au 1er décembre 2009, de son placement d’office à la retraite à 63 ans, sans qu’il puisse valablement soutenir être resté dans l’ignorance de sa créance jusqu’à la décision du Conseil d’Etat de 2017 7)CE 18 décembre 2017 M. A, req. n° 395450 : aux T. du Rec. CE par laquelle la Haute-Juridiction a infirmé l’interprétation retenue par la Banque de France des règles statutaires de son personnel s’agissant de l’âge limite de départ à la retraite applicable à ceux de ses agents nés avant le 1er juillet 1947.
En conséquence, le Conseil d’État en a déduit que la prescription quinquennale de la créance de l’intéressé était acquise au 14 mai 2019, date où la Banque de France a reçu sa demande indemnitaire préalable.
References
1, 7. | ↑ | CE 18 décembre 2017 M. A, req. n° 395450 : aux T. du Rec. CE |
2. | ↑ | CAA Toulouse 24 mai 2022 Banque de France, req. n° 21TL01316 |
3, 5. | ↑ | Article 2224 du code civil |
4. | ↑ | Article 1 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics |
6. | ↑ | pour la jurisprudence antérieure : CE 31 janvier 2000 M. X, req. n° 191800 : aux T. du Rec. CE |