Nul ne peut se prévaloir de la cristallisation des règles d’urbanisme dans un lotissement en l’absence… de lotissement !

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

July 2022

Temps de lecture

3 minutes

CE 13 juin 2022 M. et Mme B, req. n° 452457: mentionné aux Tab. Rec. CE

Si cela va sans le dire, cela ira encore mieux en le disant.

Dans sa décision du 13 juin 2022, le Conseil d’Etat rappelle quelques notions sur les critères permettant d’entrer dans le champ d’application du lotissement et des conséquences qui en découlent à l’occasion de la réalisation des constructions dans son périmètre.

1             Rappel des caractéristiques d’une opération constitutive d’un lotissement

Par définition, en application de l’article L. 442-1 du code de l’urbanisme, un lotissement exige la division en propriété ou en jouissance d’une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis.

Comme le précise le rapporteur public Arnaud Skzryerbak dans ses conclusions sur cette affaire, « la division en propriété conduit à partager le terrain entre plusieurs propriétaires » tandis que « la division en jouissance est à l’inverse sans incidence sur la propriété du terrain » qui reste entre les mains d’un seul ou plusieurs propriétaires, mais des droits de jouissance exclusifs sont reconnus à plusieurs personnes.

Aucune division en jouissance n’est susceptible d’être caractérisée par la simple location d’une partie de terrain (CE 28 décembre 1993 M. X., req. n° 140752), sauf à ce que la location porte sur des locations de terrains, les baux à construction, les baux emphytéotiques dès lors que la location est consentie en vue de l’implantation de bâtiment (Cass. 3e civ. 17 novembre 2004 SCI Le Levant, req. n° 03-15.193 : publié au Bulletin).

En d’autres termes, la division – qu’elle soit en propriété ou en jouissance – est inconditionnellement liée au transfert du droit de construire.

Or, faute de division effective pour construire, c’est-à-dire par cession ou attribution de droits de jouissance exclusifs, il ne peut par définition avoir lotissement.

C’est ce que rappelle le Conseil d’Etat dans cette décision concernant une société qui avait obtenu une déclaration préalable de division portant sur un terrain déjà bâti dont elle était resté seule propriétaire, et sur lequel elle entendait édifier elle-même une maison d’habitation avec piscine en vue de l’affecter à de la location saisonnière.

Le principe est rappelé : sans division, pas de lotissement, et ce même si une autorisation de diviser a été délivrée.

2             L’absence de division effective s’oppose à la cristallisation des règles d’urbanisme

L’article L. 442-14 du code de l’urbanisme prévoit que dans un lotissement, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme nouvelles intervenues dans un délai de cinq ans suivant soit la date de non-opposition à déclaration préalable (en cas de déclaration préalable), soit l’achèvement des travaux (en cas de permis d’aménager).

Toutefois, en l’absence de lotissement, faute de mise en œuvre concrète de la division, il est impossible de se prévaloir des règles stabilisatrices qui y sont attachées dans le cadre du dépôt d’une demande de permis de construire.

Dans ce cadre, si la société titulaire de la DP et ayant déposé la demande de PC indiquait dans l’affaire jugée par le Conseil d’Etat souhaiter procéder à la cession de la partie du terrain déjà bâtie, les conseillers d’Etat jugent que « en l’absence de tout transfert de propriété ou de jouissance, elle ne pouvait se prévaloir, à l’occasion de cette demande de permis de construire [concernant la villa avec piscine destinée à être affectée à la location saisonnière], des droits attachés, en vertu de l’article L. 442-14 du code de l’urbanisme cité ci-dessus, au lotissement autorisé, dont le projet de construction ne pouvait relever ».

Il annule donc l’arrêt d’appel du 11 mars 2021 qui avait estimé que les règles applicables lors de la non-opposition à la déclaration préalable devaient être prises en compte pour l’instruction de la demande de permis.

Il convient de noter au demeurant que la même cour administrative d’appel avait pu juger dans un sens identique au Conseil d’Etat dans un arrêt du 7 janvier 2021 à l’occasion d’une autre affaire (CAA Marseille 7 janvier 2021 M. B. A., req. n° 19MA01691).

 

 

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