Le juge administratif peut examiner la légalité du futur PLU pour apprécier la légalité d’une décision de sursis à statuer

Catégorie

Droit administratif général, Urbanisme et aménagement

Date

July 2020

Temps de lecture

3 minutes

CE 22 juillet 2020 Commune de La Queue-les-Yvelines, req. n° 427163 : publié au Rec. CE

1           Le contexte du pourvoi

Par une délibération du 23 mars 2009, le conseil municipal de La Queue-les-Yvelines a prescrit l’élaboration du plan local d’urbanisme (PLU) de la commune et, par une délibération du 10 juillet 2013, tiré le bilan de la concertation et arrêté le projet de PLU.

Par un arrêté du 18 octobre 2013, le maire de La Queue-les-Yvelines a opposé un sursis à statuer de deux ans à la demande de permis de construire une maison individuelle et un garage, présentée le 26 août 2013 par Mlle A… B…, sur un terrain situé chemin du Roy, sur la parcelle cadastrée ZA 274.

Par un jugement du 21 novembre 2016 1)Req. n° 1402316., le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de Mlle A… B… tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du 18 octobre 2013 ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cette décision.

Mlle A… B… a interjeté appel de cette décision devant la cour administrative d’appel de Versailles.

Par un arrêt du 22 novembre 2018 2)Req. n° 17VE00223., la cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Versailles, l’arrêté du 18 octobre 2013 et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté.

La commune de La Queue-les-Yvelines se pourvoit alors en cassation devant le Conseil d’Etat. C’est dans ce cadre que le Conseil d’Etat a été amené à se prononcer sur l’appréciation faite par les juges du fond de la légalité d’une décision de sursis à statuer au regard de la légalité du futur PLU.

2          La décision du Conseil d’Etat

Tout d’abord, le Conseil d’Etat rappelle les dispositions pertinentes du code de l’urbanisme, dans leur rédaction applicable à la date du sursis à statuer en litige.

Ainsi, aux termes du dernier alinéa de l’article L. 123-6 du code de l’urbanisme :

« A compter de la publication de la délibération prescrivant l’élaboration d’un plan local d’urbanisme, l’autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l’article L. 111-8, sur les demandes d’autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan. ».

Et aux termes des articles L 111-7 et L. 111-8 de ce même code :

« Il peut être sursis à statuer sur toute demande d’autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus par les articles (…) L. 123-6 (dernier alinéa) (…) du présent code (…) » ; et

« Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans (…) ».

Quant à l’article A. 424-4 du même code, il prévoit, lorsqu’il est sursis à statuer sur la demande de permis de construire, que :

« (…) l’arrêté précise les circonstances de droit et de fait qui motivent la décision (…) ».

En premier lieu, le Conseil d’Etat relève, qu’en l’espèce, l’arrêté litigieux du 18 octobre 2013 se borne à viser le code de l’urbanisme dans son ensemble ainsi que la délibération du 23 mars 2009 prescrivant l’élaboration du PLU, et à mentionner dans ses motifs que « l’opération projetée est de nature à compromettre ou à rendre plus onéreux l’exécution du plan local d’urbanisme ».

Il souligne, pour mémoire, que la cour administrative d’appel de Versailles avait jugé que ces éléments n’étaient pas de nature à mettre la destinataire de la décision à même d’identifier le texte dont elle faisait application, et que la circonstance que la délibération du 23 mars 2009 ainsi visée vise elle-même, parmi de nombreux autres articles, l’article L. 123-6 du code de l’urbanisme, n’était pas de nature à y remédier.

Ainsi, le Conseil d’Etat considère, que, contrairement à ce que soutient la commune, la cour n’a pas fondé son raisonnement sur la seule insuffisance des visas de la décision de sursis à statuer, et a porté sur les faits une appréciation souveraine exempte de dénaturation.

Celui-ci estime donc qu’en accueillant en conséquence le moyen tiré de l’insuffisance de la motivation en droit de cet arrêté, la cour administrative d’appel de Versailles n’a pas commis d’erreur de droit.

En deuxième lieu, le Conseil d’Etat précise qu’un sursis à statuer ne peut être opposé à une demande de permis de construire qu’en vertu d’orientations ou de règles que le futur PLU pourrait légalement prévoir, et à la condition que la construction, l’installation ou l’opération envisagée soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution.

Par conséquent, le Conseil d’Etat juge que ne commet ainsi pas d’erreur de droit la cour qui, pour apprécier la légalité d’une décision de sursis à statuer, examine la légalité du futur PLU.

Enfin, le Conseil d’Etat rejette comme inopérant le moyen de la commune, tiré de ce que la mention de la cour, que le projet de PLU ne classe en zone N – « zone humide » – que le fossé relié à l’affluent du Lieutel et une seule des mares, située sur un terrain déjà construit jouxtant la parcelle d’assiette du projet, serait entachée de dénaturation, dès lors que la cour n’a mentionné ces éléments qu’à titre surabondant.

En conclusion, le pourvoi de la commune de La Queue-les-Yvelines est rejeté.

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References   [ + ]

1. Req. n° 1402316.
2. Req. n° 17VE00223.

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