Office du juge de cassation et qualification d’un ensemble contractuel

Catégorie

Contrats publics

Date

December 2020

Temps de lecture

3 minutes

CE 7 octobre 2020 M. A, req. n° 433986

Par un arrêt du 4 juillet 2019, la cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) 1)La CDBF a été créée par la loi du 25 septembre 1948 pour sanctionner certaines fautes personnelles commises par certains justiciables déterminés par l’article L. 312-1 du code des juridictions financières. Les articles L. 313-1 à L. 313-15 du même code prévoient les infractions sanctionnées par la CDBF ainsi que les amendes afférentes. a condamné le président de la chambre de commerce et d’industrie de la Rochelle au paiement d’une amende de 1 500 EUR pour avoir signé, en sa qualité de président, des contrats et avenants irréguliers avec des sociétés de transport aérien à bas coûts et la filiale de l’une d’entre elles.

Ce dernier a saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi sollicitant l’annulation de cet arrêt.

1           Sur le contrôle du juge de cassation de la qualification juridique des faits de l’existence d’un ensemble contractuel

Un des principaux apports de la décision commentée est que le Conseil d’Etat exerce en l’espèce un contrôle de la qualification juridique des faits s’agissant de l’existence ou non d’un ensemble contractuel :

« Par son arrêt contesté, la Cour de discipline budgétaire et financière a jugé que les contrats de prestations de service marketing conclus par la chambre de commerce et d’industrie de La Rochelle avec deux sociétés de transport aérien et la filiale de l’une d’entre-elles étaient autonomes de ceux conclus avec ces mêmes sociétés pour la prestation de services aéroportuaires de desserte aérienne de son aéroport et qu’ainsi, ils ne formaient pas avec eux un même ensemble contractuel. Pour écarter cette qualification de même ensemble contractuel, la Cour de discipline budgétaire et financière a relevé que ces contrats avaient été signés à des dates différentes, que leur durée n’était pas identique et que l’objet des contrats de marketing en cause était de faire la promotion de la région de La Rochelle sur le site internet d’une entreprise de transport à bas coûts sans la limiter à la promotion de la desserte effectuée par cette entreprise. En statuant ainsi, alors qu’il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que les entreprises de transport concernées avaient subordonné le maintien de leur desserte à la conclusion des contrats de prestations de service marketing en cause et que, dès lors, ces derniers étaient non dissociables des contrats de prestations aéroportuaires et formaient en conséquence avec eux un même ensemble contractuel, la Cour de discipline budgétaire et financière a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ».

Il s’agit ainsi d’un contrôle étendu de la part du juge de cassation dans la mesure où l’appréciation des faits relève le plus souvent des juges du fond 2)En matière contractuelle, le Conseil d’Etat a déjà admis un contrôle de la qualification juridique des faits, notamment s’agissant du changement d’objet du marché de nature à faire naître un nouveau marché (CE sect. 11 juillet 2008 Ville de Paris, req. n° 312354) ou encore s’agissant du bouleversement de l’économie générale du marché de nature à faire naître un nouveau marché (CE 20 décembre 2017 Société Area Impianti, req. n° 408562). En outre, s’agissant du contrôle de l’interprétation d’une clause contractuelle, le Conseil d’Etat estime qu’elle relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, sous réserve de leur dénaturation (CE sect. 10 avril 1992 SNCF c/ Ville de Paris, req. n° 112682)..

2          Sur la qualification d’ensemble contractuel au cas d’espèce

Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat s’appuie sur les éléments suivants pour qualifier les contrats et avenants en cause d’ensemble contractuel. Selon la Haute Juridiction, « les entreprises de transport concernées avaient subordonné le maintien de leur desserte à la conclusion des contrats de prestations de service marketing en cause et que, dès lors, ces derniers étaient non dissociables des contrats de prestations aéroportuaires ».

Ainsi, le Conseil d’Etat annule la décision de la CDBF et renvoie les parties devant cette même cour.

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1. La CDBF a été créée par la loi du 25 septembre 1948 pour sanctionner certaines fautes personnelles commises par certains justiciables déterminés par l’article L. 312-1 du code des juridictions financières. Les articles L. 313-1 à L. 313-15 du même code prévoient les infractions sanctionnées par la CDBF ainsi que les amendes afférentes.
2. En matière contractuelle, le Conseil d’Etat a déjà admis un contrôle de la qualification juridique des faits, notamment s’agissant du changement d’objet du marché de nature à faire naître un nouveau marché (CE sect. 11 juillet 2008 Ville de Paris, req. n° 312354) ou encore s’agissant du bouleversement de l’économie générale du marché de nature à faire naître un nouveau marché (CE 20 décembre 2017 Société Area Impianti, req. n° 408562). En outre, s’agissant du contrôle de l’interprétation d’une clause contractuelle, le Conseil d’Etat estime qu’elle relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, sous réserve de leur dénaturation (CE sect. 10 avril 1992 SNCF c/ Ville de Paris, req. n° 112682).

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