La prise en compte des obligations contractuelles de confidentialité dans l’appréciation du risque d’atteinte imminente au secret des affaires

Catégorie

Contrats publics

Date

February 2022

Temps de lecture

3 minutes

CE 10 février 2022 CHU de Pointe-à-Pitre / Abymes, req. n° 456503, publié au Rec. CE

Par sa décision CHU de Pointe-à-Pitre / Abymes, le Conseil d’Etat affirme que l’obligation contractuelle de confidentialité à laquelle s’est engagée l’assistant à maîtrise d’ouvrage d’un acheteur public doit être prise en compte pour apprécier le risque d’atteinte imminente au secret des affaires.

Dans cette affaire, le centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre / Abymes (ci-après : « le CHU ») a confié à la société Acaop une mission d’audit et d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour la passation de marchés d’assurances. La société hospitalière d’assurances mutuelles (ci-après : « la SHAM ») a candidaté à la procédure de consultation. Elle a toutefois saisi le juge des référés du tribunal administratif de Guadeloupe d’une requête en « référé secret des affaires », sur le fondement de l’article R. 557-3 du code de justice administrative afin de demander l’interdiction au dirigeant et aux employés de la société Acaop d’accéder à l’ensemble des documents déposés par les candidats et leur exclusion de la consultation, compte tenu des relations étroites du dirigeant de la société avec des sociétés concurrentes.

Par une ordonnance du 9 juin 2021, le juge des référés a fait droit à sa demande et a enjoint au CHU d’interdire par tout moyen l’accès de la société Acaop à l’ensemble des documents déposés par les soumissionnaires et a suspendu l’analyse des offres. Le CHU a formé un pourvoi en cassation contre cette ordonnance.

Le Conseil d’Etat devait donc se prononcer sur le risque d’atteinte au secret des affaires, dans le cas où l’assistant à maîtrise d’ouvrage, entretenant des relations étroites avec des sociétés concurrentes, avait connaissance des offres de prix de tous les soumissionnaires.

Pour y répondre, le Conseil d’Etat a, au préalable, rappelé les dispositions des articles L. 77-13-1 et R. 77-13-2 du code de justice administrative qui prévoient que le juge administratif, saisi d’une action sur le fondement de l’article R. 557-3 du même code, visant à prévenir, faire cesser ou réparer une atteinte portée au secret des affaires, peut interdire la réalisation ou la poursuite des actes d’utilisation ou de divulgation d’un secret des affaires 1)Article R. 152-1 du code de commerce.

Le Conseil d’Etat a ensuite exposé la notion d’information protégée au titre du secret des affaires qui prévoit trois critères 2)Article L. 151-1 du code de commerce :

le caractère inconnu ou difficilement accessible de l’information

la valeur commerciale, du fait de son caractère secret

les mesures de protection de son détenteur légitime pour en conserver le secret

Dans le cas d’espèce, le Conseil d’Etat a relevé que le CHU a conclu un marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage avec la société Acaop.

Cette dernière intervenait donc pour le compte du CHU et elle était tenue d’une obligation contractuelle de confidentialité prévue dans le marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage.

Le Conseil d’Etat en a déduit que le juge des référés du tribunal de Guadeloupe avait commis une erreur de droit en ne prenant pas en compte cette obligation contractuelle de confidentialité pour apprécier le risque d’atteinte imminente au secret des affaires.

Dès lors, le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance du tribunal de Guadeloupe et réglant l’affaire au fond, il a procédé à un raisonnement en trois temps.

Tout d’abord, il a jugé que les informations financières transmises par la SHAM dans le cadre de son offre sont couvertes par le secret des affaires au sens du code du commerce et sont donc susceptibles de faire l’objet d’un référé « secret des affaires ». Ensuite, le Conseil d’Etat a relevé que la SHAM s’est opposée à la transmission de ces informations à la société Acaop en raison des relations de son dirigeant avec une société concurrente. Or, il considère que cette « seule circonstance ne suffit pas, par elle-même, à caractériser un risque d’atteinte imminente au secret des affaires » puisque la société Acaop est tenue à une obligation contractuelle de confidentialité en sa qualité d’assistant à maîtrise d’ouvrage. La demande de la SHAM est donc rejetée.

Cependant, le Conseil d’Etat offre à la société une issue en lui indiquant qu’elle pourra faire valoir, devant le juge du référé précontractuel, tout manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence qu’elle constatera et notamment, toute violation du secret des affaires ou de l’impartialité du pouvoir adjudicateur.

 

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References   [ + ]

1. Article R. 152-1 du code de commerce
2. Article L. 151-1 du code de commerce

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