Offre anormalement basse : la CJUE précise la teneur de l’information à adresser au candidat évincé

Catégorie

Contrats publics

Date

July 2023

Temps de lecture

3 minutes

CJUE 11 mai 2023 Sopra Steria Benelux, aff. C 101/22

Par un arrêt C‑101/22 P en date du 11 mai 2023, la Cour de Justice précise le mode d’emploi des pouvoirs adjudicateurs confrontés au risque d’offre anormalement basse.

L’affaire en cause oppose la Commission européenne, pouvoir adjudicateur et un consortium dirigé par la société Sopra Storia Benelux (« S2U »), candidat évincé d’un lot d’un marché de services informatiques.

S2U, après s’être vu informée du rejet de son offre, a interrogé la Commission sur les caractéristiques et les avantages de l’offre de l’attributaire pressenti. La Commission lui a répondu en transmettant un rapport d’évaluation de l’offre.

A la lecture du rapport, S2U a contesté le résultat de l’appel d’offres, émettant des doutes sur la viabilité du prix proposé par l’attributaire sans risque de « dumping social » ou d’un risque concernant l’exécution du contrat et a invité le pouvoir adjudicateur à confirmer que l’offre de l’attributaire ne présentait aucun risque en ce sens.

En réponse, la Commission a indiqué qu’une analyse détaillée sur le plan financier avait permis de révéler sa conformité avec les conditions du marché des pays à partir desquels les cocontractants et leurs sous-traitants exécuteraient les services demandés.

S2U a déposé un recours devant le Tribunal de l’UE à l’encontre de la décision d’attribution du marché dont le deuxième moyen est tiré du défaut de motivation du refus du pouvoir adjudicateur de qualifier l’offre d’anormalement basse. Le Tribunal de l’UE a accueilli ce moyen, considérant que la réponse du pouvoir adjudicateur doit préciser explicitement les motifs l’ayant conduit à ne pas considérer l’offre retenue anormalement basse et qu’elle ne doit pas intervenir pour la première fois et a posteriori devant le juge.

La Commission s’est donc pourvue devant la Cour de Justice, qui vient confirmer et préciser la grille de lecture du Tribunal.

Elle rappelle ainsi aux pouvoir adjudicateurs qu’ils doivent procéder à un contrôle prima facie à la recherche d’indices pouvant laisser présager un caractère anormalement bas au niveau financier et, en cas de soupçons avérés, analyser plus en détails en donnant la possibilité au soumissionnaire mis en cause de s’expliquer.

En ce qui concerne l’obligation de motivation, la Cour indique que hormis l’hypothèse dans laquelle les arguments avancés par le soumissionnaire évincé seraient dépourvus de pertinence ou de toute motivation, le pouvoir adjudicateur est tenu, d’une part, de procéder à une analyse détaillée de l’offre retenue afin d’établir que celle-ci ne présente effectivement pas un caractère anormalement bas et, d’autre part, d’en communiquer les grandes lignes au soumissionnaire évincé qui l’a expressément interrogé sur ce point. La question de l’articulation avec le secret des affaires de l’attributaire n’est pas envisagée par la Cour.

A l’inverse, elle n’admet pas que le pouvoir adjudicateur se fonde sur le seul motif qu’il n’aurait pas eu de soupçon susceptible d’engendrer un contrôle plus approfondi.

Enfin, la Cour précise la notion de demande expresse du soumissionnaire évincé tendant à obtenir les motifs ayant conduit le pouvoir adjudicateur à ne pas considérer l’offre retenue comme anormalement basses. Elle juge à cet égard que s‘il est préférable que la demande mentionne littéralement la notion d’offre anormalement basse, cette référence formelle n’est pas indispensable. Elle indique que :

« Néanmoins, il est crucial que la demande du soumissionnaire évincé soit formulée de telle manière qu’elle ne laisse planer aucun doute sur son intention d’amener le pouvoir adjudicateur à justifier sa décision de ne pas considérer l’offre retenue comme étant anormalement basse (…) » (point 53)

En l’espèce, il est jugé que l’évocation du risque de « dumping social » permettait bien de caractériser une demande expresse. :

« (…) Tel est le cas lorsque, comme en l’espèce, un soumissionnaire évincé signale au pouvoir adjudicateur deux conséquences potentielles notoirement connues du choix d’une offre anormalement basse, telles que le risque de dumping social et le risque de mise en péril de la continuité des services » (point 53)

En conséquence, la Cour rejette le pourvoi de la Commission européenne.

 

 

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